par Patrick Dalmace, photos Maurice Dupont

Jazz Transat.

Théâtre de Verdure Royan juillet/août

2° Partie 4, 13, 20, 27 août

Pour ceux qui n’auraient pas suivi le premier volet de cette chronique de Jazz Transat, rappelons que cette manifestation se déroule à Royan, tout l’été, chaque mardi, dans la superbe pinède du Théâtre de Verdure. Chacun est invité à amener son propre transat, d’où le nom de la manifestation ou… à s’assoir sur les pelouses descendant en pente douce vers la scène.

Après trois concerts en juillet voici venir le temps des aoûtiens et pour leur arrivée le maître de cérémonie et batteur Rudy Bonin (avec un seul « n » mea culpa) a concocté un programme des plus alléchants.

Rudy Bonin.jpg

Le premier pour la Nuit du 4 août. Mais, contrairement à 1789, d’après quelques témoins (car votre serviteur n’a pas lu que le concert était le dimanche et non le mardi et a manqué l’événement !) cette nuit n’a pas été celle de l’abolition des privilèges mais au contraire a valorisé celui d’avoir au programme le duo Orgue & Sax composé de deux grands jazzmen, Benoît Ribiére et Carl Schlosser, assistés du batteur Francis Gonzalez. Ces témoins n’ont pas tari d’éloges pour le son de Schlosser, dans la lignée des grands saxophonistes du jazz. Re Mea culpa pour mon absence.

Carl Schlosser

 

13 août. Soirée de standards avec la voix de Anne Carlton. Gershwin, Jobim, Ella… Tout pour plaire au public qui retrouvait les thèmes de sa jeunesse et fredonnait avec Anne « Cheek to Cheek », « Night & Day » et les chansons françaises « C’est si bon », « La Javanaise », « J’ai deux amours » … S

Anne Carlton Quartet

ans mésestimer la prestation de la chanteuse on doit mettre en avant celle du trio accompagnateur, Germain Cornet à la batterie, Marc Leseyeux à l’orgue – ceux qui l’avaient apprécié lors de la première soirée de juillet ont pu avoir là un supplément de plaisir- et surtout le saxophoniste ténor Jean Marie Proust qui a brillé et offert à Anne Carlton, soutien, accompagnement, réplique de grande qualité avec sobriété, nuances et chaleur.

Pour le mardi 20, une fois humée les odeurs de sardines grillées au barbecue d’estivants (ou pas !) proches de la pinède, l’heure était venue, muni d’une petite laine car on commence à sentir la fin de l’été, d’apprécier ce qui semble être le meilleur concert de l’été, la prestation du Afro Swing Trio de Rudy Bonin en personne à la batterie, Nicolas Scheid au ténor et soprano et P.Y. Desnoyer à la contrebasse.

AfroSwing trio
Le projet tourne autour de Sony Rollins et de la période durant laquelle il jouait en trio (ts, dr, cb) vers les années 50 et 60, quand il s’intéressait aussi à la musique de la Caraïbe. Et la session débute par une excellente illustration de cette période, un calypso.
Mais le trio va déborder de ce cadre. On va écouter du très bon jazz, déroutant peut-être pour le public qui, les concerts passés, aimait à entendre standards et chansons françaises mais Rudy Bonin, ce soir en grande forme comme présentateur, intervient à plusieurs reprises montrant sa connaissance de la musique et de la vie de Sony Rollins. C’est une bonne chose qui manque souvent dans ce type de concerts où le public n’est pas forcément spécialiste. On apprécie aussi au long des thèmes des compositions de Ornette Coleman, Mc Coy Tyner, Duke Ellington « Angelica », dont on se souvient de la version avec John Coltrane. Pour ce thème on note la superbe intervention de Rudy Bonin aux mailloches ! Rudy d’une manière générale s’est montré très à son avantage devant sa batterie tout au long de cette soirée. La très ancienne composition de Jérôme Kern « I’ve Talk Every Little Star » est superbement interprétée. La tâche est aussi un défi pour le poitevin Nicolas Scheid d’endosser le costume de Rollins mais il le fait avec brio, tant au saxophone ténor qu’au soprano qu’il prend à trois reprises et notamment pour un thème dans le style New Orleans et une jolie biguine.
Les chorus de chacun des trois musiciens s’enchaînent. Les qualités de chacun sont valorisées et Pierre Yves Desnoyerre, autre poitevin, n’est pas en reste. De sa contrebasse émergent des moments de grâce.

Pour le dernier concert du mois, le 27, même le staff de l’organisation a été surpris de voir une assistance si dense. Non la saison n’était pas finie, il faisait très bon sous les pins et le public a répondu présent.
Décidément les saxophonistes sont à l’honneur pour ce mois et même si la vedette est la magnifique chanteuse guadeloupéenne Véronique Hermann Sambin, le saxophoniste ténor Xavier Richardeau s’est hissé à la hauteur de sa partenaire. Le concert débute en trio, Richardeau, Antoine Hervier à l’orgue (on l’avait particulièrement apprécié au piano lors de son passage en juillet) et Rudy Bonin qui remplace le batteur prévu. On démarre par un thème de Rollins « If Ever I Would Leave You ». Immédiatement on sait que l’on va se régaler. Richardeau a un superbe son, bien gros, avec d’excellents chorus et Hervier offre des soli superbes. Rudy Bonin très à son aise dans ce type de jazz semble se régaler.

Veronique Hermann Sambin #
Véronique Hermann apparaît pour le troisième thème. Elle chante en créole et ça swingue ! On entend encore « Di you » une composition personnelle. Sur ce thème comme sur tous on sent la symbiose complète entre Véronique/sa (très belle) voix et Xavier/son saxo. C’est enchanteur. La chanteuse nous offre encore un vieux thème de Joplin, peu reconnaissable dans sa sauce samba mais très beau. Le zénith de la prestation arrive avec « Róz Jeriko ». La guadeloupéenne s’explique d’abord ce qui permet au public de bien apprécier cette composition chantée en créole.

Veronique Hermann Sambin

Et puis après un thème arrangé par Richardeau surgit « Nuages » et ce n’est pas si fréquent d’entendre la version chantée de ce thème avec les paroles de Jacques Larue. Pour terminer le show le public est convié à participer de la voix et des mains à « Toutouni » qu’explicite encore Véronique.

Jazz Transat s’achève ! 100% de beau temps dans la pinède, un superbe programme élaboré une année encore par Rudy Bonin. Une manifestation qui gagnerait à être connue non seulement comme animation estivale mais aussi comme événement jazzistique étant donnée la qualité.

Un effort à faire sur l’éclairage (du moins c’est le vœux de photographes !) et une suggestion : Vu le succès il serait bon de faire profiter les vacanciers de juin et septembre (et les très nombreux autochtones) de ce « festival » en incorporant le dernier mardi de juin et le premier de septembre. Il faudrait le suggérer au service culturel de la cité.