Mario Canonge et Annick Tangorra à la Grande Poste
Par Philippe Desmond, photos Jean-Michel Meyre.
La Grande Poste, Bordeaux le 22 avril 2023.
Moins d’une semaine après un superbe concert du Jeremy Pelt quintet (voir la chronique sur ce blog) , nous revoilà à la Grande Poste, cet espace improbable comme il s’auto-proclame. Cette fois c’est pour un duo mais tout aussi intéressant. Mario Canonge, au piano bien sûr, se produit avec Annick Tangorra au chant.
La veille Mario se produisait en solo à quelques kilomètres d’ici, à l’Espace Brémontier d’Arès. Des amis qui étaient présents et notamment un des siens, un sacré pianiste bordelais, Francis Fontès encore là ce soir, en sont revenus subjugués. Mario Canonge, particulièrement inspiré, voire habité, à joué des titres qu’eux n’imaginaient même pas possibles à adapter en solo.
Ce soir le cadre est différent et s’intègre au passage dans un événement bordelais, le « So Rhum Festival » organisé à la Cité du Vin. Mario au tout début du concert confie qu’il y a été très bien accueilli et nous avoue ainsi « Moi j’ai commencé, et vous ? ». On aura compris de quoi il parle en bon Martiniquais qu’il est.
Antillais, donc notre pianiste mais réduire sa musique à son côté ultramarin serait une grosse erreur comme il va encore nous le montrer. Annick Tangorra est dans le même esprit, elle a bourlingué dans le monde a-t-elle un jour avoué et en a ramené des influences multiples ; on va bien en profiter ce soir.
Cette complicité – à la scène comme à la ville, ce qui n’est pas automatique – est tellement agréable pour le public «On est comme à la maison, on parle, on discute» nous dit une Annick lumineuse.
Le concert a commencé aux Antilles tout de même, Mario Canonge est un musicien engagé et dans ce titre Annick Tangorra parle justement de « «Vivre sa différence» », le passé des Antillais est lourd à porter, rien n’est oublié (écouter son album manifeste « Kapital »).
Voilà le premier standard de la soirée « September in the rain » chanté délicieusement par Annick puis dynamité par Mario. Un boléro puis la merveilleuse ballade « Skylark ». Annick Tangorra a un registre vocal large et velouté et une vraie présence scénique. On repartira aux Caraïbes avec une composition célèbre de Mario créée avec Jocelyne Bérouard « Non Mussieu », le piano à lui seul assure mélodie, rythmique, percussions, en parfaite osmose avec le chant d’Annick ; mais que cela est agréable ! Un tour au Brésil puis à Broadway avec « On the sunny side of the street », le voyage est varié et c’est loin d’être fini.
Virtuosité de Mario, liberté d’improvisation en dehors des thèmes chantés, quelle chance de l’avoir avec nous, tout près de nous. Il évoque maintenant son « grand frère », Alain Jean-Marie dont Annick a mis en parole le titre « Résignation » devenu ainsi « Time for a cry » ; le duo Alain/Annick existe et celui de ce soir n’a rien à lui envier avec tout le respect que j’ai pour son compositeur.
Mais la biguine démange les doigts de Mario alors allons-y ! Festif avant la sensualité de « Historia de un amor » ce tango qui finira en boléro bien trempé. C’est la cinquième langue dans laquelle chante Annick Tangorra ce soir, personnellement je la découvre sur scène avec bonheur et je trouve que Mario Canonge a bien de la chance.
Le rappel nous emmènera à Haïti pour terminer ce voyage ultramarin plein de sensualité, de virtuosité, de joie et d’émotion. Quel beau duo que nous a proposé la Grande Poste ce soir.
Lien vers le concert de Jeremy Pelt : https://blog.lagazettebleuedactionjazz.fr/jeremy-pelt-quintet-a-la-grande-poste-magistral/
https://blog.lagazettebleuedactionjazz.fr/soutenez-le-jazz-en-aquitaine/