Mike Stern enfin à Guitaralde !
par Philippe Desmond
Mike Stern à Guitaralde ! Deux ans qu’on l’attendait, deux ans qu’il était programmé chaque année, deux ans qu’il ne pouvait pas venir à cause de la pandémie. Il a enfin pu se glisser dans un avion et atteindre Hendaye, même si encore une fois ce n’était pas gagné. Certes pendant ces deux ans les organisateurs ont réussi à organiser le festival et c’est à souligner quand certains ont baissé les bras devant les contraintes. Créé en 2012 par son directeur artistique, le guitariste qu’on ne présente plus, Jean-Marie Ecay, ce festival autour de la guitare, tous styles confondus, fonctionne avec l’association du même nom, la Ville d’Hendaye et Hendaye Tourisme et Commerce. Un événement qui envahit la ville avec les concerts, les expos, la présence cette année de nombreux luthiers, les animations dans les bars… L’occasion de retrouver des talents confirmés et de découvrir des artistes talentueux comme cela va être le cas ce soir.
On est au Pays Basque alors c’est au fronton que ça se passe, une place libre exactement. Vu la notoriété de la star du soir, le beau temps et le prix plus que raisonnable des places, je m’attendais à davantage de monde. Au moins, ici en plein air, ce sera plus agréable que la dernière fois* que j’ai vu Mike, en 2018 à Marciac depuis le fond du chapiteau bondé, surchauffé et pour un tarif beaucoup moins léger. Allez comprendre. En plus il me reste de la place au premier rang !
Présentation bilingue français et basque par l’adjointe à la Culture – bel effort de la Mairie pour cette organisation – puis par Frédéric Aribit président de Guitaralde avec un discours original et très bien tourné et en route pour la première partie.
Le programme annonce Hyleen en solo guitare/voix elle avance avec le claviériste Michael Joseph qui va lui permettre d’étoffer son set. Voix claire, sûre, elle va nous proposer des titres dans un style pop nu-soul des plus léchés qu’elle nous déclare comme joués d’habitude à six musiciens. Annonce alléchante quand on entend déjà la qualité à seulement deux. Mélodies réussies, rythmique accrocheuse (mais il me manque la batterie ! ) voilà une artiste à surveiller. Un spectateur de choix va même venir l’encourager au bord de la scène, un certain Mike Stern toujours aussi sympathique.
A lui de jouer justement, en quintet avec Leni Stern, sa femme, à la guitare et au chant, l’imposant Bob Franceschini au sax ténor, le bassiste/contrebassiste danois Chris Minh Doky et l’immense Dennis Chambers à la batterie !
C’est Leni qui ouvre le spectacle, jouant d’un instrument artisanal africain à cordes, chantant « The House of Thieves » et suivie par les autres. Le son Stern arrive petit à petit devant le drumming feutré de Dennis. Puis la fusion va vraiment démarrer, un titre, « Out of the Blue » de mémoire, développé pendant près de 20 minutes un chorus de guitare de malade de Mike sans arrêt renouvelé, inspiré, relayé par chacun et chacune. Le concert s’arrêterait là je ne me plaindrais même pas, on a tout passé en revue ! Mais il continue et de plus belle, duels sax guitare, pulsations de Dennis est relativement discret mais si présent avec ce groove souterrain, cette grosse caisse permanente et profonde. Mike Stern peu avare de chorus dialogue avec Leni. Ils sont tellement complices tous les deux, Il va régulièrement la retrouver dans son coin pour échanger et rire lorsque les autres sont au charbon. Gros son et comportement de sax hero pour Bob, rythmique précise et riche de Chris et Dennis, caché derrière ses cymbales, qui je trouve se fait un peu attendre.
Energie du groupe mais pas seulement, vers le milieu du concert ils vont improviser sur un tempo de blues assez lent et la magie va opérer, nous voilà dans la délicatesse, la finesse ça pourrait durer des heures comme ça, c’est beau tout simplement. On résume parfois trop le jeu de Mike Stern à cette fusion nerveuse, la preuve que non. Et au fait comment se porte-t-il six ans après son grave accident qui a failli lui faire stopper sa carrière, la main droite fortement abimée ? Apparemment très bien avec même une joie de jouer amplifiée ; certes sa main, qu’il ne peut plus ouvrir, témoigne de la gravité de sa blessure mais une fois positionné le médiator par sa main gauche rien ne transparaît.
On approche de la fin du concert, un blues démarre et on entend l’orage monter, Dennis est chaud, toujours aussi impassible, il va nous sortir toute sa panoplie, des métriques décalées, des mesures de reggae, brouillant le pistes de ses compères et finissant par faire jaillir le tonnerre, quel pied !
Rappel en forme de clin d’œil à Jimi avec Red House la joie parcourt la place libre, la musique aussi y a été libre. Ca valait le coup d’attendre deux ans !
Quant à Mike et Leni ils descendront aussitôt de scène pour aller à la rencontre du public se pliant avec la plus grande gentillesse et simplicité aux sollicitations des uns et des autres. Des stars comme on les aime.
* la première fois avec Miles en 1983…
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