Roger Biwandu invite Jean-Yves Jung

Texte et photos Philippe Desmond.

Bordeaux, mercredi 15 novembre 2023.

Depuis 1997 Roger Biwandu organise ses cartes blanches à l’Apollo, ce bar véritable institution bordelaise. De la pop au jazz en passant par la soul il nous y propose presque chaque mois des concerts toujours magnifiques avec diverses formations de trois à dix musiciens ! La scène locale y est bien sûr bien représentée et de temps en temps il invite des musiciens plus lointains ; il en connaît tant ayant joué avec beaucoup, en France et dans le monde entier. Ce soir c’est un pianiste venu de Sarreguemines, la ville lorraine réputée notamment pour son industrie faïencière, il s’agit de Jean-Yves Jung (prononcer Young à la française). Ce n’est certes pas le plus médiathique des pianistes mais quand on sait qu’il a joué avec Bireli Lagrène (en 1998 où ils se sont connus avec Roger qui faisait aussi partie du groupe), Billy Cobham, Bojan Z, Dee Dee Bridgewater, Philip Catherine, Sylvain Luc, Paris Jazz Big band…. On voit qu’on à affaire à un bon, un très bon même comme on va vite s’en apercevoir. Il joue sur trois albums de Roger Biwandu, les deux se connaissent par cœur.

Trio ce soir, Jean-Yves, le boss Roger et l’indispensable Nolwenn Leizour à la contrebasse, « la Patronne » selon le boss. Trio « classique » donc, piano (pas un vrai dommage), contrebasse, batterie, la formation référence du jazz et pour commencer un standard « Everything I love » joué notamment par le trio de Bill Evans à qui Jean-Yves Jung n’a pas grand chose à envier. Il part de suite dans de hautes sphères, nos regards entre amis se croisent déjà ébahis. Il compose aussi comme « New Blue » qui enchaîne ; on entendra aussi de sa plume « Maybe Tomorrow » et New Seven ». Swing. Sourire permanent ou presque, main droite très libre, gauche précise c’est un régal à voir et à écouter.

Roger est monté léger – comme souvent ici – une simple jazette avec laquelle il est infiniment créatif, dans les sons choisis, les ponctuations, les explosions surprises ; balais, baguettes, mailloches tout y passe. Il peut dynamiter une ballade par un coup de tonnerre, ou s’y faire discret et feutré, il enchaîne les breaks, les solos avec aisance et fantaisie. Très grand batteur, on le sait, la planète des musiciens le sait aussi. On entendra sa composition « Song for my Kids » dont le thème sera repris par l’assistance dans une belle version étirée dont on ne se serait jamais sorti. Ils ont de la chance ses kids d’avoir un tel papa.

Le boss adore Wayne Shorter, ça tombe bien nous aussi. « Black Nile » en trio sans saxophone, magnifique ! Nolwenn est là, toujours réactive aux surprises et impros, un soutien magistral chaleureux et tonique, des chorus pleins de tendresse, un régal. De Wayne on entendra aussi juste après la ballade « Fall » et plus tard le hard bop « Yes or No ». Monk viendra roder avec « Evidence » Jean-Yves Jung peut le jouer sans complexe.

Que ce trio, de circonstance rappelons-le, joue bien ! Aussi bien dans la fougue que la délicatesse comme dans cette lente et délicate ballade, « Peace » d’Horace Silver .

Rappel, – au-delà des 22 heures légales, une exception ici – avec « Take the Coltrane » titre clin d’oeil de Duke Ellington qu’ils avaient joué ensemble sur un album de 1963, un ancien et un moderne main dans la main !

Encore une magnifique soirée où on cherchait quand même un peu les amateurs de jazz. Pas mal de musiciens, des jeunes loups du jazz notamment et ça c’est bien. Un trio de cette qualité, comme ça, tout près, accessible et superbe, le tout autour d’un verre entre amis ça ne devrait pas se rater non ?

Prochaine carte blanche à l’Apollo le mercredi 27 décembre : « Girl Power » de la soul avec 4 chanteuses et 6 musiciens ; déjà vu, c’est top !

Deux jours après, Roger Biwandu se faisait tout léger et nuancé pour accompagner le swing, le blues, la bossa nova de Marie Carrié, avec toujours Nolwenn Leizour à la contrebasse et cette fois Hervé Saint-Guirons au piano. Il sait tout faire et très bien.