Action jazz au cœur de l’actualité évènementielle :
Table ronde sur le thème : « Jazz, un trait d’union entre les cultures »
avec l’association « Notre Italie »
par Martine Omiécinski, photos Marie-Hélène Plassan.
Athénée municipal, Bordeaux le samedi 12 avril 2025.
La semaine dernière, l’association « Notre Italie », qui diffuse la culture italienne à Bordeaux organisait son 6ème festival « Le Printemps Italien » devenu cette année Festival Franco-Italien de Littérature et Culture » (FFILI). La dernière journée, ce samedi 10 Avril proposait entre autres une conférence / table ronde sur le thème : « Jazz, un trait d’union entre les cultures ». Les organisateurs Stefano et Stefania Glockner (parents du trompettiste Andréa Glockner) avaient invité Philippe Desmond d’Action Jazz, qui jouait le rôle de médiateur culturel entre deux « monuments » de l’histoire et de l’actualité du jazz : le français (dacquois) Alex Dutilh (éminent animateur jusqu’en 2024 de l’émission Open Jazz sur France Musique et membre du jury du Tremplin Action Jazz mettant en lice de jeunes musiciens de la région Nouvelle Aquitaine afin de las faire connaître) et l’italien Stefano Zenni (musicologue et titulaire de la chaire de Jazz et musiques afro-américaines au conservatoire de Bologne). Ce dernier n’ayant pu se déplacer était présent en visioconférence.
Philippe Desmond présente les interlocuteurs et ouvre le dialogue en mentionnant l’origine habituellement reconnue de la naissance du jazz à Nouvelle-Orléans et ses racines africaines mais en ouvrant aussi celles-ci à l’Europe et ses musiques.
Alex Dutilh en profite pour nous éclairer plus précisément sur les origines du jazz que l’on dit souvent (les américains ?) être totalement afro-américain en expliquant qu’en fait, dès le départ il était beaucoup plus métissé que cela. En effet, la Nouvelle Orléans étant un port sur le golfe du Mexique, elle fut un carrefour de cultures, outre les apports des Caraïbes à proximité, on peut noter les traces laissées en Louisiane par la France notamment (valse, quadrille, instruments occidentaux comme le piano, le violon ou la clarinette, etc.) le mélange de base était donc latino-européen et afro-américain !
Ensuite, Alex Dutilh cite des expériences musicales marquantes de mélange musical et culturel comme Dizzy Gillespie avec les musiques afro-cubaines, John Coltrane et la musique indienne (ami avec Ravi Shankar) ou John McLaughlin (avec Shakti) ou encore la coréenne Youn Sun Nah avec un contrebassiste danois (Lars Danielsson) ou un accordéoniste français (Richard Galliano). Également dans l’histoire du jazz, les afro-américains comme Duke Ellington ou Art Blakey sont allés chercher en Afrique des percussions ancestrales.
Puis Alex bifurque bien évidemment sur des exemples impliquant des musiciens italiens avec en 1995 l’excellent album « Palatino » (une occasion pour moi de le ré-écouter !) qui réunissait le batteur italien Aldo Romano, le tromboniste américain Glen Ferris, le trompettiste sardo/italien Paolo Fresu et le contrebassiste d’origine italienne Michel Bénita. Par ailleurs, un des premiers festivals de jazz français à présenter des musiciens italiens fut celui de Calvi en Corse avec Stefano Di Batista le saxophoniste et Flavio Boltro le trompettiste.
Plus récemment Paolo Fresu s’est produit en concert avec le pianiste suédois Jan Lundgren et Richard Galliano (accordéoniste français).
Philippe Desmond donne la parole à
Stefano Zenni (bénéficiant d’une traductrice, Amanda) : ce dernier explique l’évolution de « l’organisation » jazzistique en Italie qui a beaucoup changé ces 10 dernières années, après des divisions entre associations (de festivals, de clubs, de musiciens), une organisation plus représentative est née en 2018 : « El Jazz Italiano » que le ministère de la culture a fini par aider, des conservatoires de musique jazz sont nés et ont été soutenus financièrement (environ 70 à l’heure actuelle), mais d’un coup l’afflux de musiciens a été trop importante par rapport aux clubs existants ! Donc les jeunes musiciens ont du mal à se faire connaitre.
De plus, les échanges avec les pays du Nord de l’Europe sont la plupart du temps à sens unique, les musiciens du Nord sont invités en Italie et pas ou peu le contraire, alors que c’est plus équilibré avec le Sud et l’Est !
Alex Dutilh rebondit sur l’évolution des échanges en dehors des marchés nationaux en France : d’une part les agents des musiciens ont établi un réseau de correspondants aptes à trouver des contrats locaux dans divers pays, parallèlement des systèmes bilatéraux comme A.J.C. (Association Jazz Croisés) ont permis des échanges, projets souvent aidés par des fonds publics, une autre solution pour un artiste qui a déjà une notoriété dans son pays d’origine, signer un label étranger (exemple d’Emile Parisien et Vincent Peirani chez le label allemand Act ….Leurs ventes d’albums et dates de concerts ont explosé en Allemagne !)
Philippe Desmond interroge Stefano Zenni sur l’intermittence su spectacle en Italie : le système n’existe pas, les Italiens, en prenant la France pour modèle, oeuvrent pour obtenir un système du même type et aussi pour que les droits d’auteur ne soit pas uniquement sur les compositions mais aussi sur les improvisations comme en France.
Alex Dutilh recentre le propos sur le thème : « Jazz un trait d’union entre les cultures » en donnant d’autres exemples de dialogues : Au Lincoln Center de New-York, Wynton Marsalis, grâce à des fonds privés, a invité des artistes majeurs d’autres cultures comme par exemple Chano Dominguez (pianiste de jazz espagnol) et Paco de Lucia (guitariste de Flamenco) y avaient joué et enregistré ; de même Richard Galliano avec des musiciens américains sur le répertoire d’Edith Piaf. Alex précise que pour lui ce que propose Wynton Marsalis sont de beaux exemples de mise en œuvre de la démocratie musicale : on tend la main à l’autre, on écoute l’autre et on construit ensemble ! Belle conclusion !
Philippe Desmond remercie le public, les organisateurs qui ont permis cette passerelle de savoirs, les intervenants et la traductrice, nous nous séparons sur un morceau de musique métissée avec l’éminent saxophoniste ténor argentin Gato Barbieri et le non moins fameux pianiste sud-africain Dollar Brand (alias Abdullah Ibrahim) compositeur du morceau « Hamba Khale » (1968) qui signifie Adieu !
Belle initiative de cette association « Notre Italie », l’heure est passée à une vitesse incroyable, nous serions bien restés plus longtemps avec ces « savants » mais l’association avait un programme chargé pour cette dernière journée !