Pierre Bertrand quintet – Charles Heisser trio au Prieuré

par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat.

Le prieuré de Cayac, Gradignan le jeudi 8 juin 2023

Le Théâtre des Quatre Saisons, de Gradignan, une des plus belle salle de la région, avait choisi un autre magnifique écrin pour clore sa saison culturelle, le Prieuré de Cayac. Les bâtisses les plus anciennes datent du XIIIe siècle et à l’origine servaient d’höpital aux pèlerins de Compostelle. Le lieu, qui est toujours un relai pour eux, accueille aussi des associations locales et un musée. C’est dans le parc au pied du petit château du XVIIe, tout près du moulin, que les spectateurs ont été installés, les musiciens en occupant eux la terrasse. Joli geste de la Ville, le concert est offert avec deux groupes au programmes, le quintet de Pierre Bertrand et un groupe non précisé sur le programme.

Première partie : Charles Heisser trio

C’est un trio qui s’avance, classique avec piano, contrebasse, batterie. Respectivement Charles Heisser, Timothée Garson et Baptiste Archimbaud. Une découverte car personne ne les connaît, visiblement pas d’ici car vu leur niveau ils ne seraient pas passés inaperçus. Comme ça joue bien ! Deux titres où d’abord le trio s’envole, piano en tête, Charles est impeccable, puis un autre très minimaliste et délicat qui me rappelle quelque chose. Charles, très à l’aise à la présentation et très pédagogue nous précise alors que le concert est un hommage à Chick Corea, à ses périodes acoustiques. On vient ainsi d’entendre « Morning Sprite » du Chick Corea Akoustic Band et le premier des « Children Songs » ; je me disais aussi. Il enchaînent sur le « Quartet n°2 », la partie Duke et la partie Coltrane, un titre de Monk repris par Chick « Think of one » pour finir avec « Life Line » du trio Corea, Cohen, Ballard. Ces trois jeunes musiciens, finissant leurs cycles au CNSM de Paris, sont remarquables, leur exécution plus que parfaite d’un répertoire pas facile en est la preuve vivante. On va les surveiller, dommage qu’ils ne soient pas de la région, ils auraient fait d’excellents candidats pour notre Tremplin Nouveaux Talents.

 

Deuxième partie : Pierre Bertrand quintet

Pierre Bertrand était déjà venu à Gradignan en 2008 au Solarium avec le Paris Big Band accompagné d’un certain Bob Mintzer. J’avais raté ça. Il revient ici plus léger, en quintet. Saxophoniste, flûtiste, il est presque plus connu pour ses compositions et ses arrangements ; il a travaillé du côté de chez nous avec le groupe Saxtape notamment. Ce soir il vient nous jouer son dernier album « Colors », comment, selon lui, associer couleurs et musique.

Avec lui le trompettiste suédois Anders, Bergcrantz, Pierre-Alain Goualch au piano, Christophe Wallemme à la contrebasse et Laurent Robin aux baguettes.

Voilà le jaune avec « Sunshine » et déjà une rythmique percutante sur laquelle harmonies et mélodies voyagent à l’aise. L’orange avec « Sanguin comme une orange » et une vive batterie marquant chaque temps, une vraie pulsation enivrante. Pierre jongle avec flûte et sax ténor pour faire ressortir toutes les nuances souhaitées alors que nous découvrons le jeu inspiré d’Anders et le lyrisme de Pierre-Alain. Cette musique est Chaleureuse, colorée évidemment, les spots envoyant en plus systématiquement la couleur évoquées sur les musiciens, le jour, encore là, en atténuant, un peu l’effet. Pierre Bertrand, chef d’orchestre aussi, en garde les réflexes, battant souvent la mesure de ses mains quand il ne les promène pas sur les clés de ses instruments. La palette va défiler alternant ballades comme « Sweat Dreams » el la couleur magenta/violet, et le be bop comme lors des accélérations de tempo de « Looking to Eternity » évoquant le bleu.

Harmonies travaillées, ciselées, nuances, que cette musique est riche tout en restant facile d’accès. Anders fait parler sa trompette, lui tirant aussi des gémissements. L’accord des deux soufflants fonctionne à merveille arbitré par le piano aux accords parfois osés de Pierre-Alain. Superbe. « Color Blind » morceau multicolore dédié à ces pauvres daltoniens avec un long passage en trio piano, basse, batterie exceptionnel. Le rouge enfin sur un mode trois temps : explication de Pierre, rouge comme le feu, feu comme pyro, pyro comme pyramide, pyramide comme triangle, triangle comme trois, tout simplement. Il faut le suivre ce remarquable compositeur plein d’une imagination débordante ! Il manque certaines couleurs, le vert notamment et comme les musiciens saluent, ce sera pour le rappel.

Le rappel ? Mais c’est quoi ce public qui a apparemment apprécié le concert, au vu des applaudissements, et qui se lève presque comme un seul homme, laissant les premiers rangs à leurs vains appels réclamant un bis, au moins ! Il est à peine 22 heures, pas de métro à rater pourtant, peut-être les trois gouttes de pluie quis sont discrètement tombées et ont affolé un public il est vrai assez mûr, pour être élégant… Quel dommage. Pierre Bertrand avec qui j’évoque cette déception en est le premier surpris.

Merci aux organisateurs de nous avoir offert deux superbes groupes dans ce lieu idylique que même les moustiques n’ont pas osé déranger ce soir.

https://www.cristalrecords.com/albums/pierre-bertrand-colors/

https://www.t4saisons.com/

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