par Philippe Desmond
Cinéma Jean-Eustache, Pessac mardi 26 février 2019.
La vie de musicien de jazz nécessite de nos jours d’être très polyvalent, certains l’ont bien compris et travaille en ce sens. Il y a quelques temps suite à un atelier « ciné concert » un groupe de jeunes musiciens a géométrie variable s’est monté, du nom de Yoshiwara *
Aujourd’hui c’est un duo qui va jouer en direct pendant la projection de « Sportif par amour » (titre original « College ») de Buster Keaton, un film burlesque muet de 1927. L’histoire, un étudiant intello qui tente de se mettre au sport pour séduire une jeune fille. Connaissant ce roi du comique vous imaginez la suite.
Trois jours de préparation ont été nécessaires et suffisants à Félix Robin et Louis Laville. Si le second utilise sa contrebasse habituelle, le premier a porté son vibraphone, un balafon, un mélodica et profite du piano sur place.
Pas facile l’exercice qui consiste pour eux à imaginer une musique correspondant à une ambiance en parfaite synchronisation avec l’action qui se déroule à l’écran. Pour le public, aujourd’hui très jeune – le ciné concert se déroulant dans le cadre du Festival jeune public du cinéma Jean-Eustache de Pessac – il faut un temps d’adaptation, on a tendance à se focaliser sur la musique au début puis l’oreille s’habitue et image et son se fondent l’un dans l’autre.
Le choix des musiciens a été d’improviser à partir de mélodies ou de suite d’accords, un seul titre sera reconnaissable, adapté de « Girl from Ipanema ». Voilà pour la trame générale, mais il faut ensuite faire coller ça à l’image, à l’action, aux gags et autres chutes. En voilà justement une filmée au ralenti (oui, déjà en 1927) le tempo lui aussi ralentit sans décalage. Voilà une scène très comique ou le héros Ronald (BK) essaie de préparer un cocktail avec l’aisance gestuelle de son collègue mais ne fait que rater, la musique accompagne ses maladresses. Heureusement Félix et Louis se connaissent par cœur, ils jouent ensemble 3 à 4 fois par semaine depuis trois ans avec notamment Capucine, V.E.G.A. (deux groupes titrés lors de tremplins Action Jazz) ou encore en jams. Ils expliqueront aux enfants lors de la discussion qui succédera au film qu’une improvisation c’est comme une conversation, autour d’un sujet les idées jaillissent, l’autre rebondit et ainsi de suite.
La séance d’entraînement dans le stade montrera bien le contraste entre la musique « propre » lors des prestations des vrais athlètes et celle plus chaotique, déconstruite lors des pitreries involontaires de Ronald.
Du coup on oublie que la musique est en train de se faire, on passe des tonalités métalliques du vibra à celles plus boisées du balafon ou au son aigrelet du mélodica sans s’en rendre compte, preuve que l’accord entre image et son est réussi.
Débat sympathique avec de nombreuses questions fort intéressantes des enfants, sur la vie des musiciens, leur choix d’instrument, la facilité ou non d’apprendre la musique…et une question surprenante : quelle chanteur ou chanteuse aimeriez-vous accompagner ? Réponse encore plus surprenante des deux : Lady Gaga… notamment pour son talent qu’elle commence à mettre au service du jazz, quand même ! Sympathique coming out de nos deux lascars que leurs amis et collègues ne vont pas se priver de commenter !
* autrefois le quartier des plaisirs de Tokyo et ses geishas, dont Max Ophüls fit un film en 1937
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