Toots Thielemans

« Captured alive »

par Sylvie Baudia

Toots Thielemans: Harmonica

Joanne Brackeen: Piano

Cecil Mcbee: Contrebasse

Freddie Waits: Batterie

                                           Un album magique 

 Candid Record a remastérisé, en décembre dernier, quelques joyaux du jazz, dont « Captured alive », paru à l’origine en 1974 sous le label ChoiceUn album superbe, à écouter sans modération, qui donne un aperçu du talent et de la virtuosité d’un musicien de légende: Toots Thielemans. On y retrouve notamment « Airegin » de Sonny Rollins, « Giant Steps » de Coltrane, ou « Stella by Starlight » de Victor Young. Ainsi que deux compositions de l’harmoniciste: « Dr Pretty » et « Revol ». On peut noter la présence à ses côtés de la très jeune JoAnne Grogan Brackeen, qui l’accompagne au piano. Musicienne de la nouvelle vague, elle donne à « Captured alive » un souffle de modernité indéniable.

 Guitariste, accordéoniste, harmoniciste et « siffleur »,Toots Thielemans est un musicien hors norme, qui a sublimé l’harmonica. À l’instar de Django Reinhardt, il fait partie des rares musiciens à avoir atteint une dimension internationale . Dans un répertoire allant du jazz à la variété, il a joué avec des artistes de renom comme Miles Davis, Oscar Peterson, Charlie Parker, Dizzy Gillespie, Benny Goodman, Bill Evans ,Quincy Jones, Herbie Hancock, Billy Joël ou Paul Simon

               Toots Thielemans: un harmoniciste de légende inoubliable

Jean-Baptiste Frédéric Isidore Thielemans est né le 29 avril 1922, à Bruxelles. Tout petit, il est en admiration devant un accordéoniste qui vient jouer dans le café de ses parents. Quand il est âgé de 3 ans, son père lui donne alors un accordéon … en carton. Il prend quelques cours et joue des airs à la demande devant un auditoire déjà conquis. En 1929, on lui offre son premier harmonica. Cet instrument l’aide par ailleurs à réguler son asthme, grâce à l’action «souffler-aspirer» de l’instrument. En 1939, il passe de l’accordéon diatonique à l’accordéon chromatique. Avec aisance, il reproduit des airs entendus à la radio et sur le phonographe familial.

Un jour de l’année 1941, alors qu’il est cloué au lit et malade, un de ses amis lui rend visite avec une guitare. Jean Baptiste, fan de Django Reinhart, a bien envie d’essayer cet instrument . Son ami lui dit alors «  Si tu arrives à jouer ça, je te donne ma guitare ». Un pari que le jeune surdoué releva brillamment. À la libération, quand il rejoint le « jazz hot », la formation du trompettiste belge Herman Sandy, il devient le meilleur guitariste belge.

 Sur les conseils de ses potes le trompettiste Herman Sandy, et le chanteur de Rock Jacky Theunis, alias Jackie Valentin, il prend le surnom de « Toots », plus « hip » que son prénom d’origine. Il excelle aussi avec son Harmonica chromatique, avec lequel il improvise dans lesprit de Charlie Parker, l’emblématique saxophoniste alto, surnommé « Bird ». À ce sujet, un jour où Toots se produisait à la guitare dans un hôtel de Stockholm, il voit son idoleCharlie Parker entrer dans la salle de concert. Immédiatement, il lui joue en hommage, note pour note, la mélodie de «Lover Man», enregistré par Bird. Flatté et séduit, ce dernier est enchanté.

En 1947, Toots passe quelques mois à New York où il « jamme » avec sa guitare dans des clubs de la 52ème rue. Mais il lui manquait le « sésame » pour vivre et travailler dans la patrie de loncle Sam: la carte verte, très difficile à obtenir. Alors, il retourne en Europe. Là, il se produit avec sa guitare dans maints festivals. Comme celui de Nice en 1948, ou celui de Paris en 1949.

Alors qu’il jouait en Floride, il avait été repéré par Billy Shaw, limpresario du brillant clarinettiste Benny Goodman. Ce dernier a adoré les enregistrements de Toots que son impresario lui a fait écouter. Aussi, il lui proposera en 1950, de rejoindre son sextet. Les deux musiciens joueront ensemble pendant deux ans, au Danemark et en Suède.

      En 1952, avec la carte verte enfin obtenue, Toots Thielemans émigre aux États Unis, où il se fait naturaliser américain. Là, il accompagne le pianiste britannique George Shearing pendant sept ans et participe à la grande tournée des «Birdland All Stars» à Carnegie Hall, où il partage l’affiche avec le pianiste Count Basie, le saxophoniste Lester Young, Charlie Parker et les exceptionnelles chanteuses Billie Holiday, alias « Lady Day » et Sarah Hall, plus connue sous le pseudonyme de Sarah Vaughan.

      Génial multi instrumentiste, il sera pendant cinquante ans en position de leader dans la catégorie «instruments divers» du référendum de Down Beat. Aussi « siffleur » extraordinaire, il crée en 1962 le magnifique « bluesette », en unisson guitare sifflet.

À la tête d’une foisonnante discographie, dont notamment les magnifiques albums « The Sound » en 1955, ou « affinity » en 1978, c’est surtout à l’harmonica quil doit sa renommée internationale. Avec son « chrome sandwich », comme il l’appelait, Il a composé de nombreuses musiques de films, tels « Midnight Cowboy », un film dramatique américain réalisé par John Schlesinger en 1969, ou « Jean de Florette », film français sorti en 1986 par Claude Berri.

Avec son jeu aux harmonies raffinées et ses mélodies remplies d’émotion, Toots Thielemans a transcendé l’harmonica et lui a donné ses lettres de noblesse.

Homme simple et bienveillant, il était extrêmement apprécié par tous. Son décès en 2016 a fort attristé son public et les artistes avec qui il a joué. Mais chacun est heureux d’avoir eu la chance de le rencontrer et de l’écouter. Et aussi de pouvoir encore savourer le timbre unique et inégalable de son harmonica chromatique.

Aussi magique qu’inoubliable, Toots Thielemans continuera de nous enchanter et nous faire rêver. Pour l’éternité.

Titres:

1.Days of wine & roses

2.I never told you

3.Dr Pretty

4.Airegin

5.Images

6.Day dream

7.Giant steps

8.Snooze

Bonus tracks:

9.Stella by Starlight

10.Revol