par Philippe Desmond, photos Thierry Dubuc

Le Rocher de Palmer, jeudi 21 juin 2018

Gros événement ce soir au Rocher dans le cadre de la Fête de la Musique, 36 ans déjà qu’elle existe, merci Jack ! C’est FIP qui organise et Action Jazz est partenaire. Le club Jazzafip est prévu dès 19 heures puis diffusion en direct jusqu’à tard. La directrice nationale de la station, Bérénice Ravache, a fait le déplacement, accompagnée d’animatrices et des programmateurs, ces puits de musique qui nous concoctent les magnifiques playlists éclectiques. Les Fipettes locales sont là, en chair et en os et ceux qui ne connaissent que leurs jolies voix peuvent peut-être les découvrir à condition de les identifier…

Le Rocher 1200 affiche plus que complet, la réservation gratuite a été surbookée à 1600 en prévision des défections habituelles dues à la gratuité. Heureusement car c’est plus de 500 personnes qui n’auront pas eu le courage d’honorer leur promesse de venir ; ça c’est quand même un problème me confiera Patrick Duval le maître des lieux… Du beau monde avec la présences des organisateurs des festivals de Monségur, Saint-Emilion, Andernos, Caudéran et même Souillac.

Mais à Radio France depuis quelque temps et à Fip en particulier, il règne un gros climat d’inquiétude et comme le chante Stéphane Eicher « les nouvelles sont mauvaises d’où qu’elles viennent ». Ainsi en ce jour de Fête de la Musique les techniciens de Radio France ont décidé de frapper fort en se mettant en grève dans la journée, empêchant ainsi la captation et la diffusion de la soirée. Justifié, pas justifié, ce n’est pas à nous de juger mais l’ambiance en ce début de soirée en prend un sacré coup. Et encore ici le concert va avoir lieu, alors qu’à Marseille et à Paris (Ben Harper à l’Olympia) c’est purement et simplement annulé.

Ainsi Robin and the Woods, les gagnants du dernier tremplin Action Jazz et prix spécial Fip, qui à ce titre avaient reçu comme récompense ce passage en live à Jazzafip, ne se retrouvent « que » devant le public de la 1200, pas encore pleine à 19 heures, déplacements, soleil et foot oblige. Mais ce n’est que partie remise a promis Bérénice Ravache, elle me l’a dit… Belle prise de risque du groupe, les coloristes du jazz comme ils se définissent, en prévision de cette soirée, que des titres nouveaux, trois seulement, mais  de longues suites qui commencent à devenir leur caractéristique. Bien installés sur la rythmique efficace de Nicolas Girardi (batterie) et Alexis Cadeillan (basse), les deux compositeurs du groupes , Robin Jolivet (guitare) et Jérôme Mascotto (sax) assistés d’Alexandre Aguilera (flûte) peuvent laisser libre cours à leur imagination fertile. Puisant dans le rock progressif des 70’s – j’ai pensé à King Crimson (le sax et la guitare), à Soft Machine (les ambiances) – ils inventent un jazz original d’une couleur inhabituelle, plein d’énergie et de sensibilité. Pas de regret quant au choix opéré par le jury du tremplin en janvier dernier, au contraire une confirmation !

Changement de plateau et comme plusieurs fois dans la soirée, animation dans l’herbe voisine du parc par les « DJ » de Fip. Buvettes et tapas aussi bien sûr, musique mais aussi fête.

Voilà maintenant le Tom Ibarra Group, lui aussi lauréat du tremplin mais en 2016, déjà. On le sait, depuis la formation a évolué devenant quintet et changeant de timbre avec l’arrivée du stupéfiant Jeff Mercadié au sax, qui dialogue avec la guitare de plus en plus féconde de Tom Ibarra. Pierre Lucbert est bien sûr présent, aux commandes de son show-room Yamaha-Zidjian dont aucun élément n’est là pour décorer ; il y en a partout et tout sert, de quelle manière en plus ! Ce soir exceptionnellement c’est Mathis Régnault qui est à la basse, au lieu du titulaire Antoine Vidal, c’était prévu, mais Michaël Vigneron qui supplée Auxane Cartigny aux claviers ça ne l’était pas. Prévenu la veille, suite à un empêchement familial d’Auxane, il a appris le répertoire dans la nuit. Chapeau Michael,  un vrai Vigneron ne pouvait décevoir à Bordeaux ! C’est le dernier album « Sparkling » qui va être partiellement joué avec ces mélodies accrocheuses qui sont le prétexte à des variations musicales dans chaque thème où chacun, dans la grande tradition du jazz et c’est en cela que c’en est, peut développer des chorus improvisés. Toujours épatant au sein d’un même morceau de passer de moments apaisés à des fulgurances effrénées, le tempo ayant insidieusement et inexorablement augmenté pour atteindre des quasi trances. Bravo les gars et continuez votre tournée européenne avec confiance, ça le fait !

Le groupe de la troisième partie je ne le connais pas, Françoise Lagaillarde, la responsable de FIP Bx m’en dit le plus grand bien. On verra bien mais moi les groupes de percussions africaines ce n’est pas vraiment mon truc. Du moins je le croyais. J’ai pris une de ces claques ! Quelle merveille ce Benkadi quartet ! Melissa, Ophélia et Belli Hié, sœurs et frère, et Kévin « Kikoué » Ki proposent un véritable show de musique d’origine burkinabée. Percussions et harmonies des balafons, ces drôles de vibraphones « rustiques » et leurs calebasses de résonance, frappes sèches et complexes sur les djembés – l’instrument symbole du casse pied qui descend dans la rue avec, un soir de fête de la musique – rythme de la batterie en rajoutant à la polyrythmie déjà crée, danses intenses et si gracieuses de ces deux musiciennes rayonnantes, chants partagés avec le public – comment résister à l’aura de Mélissa – tout le monde s’est fait cueillir et pour beaucoup par surprise. Remarquable. Bonne nouvelle, ils seront le 4 juillet prochain à Lormont dans le cadre du Festival des Hauts de Garonne. Merci Patrick Duval de nous avoir fait découvrir ce groupe…bordelais !

La nuit est enfin venue en cette vraie soirée d’été, ça tombe bien c’est aujourd’hui. Au tour de Touré Kunda de boucler le concert. Les frères Touré avaient d’ailleurs participé à la première Fête de la Musique, place de la Bastille le 21 juin 1982, ils nous le rappellent. Touré Kunda c’est le melting pot des musiques africaines, afro-beat, jazz, reggae, on dira World Music pour simplifier. Musique festive, alerte dansante, sensible aussi parfois et qui vous entraîne inexorablement. Un groupe majeur de la World Music qui a démocratisé – ce mot ici est stupide mais je n’en ai pas d’autre – le genre.

Merci FIP, merci le Rocher, l’an prochain lui sera toujours là, la station bordelaise ? Rien n’est moins sûr…