Adrien MARCO : Adrien Marco Trio

 

  Quand le cœur parle…

 

Rencontre avec Adrien MARCO et son jazz manouche.

Par Stefani STOJKU

Rencontré lors du festival de jazz Gypsy de SALLES, Adrien MARCO est le guitariste de cette génération très prometteur.

Son dernier album « voyage » comme son nom l’indique nous invite dans une revisite de classiques à signature personnelle. « Robe noire » de sa propre composition, révèle un tout autre paysage pour le peu enivrant.

Tombé sous le charme, il était plus qu’évident de le rencontrer pour comprendre un peu plus son parcours et sa vision autant artistique que performante.

Entre vibrations et émotions, Adrien MARCO a développé une agilité et une fouge singulière. Côtoyant les gens du voyage et respirant la musique manouche, c’est un homme aux yeux pétillants qui s’exprime sur la relation étroite de l’homme et la guitare.

 

Adrien, pourrais-tu te présenter et nous en dire plus sur ton apprentissage ?

 L’apprentissage…j’ai appris seul. J’ai commencé à l’âge de 17ans, j’en ai 30 maintenant. J’ai eu quelques cours pendant quelques mois avec une personne, et puis comme je joue à l’oreille – je ne sais pas lire la musique – cette personne m’a appris à me servir de mes oreilles encore mieux pour que je puisse jouer la musique que je souhaite c’est-à-dire la musique manouche de Django Reinhardt.

 

Donc pas d’apprentissage dit de lecture musicale ?

Non, le solfège j’ai essayé mais ce n’était pas mon truc. Mais c’est une bonne école celle du terrain. J’ai vraiment appris soit tout seul en relevant et écoutant des CD, soit avec des gens du voyage et là, ça va vite : ils te donnent la grille, ils ne te donnent pas le nom des accords.

 

Quels sont tes influences principales ?

 Il y a beaucoup de Django Reinhardt, la plus grande influence c’est certain. Wes Montgomery, Georges Benson, grands guitaristes américains qui eux-même ont été influencés par Django. Après j’aime beaucoup les chansons italo-américaines : Frank Sinatra, Dean Martin, les crooners américains des années 50/60 toujours avec des arrangements assez riches.

 

Comment en es-tu venu au jazz manouche ?

 C’est un vrai coup de cœur ! Pour faire court, j’ai commencé la guitare pour le jazz manouche. A 17 ans, j’avais un ami qui avait une guitare chez lui, je lui ai demandé si je pouvais la lui emprunter et je ne lui ai jamais rendue…maintenant, j’ai son accord pour la garder mais voilà, c’était un coup de cœur avec l’instrument en lui-même puis quelques semaines plus tard j’ai découvert un musicien : j’ai découvert Django Reinhardt tout simplement. J’ai écouté son morceau qui s’appelle « Où es-tu mon amour », j’avais les larmes aux yeux, je me suis dit que c’était magnifique et que je ne voulais jouer que ça.

Donc j’ai commencé la guitare en même temps que cette musique-là. C’était une vraie rencontre.

 

C’est un vrai coup de cœur avec l’instrument, justement quels sont tes critères dans le choix de ta guitare ? Comment vas-tu la choisir ?

 Le son, principalement et la réponse que j’obtiens d’elle également. J’aime beaucoup, dans mon jeu, utiliser l’expression. Il y a une phrase que Django Reinhardt disait à ce sujet : « une guitare ça rit et ça pleure comme un être humain » et je trouve que partant de là, tout est dit. C’est ainsi que je vois l’instrument. En gros, quand je parle de réponse, quand on rentre dedans, il faut que l’instrument réponde à ça, il faut qu’il donne aussi.

 

Si tu n’avais pas eu la guitare, aurais-tu pu être séduit pas un autre instrument ?

 Je ne pense pas… j’aime beaucoup le piano mais c’est pas évident de déplacer un Steinway dans un coffre de voiture mais c’est un instrument qui m’aurais beaucoup plu… à voir, peut-être qu’un jour, je m’y pencherai un peu dessus mais pour le moment la guitare c’est vraiment le coup de cœur, déjà, de base, je ne pensais pas pouvoir faire un jour ce métier-là.

 

Tu as une marque, un luthier avec lequel tu aimes plus travailler ?

 Il y en a deux, par le son que la guitare procure…

Actuellement, la guitare que j’ai c’est ALD Alonso-le Dosseur, très bon luthier et l’autre avec lequel on va peut-être faire un partenariat d’ici l’an prochain s’appelle Jérôme Duffell, un anglais qui vit en Suède – ou l’inverse je ne sais plus – mais en tout cas, il fait un travail remarquable. Je l’ai rencontré à Samois-sur-Seine au festival Django Reinhardt cette année.

 

J’ai remarqué que vous aviez une grande complicité sur scène, après le choix de la guitare, es-tu exigeant quant au choix de ton équipe ? Marches-tu aussi au coup de cœur de ce côté là ?

 C’est un peu des deux. J’ai eu plusieurs équipes. Je suis quelqu’un qui travaille beaucoup l’instrument donc le niveau monte, ce qui est normal, donc je cherche des gens aussi, qui forcément ont un niveau de plus en plus élevé, en tout cas synchro avec l’évolution que j’ai.

Avec cette équipe, nous travaillons ensemble depuis 2012, c’est une très très bonne équipe, après je joue des fois avec d’autres qui ont beaucoup de métiers comme Remi Oswald en guitare rythmique et Benji Winsterstein.

 

Et sinon, avec qui aimerais-tu coopérer ? Quelqu’un dont tu es admiratif ?

 Y’en a plein… il y a tellement de grands musiciens…c’est difficile… – Jean-Michel pas de réponse, Jean-Michel Avou tu sais (rires) – … Angelo Debarre, c’est un grand musicien, ce serait chouette de faire quelque chose avec lui un jour ou un monsieur comme Stochelo Rosenberg… ceux sont de grands musiciens en Jazz manouche, après en jazz, il y en a d’autres aussi par exemple Georges Benson, ce serait un rêve, j’ai encore un peu de travail pour ça …

 

Par exemple, hier soir, tu as rejoint Rodolphe Raffelli. Tu en as pensé quoi ? L’alchimie s’est-elle produite ?

Les musiciens qui étaient avec Rodolphe, je les connais déjà, j’ai travaillé à Paris notamment avec David Gastine à la rythmique et Sebastien Gastine à la contrebasse, ce sont deux frères qui tournent beaucoup ensembles, du coup, c’était un excellent moment. Après il y a des codes qui font que nous ne sommes jamais perdus, on sait comment fonctionne cette musique-là.

 

Adrien MARCO et Rodolphe RAFFELLI

©Philippe MARZAT

 

Et l’alchimie se fait…

Ça arrive de rencontrer des personnes ou l’alchimie est très forte et c’est ce qu’il fait la beauté de cette musique là aussi. J’ai beaucoup d’amis en Allemagne dont la communauté Sinti, la même que Django Reinhardt, on ne parle pas la même langue, il faut que l’interaction musicale se fasse.

 

J’ai remarqué aussi que tu es toujours très admiratif en regardant les autres jouer pendant leurs concerts, est-ce plus de l’admiration ou plus de l’inspiration ?

 Dans toutes les musiques, on apprend toujours, j’ai une vision des choses plutôt simples. Je pense que quel que soit le niveau que l’on puisse atteindre, il y a toujours à apprendre de l’autre et c’est dans cet esprit-là que je regarde la personne jouer, je regarde ça avec une vraie ouverture, une vraie curiosité.

 

Dans tes projets futurs, un nouvel album ?

Là, on a fait le deuxième qui part bien d’ailleurs, que l’on a appelé « voyage ». L’idée était de prendre pleins de musiques du monde entier, Amérique du Sud, Italie… et de les reprendre à notre sauce. Et là, on travaille sur le troisième album.

 

Le troisième album sera aussi plus de la revisite ou plutôt de la composition ?

J’aime bien faire les deux. Sur le deuxième album, on a fait une composition qui s’appelle « Robe noire » où je me suis amusé, je me suis dit je vais commencer tout seul le morceau, puis comme on est en studio et qu’on peut se le permettre, la fin du morceau se terminera avec huit guitares.

Sur le prochain, je pense qu’il y aura aussi une composition, après mon truc ce n’est pas forcement de faire de la compo à fond. Je préfère en faire peu que j’assumerai toute ma vie plutôt que beaucoup qui me lasseront en deux ans.

Du coup, il y aura de la revisite, c’est certain, une composition, sûr, et puis après il y aura de l’improvisation et donc ce n’est jamais la même chose.

 

Tu tentes d’amener quelque chose de nouveau ?

Oui, j’essaie. Je tente déjà de le faire avec mon touché, ce qui fait que quand quelqu’un va m’écouter, il va me reconnaitre, je travaille dans ce sens-là en tout cas.

Je trouve, de mon point de vue, qu’il y a beaucoup de guitaristes solistes qui négligent leur main gauche et c’est de la main gauche que viennent les sentiments, l’expression, la fermeté, toutes ces choses donc ça, je le travaille beaucoup et je fais en sorte que ce soit ma signature.

Après mes improvisations, mes solos, mes idées, je travaille aussi sur ça également.

 

C’est ce que tu conseillerais aux jeunes musiciens ?

Je pense que pour ceux qui se lancent dans le jazz manouche ou qui connaissent peu cette musique-là, il est important d’expliquer que la main gauche est essentielle, d’ailleurs pour la parenthèse, on parle souvent de la pompe, dans cette musique, en parlant de la rythmique, mais quand on parle de la pompe, on ne parle pas de la main droite, on parle de la main gauche car c’est elle qui va pomper comme un cœur, et ça pompe le manche, c’est capital.

Stefani STOJKU

https://www.youtube.com/watch?v=FTxr98SOilM

https://www.youtube.com/watch?v=_m-HwgdnJqg