Jazz en Mars 2024 à Tarnos – 2/2

par Philippe Desmond, texte et photos (cliquer pour agrandir)

Vendredi 8 mars : la fantaisie avant l’émotion

Megaswing quintet : jazz et fantaisie

Claude Braud : sax ténor) / Pierre-Louis « Pilou » Cas : sax ténor et alto / César Pastre : orgue / Jean-Philippe Naeder : percussions / Stéphane Roger : batterie et animation.

Quand on connait un peu le jazz français on sait qu’avec une telle équipe on ne va pas s’ennuyer. Déjà aux balances l’ambiance était plus que détendue. vêtus de leurs chemises chamarrées les voilà qui attaquent un « Saint Louis Blues » très jungle. Bagarre de sax, les deux compères en sont des habitués, couleurs exotiques données par l’orgue et les percussions, ça groove ! « Bernie’s Tune » plein de swing, une bossa nova, une affaire qui tourne. Stéphane Roger va ambiancer tout ça par ses interventions pleines d’humour arrivant même à faire chanter le public des paroles bretonnes parlant de chouchen, de menhirs, de bigoudaines, sur l’air de « Bei mir bist du schoen ». Comment s’amuser en faisant du jazz. Certains vont tordre le nez, très peu, les autres vont passer un moment de grande fantaisie, loin d’un certain snobisme du jazz, mais permis par la grande qualité musicale des musiciens. Pour amuser avec cette musique il faut la jouer parfaitement bien. Rappel avec un titre que le groupe a proposé au comité d’organisation des JO de Paris et qui sonne étrangement comme… la Marseillaise ! Ah les coquins !

Dado Moroni trio : élégance pure

Dado Moroni : piano / Dave Green : contrebasse / Steeve Brown : batterie

Après une première partie pleine de fantaisie, nous voilà dans un tout autre univers.. Un grand pianiste est là, l’italien Dado Moroni ; il a joué avec Ray Brown, Clark Terry, tant d’autres. On va vite se rendre compte qu’on assiste à un concert de très grande classe. Lyrisme, fluidité au piano me rappelant parfois Monty Alexander, finesse infinie de Steeve Brown à la batterie dentelle, swing boisé de Dave Green, ce trio sonne à merveille. Tout parait si simple, et pourtant quel raffinement ! Voilà « Django » de Mel Lewis, superbe d’émotion, voilà « You and the night and the music » un standard ce soir magnifié. Dado nous parle maintenant d’une de ses idoles, Bill Evans. Il joue à sa manière « My Foolish Heart », puis une de ses propres compositions où il lui rend hommage, « Inspiration » aux accents de valse lente. Évocation de Joe La Barbera le dernier batteur de Bill et que Steeve Brown respecte au point de jouer à sa manière sur ces titres dira-t-il après le concert à un ami. Ce concert est magique, de sensibilité, d’élégance virtuose. Et tiens pour finir un peu de la lumière de Sonny Rollins avec « Oleo » et son swing tonique. exceptionnel ce concert !

Samedi 9 mars : pur jazz et pure émotion

Nick Hempton quintet : un moment de grande classe

Nick Hempton : sax ténor / Dave Blenkhorn : guitare / Dado Moroni : piano / Dave Green : contrebasse / Steeve Brown : batterie

Le saxophoniste new-yorkais tourne actuellement en France. Pour l’occasion, profitant de la présence du trio de Dado Moroni au festival il s’est associé à lui, Dave Blenkhorn le guitariste australo-girondin complétant le quintet. Nick Hempton c’est le jazz swing, on dit aussi mainstream, celui des 60’s de Dexter Gordon, de Sonny Stitt, et même Cannonball Adderley. Un son de sax ténor bien « straight » , un son profond mais naturel, une élocution fluide dans la tradition de ce type de jazz avec une touche de modernité. Avec le trio rythmique du soir, celui de Dado Moroni qui la veille nous a enchantés, l’assise est époustouflante. Dave Blenkhorn est particulièrement en verve et les chorus s’enchaînent souvent sur tempo démentiel. La version de « the shadow of your smile  » étirée à l’envi est extraordinaire, comme le sera le « Juicy Lucy » d’Horace Silver. Ça swingue mais ça swingue ! Chacun apporte sa finesse pour un résultat global d’un niveau que j’ai rarement connu. Dave Blenkhorn, le lendemain, à froid, me dira que c’était un des meilleurs concerts de sa vie. Aux commentaires à l’entracte, je pense que ça l’était pour beaucoup d’entre nous. Époustouflant de pur jazz ! Encore un moment de grande classe, Tarnos nous gâte vraiment cette année encore.

Surprenante et séduisante Cyrille Aimée

Cyrille Aimée : voix, loops, ukulélé / Carl Henri Morrisset : piano / Matteo Bortone : Contrebasse / Pedro Segundo : batterie, percussions.

La veille au soir Cyrille Aimée et ces mêmes musiciens ont triomphé à la mythique salle Gaveau de Paris pour la sortie de l’album « A Fleur de Peau » ; aujourd’hui elle est ici à Tarnos. Mesurons la chance que nous avons et remercions Arnaud Labastie de sa fantastique direction musicale du festival.

Retrouvez ici le lien vers la chronique de l’album et l’interview de Cyrille Aimée lors de sa venue à Tarnos : Album et interview de Cyrille Aimée

Avec son trio de musiciens dont elle découvre quasiment le pianiste, c’est seulement leur quatrième concert ensemble en quatre jours, Cyrille va nous embarquer dans son nombreux univers musicaux. Standards de jazz bien sûr, elle finira avec « Close Your Eyes », des ambiances caribéennes, mais surtout les chansons personnelles de son dernier album. Elle démarre avec la version tonique de « For the love of you » des Isley Brothers et on réalise de suite que son combo fonctionne à merveille. Dans les titres délicats, et ils sont nombreux, elle captive l’assistance de sa voix claire et de sa présence scénique élégante et lumineuse. Silence et écoute absolue lors de sa version de cette chanson connue de tous, « Ma Préférence » de Julien Clerc qui figure dans l’album, Cyrille est assez captivante. Elle va éblouir tout le monde avec une version sublime de « Ne me quitte pas » alternant les couplets d’une lenteur infinie pleine d’émotion et des emballements rythmiques latinos irrésistibles. Comme souvent elle nous fera son petit numéro d’impro aux boucles électros et elle a organisé une chorale avec le public avec un réelle sympathie. Comment ne pas succomber au charme de sa musique et au sien bien sûr.

« Close your eyes » donc en rappel pour nous inviter à aller nous coucher et à fermer les yeux après ce concert et ces quelques jours d’un festival particulièrement réussi ; pas une seule fausse note de (je les ai comptés) 55 musiciens pros et amateurs qui ont défilé sur la scène. Petit grand festival a dit Dado Moroni, je confirme.

Un immense merci à Arnaud Labastie directeur musical, homme-orchestre du festival, à la ville et à ses services culturels et techniques, aux bénévoles et aux techniciens son et lumière, Serge Bianne, Gérard Xangala et Olivier Quesada-Tolosa qui ont fait un travail formidable ! On reviendra assurément pour la 20ème édition !