LES ALLUMES DU JAZZ – Aux ronds points des Allumés du Jazz
chez : Les Allumés du Jazz
par : Alain Flèche
Suite (et final) d’une rencontre sous forme de séminaire de ce mouvement en novembre en Avignon dont le thème « Enregistrer la musique, pour quoi faire ? » semble avoir trouvé un début de réponse de par, justement, cet enregistrement ! Plus de détails sur le sujet sont consignés dans la revue du même titre à commander …chez eux. Question en corollaire : « Et en parler, pour quoi faire ? ».
Réponse commune évidente : ben pour être entendu pardi ! Enregistrer , outre les multiples implications que cela entraîne, permet de partager un instant dont quelques privilégiés ont pu profiter, avec un plus grand nombre d’amateurs, amis, curieux… En parler ? Idem ! Essayer de transmettre une découverte, une joie, une émotion… (dans le meilleur des cas). S’il est fréquent que la musique soit la résultante d’un projet, d’études, d’une idée ou réflexion, donc une espèce de mis en œuvre à partir d’une pensée, à l’inverse, en parler va être la verbalisation d’un sentiment provoqué par l’écoute. Pas plus simple que de décrire le gout d’un aliment par des mots (rapprochements, impressions, couleurs, saveurs…). Alors, il y a-t-il besoin de parler musique pour décrire (chroniquer) un disque ou un concert ? De même que pour choisir un film, la sélection s’ appuie par un acteur, un réalisateur, un thème, une affiche… et éventuellement l’avis d’une personne crédible !?
L’important étant d’essayer de communiquer un moment de bonheur, lequel, en tant que tel, ne saurait être complet s’il n’est vérifié par sa validité. Alors, donc, disions nous, traduire des notes, des sons, des échanges, des sentiments, des vibrations en mots ? Comment rendre compte d’une interprétation, d’un talent, d’une complicité, d’un résultat qui se doit d’aller plus loin que les mots ? Des mots, pourtant, qui n’appartiendront qu’à celui qui les cite, que d’autres vont devoir s’approprier si tant est qu’il puisse faire confiance au rédacteur… Talent des musiciens, du transmetteur, du lecteur, enfin de l’auditeur qui aura été séduit via le texte. Chaîne bien délicate pour un acte original spontané, fugitif, éphémère avant que de n’être gravé dans la cire, dans les mémoires, dans le temps.
Alors, puisqu’il faut tout de même en parler : la musique ! Et les musiciens… La listes des intervenants ressemble à un annuaire de ce qui se fait de très bien en matière de jazz/musique libre/improvisée/avant-garde hexagonale. Que du beau linge. Pourtant, bien loin de faire catalogue démo ou fourre-tout démago, ici, c’est plutôt côté revendications politico-socio, discours cher à nos multiples trublions tantôt joyeux, sarcastiques ou plus sérieux, voire franchement activistes, qu’il nous est donné d’entendre ici.
On reconnaîtra au passage des bouts de « Ursus Minor », rap engagé sur baryton flamboyant, un peu du charme incisif de « Das Kapital », les rêves grandioses de l’éveillé Bruno Tocanne et sa bande de fabricants de bonheur, des « Voyageurs de l’espace » qui nous emmènent plus loin que les frontières de l’univers, et Toulemonde… Et tout ce beau monde se mélange, chahute, chuchote et hurle tour à tour ou ensemble. Beaucoup d’ambiances différentes, des (bonnes) surprises de prises en prises, des nappes sonores comme des tapis volants pour aller voir et entendre ailleurs, des fulgurances denses, des envolées célestes, de la douceur sauvage, de la colère chaleureuse, et… ben si ! tout se tient !
Rien de brouillon dans ce disque très cohérent malgré la grande diversité des composants. Comme une toile abstraite faite de courbes et de droites entremêlées, en noir et blanc et couleurs, vides, pleins, déliés reliés d’une volonté commune à faire du beau ! du bon ! du juste ! Communion de gens qui jouent à réfléchir en pensant (à) ce qu’ils jouent, en grand orchestre, collectif, formation réduite, solo, Et Tous Ensemble nous racontent des images, des voyages, intérieur ou exotiques, oniriques ou concrets, pour nous remplir, et combler, les oreilles, le cœur, et l’âme ! Que l’Aventure continue, pour que leur rêve conscient devienne le notre, et celui de tout être humain. Pour que l’Humanité découvre l’Amour qui seul nous sauvera du désastre en marche.
