BAA BOX Trio

Par Sylvie Delanne, photos Philippe Marzat.

6 mai 2023 – 19h au Théâtre de Nature de Pessac

Par cette fin d’après-midi ensoleillée, en clôture de la Saison Culturelle de la ville de Pessac, trois clowns troubadours investissent la scène du théâtre de Nature de la forêt du Bourguailh.

C’est le Trio BAA BOX, trois surprenants musiciens vocalistes, Leïla Martial, éblouissante dans sa robe jaune occitane, Eric Perez, en costume bariolé et Pierre Tereygeol, pantalon large et chaussures de clown.

Ils sont venus chanter les langues de terres inconnues du public et l’embarquer autour de leur album « Warm Canto » produit en 2019 par le label Laborie Jazz.

En fond de scène, des arbres, des vrais arbres, des oiseaux et du vent…

Nous entrons vite dans une bruissante Nuit Pygmée.

Leïla Martial en sonores et délicates onomatopées fait découvrir ce chant polyphonique divinatoire des tribus de chasseurs du nord du Congo Brazza, un chant seulement pratiqué par les femmes de la Sangha, le Yéli ou Yodel qui permet de communiquer avec les esprits.

(Ecouter une passionnante émission, l’art du yéli chez les femmes Pygmées du Congo sur France Musique).

Percussions corporelles d’Eric Perez, entrée de la guitare qui restera discrètement en support, bruitages, halètements, claquements de langue, vibrations main-bouche, un langage imaginaire ancestral prend forme, allant des graves aux aigus, peu à peu, Leila Martial nous emmène dans sa danse ondulée vers une tendre berceuse imagée qui finit sur montée jubilatoire ou tout l’amour d’une mère s’exprime.

Les morceaux s’enchaînent, un très beau scat d’Eric Perez, percussions de poitrine et petit tambourin, sifflet de bois et potions magiques dans les petites bouteilles de Leïla, numéro de clown, vocal bruité, sifflé, une mélodie chaloupée s’envole, la guitare joue et frappe, le Brésil parfois n’est pas loin…

« Respirez » nous dit Leïla, « prenez l’air en plein air … !

Les deux chanteurs en écho, la guitare se fait flamenco et le clown…toujours là accompagne le Trio.

« Forget and be » -très douce ballade en Anglais portée par la voix pure et puissante de Leïla Martial, elle démarre sur des éclats de rire et s’envole en phrases de guitare espagnole. C’est un chant de nuit gitane.

Et le clown dit :« Le clown ne pardonne pas, il oublie… »

Le Clown sera présent tout au long de cette heure, le Sourire du Clown puis la Danse du Clown, longue mélopée déjantée dans le souffle du vent, les bruissements des feuilles, les cris d’oiseaux lancés par Pierre et les trilles du merle venu en voisin, curieux de ces drôles d’oiseaux en scène.

Le rythme se fait oriental et la polyphonie transe.

Leïla dans ses divagations vocales éclate de rire, elle nous interpelle de ses phrases enfantines et joyeuses de sons désarticulés au pipeau à coulisse.

Le concert aurait pu s’achever sur un morceau d’Eric Perez talentueux percussionniste corporel, un « Cante Jondo » ancien, primitif, profond, un magnifique chant en canon, ou les voix s’équilibrent en intensité, reprises parfois par l’enfantine voix, coquine ou mutine de Leïla puis repart dans la souffrance roque des mères tsiganes. C’est un lâcher-prise de sons, de corps, de cris, une transe profonde qui bouleverse…un grand moment…

Mais le public en redemande et ils reviennent sur une idée du brillant Pierre Tereygeol « Les Humeurs du Clown » .

Ses phrases musicales rejoignent le Canto flamenco, les tristes mélopées des gitans qui mouillent les yeux et emportent le cœur, sur le rythme du tambourin et de la caisse basse.

La voix claire et pure de Leïla Martial enveloppée de ses deux compagnons s’élève vers le ciel et c’est la fin de ce voyage intense et brûlant qui dit la douleur d’être Humain.

Cette rencontre sera pour nous une leçon de vie, une ode au vent et à la liberté,

La voix crie l’amour, la souffrance les émotions, elle dit aussi cette improvisation permanente des peuples nomades pour trouver le chemin du bonheur dans ce magma de haines et de rejet qui bien trop les accable.

Ce soir, avec le cœur, la voix, le corps, un tambour, quelques cordes sur un morceau de bois plus la puissance de l’imaginaire, Baa Box a montré qu’il est possible de faire une musique écologique, sans besoins d’électronique – toutes les ressources étant présentes en nous.

Par leurs improvisations de génie, les Clowns Musiciens, Eric, Pierre et Leïla nous ont soufflé ce message des nomades du monde Oublie et vit, avance, ne te retourne pas…

Leïla MARTIAL, chant, fioles, pipeau, kalimba

Eric PEREZ, chant, percussions corporelles, tambourin, tom basse

Pierre TEREYGEOL, chant, guitare

Vidéo de l’interview

Propos recueillis par Sylvie Delanne, images et montage Philippe Marzat

Galerie photos de Philippe Marzat