
Par François Laroulandie
Magnifique soirée placée sous le signe du Brésil ce samedi 29 mars 2025 dans la superbe salle de l’Auditorium de l’Opéra National de Bordeaux. Après Lyon et Paris, Tiganá Santana, auteur compositeur, guitariste, chanteur à la voix chaude et envoûtante, a conquis le public bordelais, l’entraînant dans son univers culturel et musical jusqu’aux tréfonds de l’âme africaine de sa ville d’origine Salvador de Bahia. Premier artiste brésilien à composer et chanter en langues kikongo et kimbundu, langues parlées au Congo et en Angola par quelque douze millions de locuteurs et importées par les esclaves, Tigana Santana s’inscrit pleinement dans une histoire musicale brésilienne forte de l’héritage bantou de sa ville natale.
Il s’est entouré pour ce concert de musiciens exceptionnels ; le guitariste bahianais Leonardo Mendès aux arpèges aériennes envoûtantes, complice de longue date ; le percussionniste virtuose Ze Luis Nascimiento, originaire de Salvador de Bahia où il a été formé au sein du Ballet folklorique, installé en France depuis 1996 où il collabore avec nombre d’artistes internationaux, qui développe un langage rythmique élaboré et riche dinstruments variés ; le contrebassiste Felipe Cabrera au jeu précis et basses telluriques, né à La Havane et issu de la grande école cubaine de classique et jazz, compagnon de route de Gonzalo Rubalcava durant quatorze ans et collaborateur de grands noms de la scène jazz afro-cubaine, installé à Paris, ayant à son actif trois albums sous son nom.
Entrée en matière toute en délicatesse avec le premier morceau, chanté en français ; voix chaude comme une caresse balancée par un groove délicat, belle démonstration de l’accord parfait entre les musiciens. Le ton est donné, point de départ pour un voyage sensoriel au cur des cultures métissées d’un Brésil sensible. Le toucher feutré du percussionniste Ze Luis Nascimiento en accord parfait avec la contrebasse ample de Felipe Cabrera posent le cadre rythmique au sein duquel prend place avec précision la guitare aérienne de Léonardo Mendès. Le chant suave et gracile de Tiganá Santana nous emporte vers des confins de l’âme brésilienne habitée par les voix de Joao Gilberto et de Caetano Veloso.
Au troisième morceau Tiganá Santana accordant sa guitare électroacoustique dans un silence du public, attente suspendue démotion. Une splendide ballade aux accents mineurs des cordes métalliques, la voix élégante du chant nous emporte en nonchalance vers des contrées de brises alizées. La composition suivante nous offre un florilège de sons percussifs tout en délicatesse du percussionniste Ze Luis ; œuvre finement ciselée, riche d’évocations atmosphériques. L’émotion est partagée, la salle enthousiaste, l’écoute de qualité.
Cinquième morceau, une intro au tambour annonce la contrebasse de Felipe Cabrera en harmoniques élégants aux accents de salsa ; Tiganá Santana esquissant quelques pas de danse. La présence du chant comme une caresse, les réponses par la voix de Ze Luis révèlent la connivence entre musiciens, expressions communicatives, aiguisées par le chorus aérien tout en finesse de Léonardo Mendès, un superbe solo de guitare électrique dialoguant avec un scat de Ze Luis, un final en crescendo, explosion dapplaudissements fervents du public.
Le temps d’une respiration, de présenter les musiciens, évocation des rythmes bahianais, coeur battant et mains à l’unisson.
Changement d’ambiance maintenant, discrets éclairages en confidence, chant en douceur extrême sobrement accompagné par la guitare de Léonardo Mendès en hommage au grand compositeur Antonio Carlos Jobim ; puis attaque dynamique de Felipe Cabrera qui nous offre la démonstration d’un superbe solo permettant d’apprécier l’acoustique de cet écrin qu’est l’Auditorium. En suivant, trois morceaux, ballades intimistes à la voix envoûtante.
Tiganá Santana remercie le public de Bordeaux « on finit en beauté » ; ce concert de Bordeaux met un terme à sa tournée française. Il introduit le morceau suivant à la guitare solo et au chant, bientôt rejoint par les musiciens sur un rythme enlevé, tempéré par les voix en sourdine du public entonnant le refrain. Un beau moment de communion.
Enfin, le dernier morceau aux accents de bossa sur un rythme endiablé, un ostinato hypnotique de la guitare de Léonardo Mendès aux sonorités congolaises, la salle debout, joie communicative. Rappel enthousiaste du public et un au revoir en trois temps ; Tiganá Santana remerciant le public « c’est très gentil » entame un morceau envoûtant, assise ferme de la contrebasse, précision des percussions, subtilité aérienne de la guitare, timbre diaphane de la voix. Puis Tiganá en langue bantoue accompagné de ses trois musiciens aux percussions, évocation des batucadas. En cadeau d’au revoir, une épure a capella chargée d’émotion clôt un concert exceptionnel, un grand moment de partage, adeus e obrigado…


Prochain concert de jazz à l’auditorium : samedi 19 avril à 20 h avec Stefano di Battista