par Philippe Desmond.

Notre Dame de Sanilhac (Grand Périgueux), vendredi 12 octobre 2018.

Le Français est paraît-il des plus râleurs. Il aime souvent se plaindre, s’apitoyer sur sa « pauvre » condition, la taxe d’habitation qui ne baisse pas, l’essence qui ne cesse d’augmenter, ce foutu 80 à l’heure, ces pauvres gens inondés, ces réfugiés qui lui font peur… Il « s’intéresse » à ce que lui raconte BFM et consorts, il est interpellé par les injonctions qui lui demandent de protéger la planète, d’être solidaire, il acquiesce. Il va où on – les grands médias- lui dit d’aller, il va voir le dernier navet que la télé lui a survendu, il écoute ce qu’on lui fait entendre à la radio. Et il passe parfois à côté de sa propre vie, là chez lui ou juste autour, il n’est plus curieux, il ne regarde pas autour de lui… Le mot « jazz » lui fait encore peur ? « C’est pas pour moi ça »… Que m’arrive t-il pour commencer une chronique ainsi ? Un coup de blues dans le jazz. Ceux qui se disent « amateurs de jazz » ont aussi leurs travers, ils vont se ruer sur la dernière nouveauté comme le dernier Diana Krall & Tony Bennett, resucée de standards tartinés au miel, ils vont aller voir les vedettes du star system mais trop souvent vont ignorer ce qui se passe à côté de chez eux où des talents font des prouesses. Je sens que je vais me faire des amis…

Hier pourtant la soirée s’annonçait belle au 8ème festival Jazz in Marsaneix-Sanilhac, rassurez-vous elle le fut musicalement. Nouveau lieu dans la belle salle rénovée de Notre Dame de Sanilhac, météo encore agréable, jolie programmation, entrée à 10 € seulement, tapas avenantes, grand choix de vins de Bergerac, bénévoles souriants et dévoués… Un joli événement du Grand Périgueux à deux pas de sa métropole, soutenu par France Bleu Périgord et le Département de la Dordogne. Résultat, cinquante entrées à peine, des tables et des chaises vides avec une communication équivalente. Certes depuis 7 éditions le festival se tenait à Marsaneix, sous chapiteau, et c’est certainement l’éloignement démesuré de 10 kilomètres qui a désorienté le public, pensez-donc, une aventure… Peut-être a-t-il mal lu les affiches et tourne t-il encore dans Marsaneix à la recherche du concert ? A moins qu’assommé par les prévisions climatiques alarmiste il ait choisi de ne pas aggraver son bilan carbone. Ils étaient 300 l’an dernier et repartis ravis, 6 fois moins cette année. Quelle déception pour Jean-Marc, Vincent et leur équipe de bénévoles qui n’ont ce cesse d’animer culturellement ces contrées qui en ont grand besoin.

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Si un jour tout cela s’arrête on les entendra les grincheux, dire que chez eux il ne se passe rien. Ce propos est général et ne concerne pas seulement cet endroit malheureusement, le lendemain à Marmande le Comoedia sera loin d’être plein pour Jazz & Garonne…

Par contre Alain Piarou (le pdt d’Action Jazz pour ceux qui l’ignorent) et moi n’avons pas, protégé la planète en venant exprès de Bordeaux mais nous sommes quand-même arrivés ensemble, pardon, nous avons fait du covoiturage, soyons précis et dans l’air du temps. Et nous avons ainsi fait une jolie découverte avec Rumpus en première partie puis retrouvé nos amis de Post Image.

Rumpus, le « chahut » en Anglais, et non une locution latine comme d’aucuns le croient souvent paraît-il, une formation toulousaine formée de 7 jeunes musiciens !

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Ils sont arrivés dans l’après-midi directement de Marseille où ils jouaient la veille mais ils sont jeunes et pleins d’énergie. Ils viennent de sortir un EP de 6 compositions originales qu’ils vont nous proposer ce soir avec d’autres titres personnels. Stacy Claire (voc), Alexandre Galinié (sax), Rémi Savignat (g), Pierre Costes (dr), Grégoire Oboldouieff (b), Clément Prioul (kb) et ce soir Lilian Mille (tr) remplaçant le titulaire Cyril Latour.

Groupe très prometteur, capable de capter l’attention grâce à des compos bien ciselées qui souvent montent progressivement en puissance autour d’une rythmique franche et précise. Des fulgurances soudaines et rock de guitare, des chorus et des riffs soul de cuivres, des nappes de piano électrique ou d’orgue et devant la voix tantôt douce et veloutée tantôt blues de la délicate Stacy. Une très jolie découverte.

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Au tour de Post Image de se produire. Eux qui ont joué dans l’Europe entière dans des festivals prestigieux comme Montreux, assuré les premières parties de Miles Davis, Weather Report, les voilà devant un public dispersé ; remercions vivement les présents ! Mais que les absents ont tort !Trente et un ans d’existence et de création pour ce magnifique groupe dont Dany Marcombe un des géniteurs tient toujours la basse, fondamentale ici.

J’adore cette pulsation permanente qu’ils produisent, cette tension rythmique entretenue par Dany et sa belle basse, Eric Pérez époustouflant à la batterie, Frédéric Feugas créatif aux claviers et aux machines, Patricio Lameira et ses trépidations de guitare qu’ornementent les magnifiques soufflants  Jean-Christophe Jacques au sax, soprano et ténor et Laurent Agnès – le local de l’étape, il habite à 100 m « pour une fois ! » – à la trompette au cor et à un drôle de bugle à palettes.

Un invité qui se produit de plus en plus avec eux, le facétieux et redoutable saxophoniste alto Alain Debiossat du légendaire Sixun.

Le contenu du dernier album « Fragile » de 2017 – je le connais par cœur – va nous être offert avec ses fulgurances et ce groove teinté d’électro. Du bonheur.

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Merci à Jean-Marc Fouetilloux et aux membres de son asso d’ainsi se dévouer à la cause du jazz même si ce n’est pas facile tous les jours. Espérons que la soirée du samedi avec le Jazz in Marsaneix sextet et Sulaiman Hakim aura attiré le monde, peut-être pas grâce au jazz mais au dîner proposé…

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