Musicothérapie : le Fanophone créé par Stéphane Séva

 

par Philippe Desmond.

Stéphane Séva mène deux carrières, une de musicien comme chanteur de jazz et washboarder, une autre de musicothérapeute.

La musicothérapie mais qu’est-ce donc ? C’est l’utilisation de la musique comme soutien et comme complément aux thérapies médicales, destinée aux publics atteints de pathologie cognitives ou motrices. Elle permet d’aider à restaurer la santé mentale, physique, émotionnelle des patients.

Cela fait 16 ans que Stéphane Séva la pratique auprès de publics divers, à l’Hôpital de Jour de Bordeaux avec des adolescents victimes de troubles du comportement (phobie scolaire, inhibitions extrêmes…) à la Maison d’Accueil Spécialisée de Camblanes* avec des cérébro-lésés  (victimes d’accidents, d’AVC…).

Deux façons de travailler, soit en écoute simple pour ensuite essayer de recueillir les impressions, les réactions ou simplement passer un moment de détente, soit en atelier musical où chacun va participer à créer de la musique ou à l’accompagner.

C’est pour ce genre d’atelier que Stéphane a eu l’idée de créer le Fanophone, une table musicale, un outil rassemblant divers postes instrumentaux. Le Fanophone est ainsi un outil transportable se transformant en table et autour duquel les patients vont se rassembler pour participer activement. Washboard, xylophone, woodbox, hang drum, tambours et même une tablette avec enceinte blue tooth sont ainsi réunis dans ce bel objet en bois fabriqué pour le moment artisanalement.

J’ai retrouvé Stéphane à l’Atelier CNC de Mérignac où un Fanophone est en cours de fabrication. Le bois choisi est du contreplaqué en pin maritime produit entièrement dans les Landes. Un bois local et moins lourd que le chêne par exemple, il faut penser au transport. Benoît Vendé découpe grâce à sa machine à commande numérique, les différentes pièces qui vont constituer le Fanophone. Il va ensuite assembler les éléments par collage, placer des charnières entre les deux parties, traiter le bois avec de l’huile de lin – huile Rubio pour les connaisseurs – mettre en place la partie électrique (lampes, connectique) installer les claves et les instruments.

C’est seulement la deuxième réalisation du Fanophone après le prototype. Le premier modèle a été acheté par l’Hôpital de Jour de Bordeaux et Stéphane s’en sert deux fois par mois auprès des jeunes en difficulté : « On passe à table ! » leur dit-il. Il arrive avec ça à canaliser leurs émotions, à maîtriser leur énergie autour de ce travail en commun qui consiste à jouer de la musique, à reproduire des rythmes, à improviser avec lui.

La musicothérapie se développe petit à petit, certains professionnels de santé y sont ouverts d’autres pas du tout. Il ne s’agit pas d’une thérapie à proprement parlé mais d’une médiation entre patients et soignants, une aide apportée aux uns et aux autres. Stéphane travaille ainsi avec des psychiatres, des psychologues. Il va bientôt intervenir à la fondation John Bost avec des poly-handicapés, des psychotiques et des autistes.

Le Fanophone est en évolution, le but est de gagner du poids et de pouvoir être fabriqué en petite série pour les instituts spécialisés qui seraient intéressés. Le mécénat peut être un vecteur, une fondation qui offre cet équipement à un établissement par exemple  « Même si moi je n’y travaille pas. Pour cela je suis en train d’écrire un livret d’utilisation avec aussi mon retour d’expérience ».

Stéphane propose même une playlist avec des musiques pour les enfants, les personnes agées, des musiques sans parole, rapides, lentes, gaies, tristes… « Avec le Fanophone je pratique surtout la musicothérapie active, on joue, je suis musicien, c’est mon parcours et il se passe plein de trucs même si les patients ne savent pas jouer. Mais il y a aussi de la musicothérapie réceptive, le thérapeute propose d’écouter puis de réagir, de verbaliser si on peut. On peut ainsi engager la discussion, se remémorer des souvenirs, éprouver des émotions. Tout cela sera dans le livret avec des exemples, des témoignages »

Stéphane me cite le cas de Vincent un ancien médecin victime d’un accident de scooter, totalement dépendant, dans un fauteuil et qui ne parle plus. « La première fois qu’il a utilisé le Fanophone avec lui, Vincent a répété exactement le rythme proposé alors qu’il était reclus dans son silence. La connexion s’est faite immédiatement. Le dialogue avec les résidents se fait naturellement avec la musique. Je leur parle évidemment beaucoup de jazz, c’est mon domaine. Et à chaque fois à la fin je leur chante une chanson, j’ai un accompagnement playback et là ils sont au spectacle. Vincent m’attend, maintenant il arrive à esquisser un sourire, il y a un vrai lien qui arrive à se tisser. »

Merci à Stéphane Séva de nous avoir fait découvrir un autre aspect du métier de musicien, un côté très humain.

* A la MAS de Camblanes, Jazz 360 organise des concerts à l’occasion du festival.

http://ateliercnc.fr/

http://www.fanophone.fr/site/