Yoann Loustalot trio
Un Yéti au jeudi du jazz de Larural
Par Philippe Desmond
Jeudi du Jazz, Créon le 17 avril 2025.
Voilà les dernières « petites » vacances scolaires, celles de printemps (on ne dit plus Pâques depuis longtemps) et donc, avec cette régularité qui existe depuis douze ou treize ans, un concert le jeudi les précédant. Serge Moulinier le pianiste-président de l’association Larural nous parle déjà de la préparation de la saison suivante sans rien en dévoiler (déception du public) et en y mettant une pointe de doute quant à son accomplissement, situation économique oblige (inquiétude du public). A suivre mais que ces bénévoles soient récompensés de leur investissement pour faire vivre la culture dans ces zones rurales ! https://www.larural.fr/
Formule cabaret habituelle avec la traditionnelle dégustation de vins , ce soir le blanc et le rouge du Vignoble Latorse, présentés dans une livrée inhabituelle, le marketing venant, l’espèrent-ils, au secours d’une filière tout aussi inquiète que le milieu culturel…
Repas pris, les lumières s’éteignent pour accueillir le trio de Yoann Loustalot. Le grand trompettiste a traîné pas mal dans la région avant de s’envoler vers une carrière plus large et quelques uns de ses amis musiciens sont venus l’écouter, sympa. Avec lui, pour jouer le répertoire de son album « Yéti », ses complices habituels, Stefano Lucchini à la batterie et Giani Caserotto à la guitare.
Les billets annoncent la couleur, du jazz contemplatif ; amis du swing passez votre chemin ou plutôt installez-vous, ouvrez vos oreilles, fermez les yeux peut-être et laissez-vous embarquer dans cet univers onirique, parfois austère et plein d’une beauté qui se mérite.
Quand on évoque Yoann Loustalot aussitôt les spécialistes parlent du son qu’il arrive à tirer de ses instruments, la trompette et le bugle, un son précis, plein de finesse et de sensibilité. En effet le son est bien là mais Yoann veut toujours aller plus loin et avec des effets électroniques il continue à le travailler, à le modeler. On aime ou on n’aime pas, les manipulations du boîtier électro pouvant gêner certains, le rendu nous entraînant ailleurs, loin de la trompette jazz classique. Il n’est pas le premier, Miles avait ouvert la voie (voix), plus récemment des Erik Truffaz, Theo Crocker, d’autres ont exploré ce chemin. Lui le fait avec sa propre sensibilité.
La guitare est, elle, minimaliste, la corde du haut (la basse comme le précisait Boby) remplaçant avec une discrète pertinence la contrebasse. Elle se fait souvent clavier grâce aux effets, proposant des nappes aériennes. La batterie vient ponctuer la rythmique, mailloches pour les passages planants – il y en a tant – balais pour la douceur, baguettes pour contraster avec la légèreté des deux autres. Curieuse cette façon d’approcher progressivement la transe avec les percussions alors que trompette et guitares sont, elles, dans un registre éthéré.
Trompette chuchotante, bugle au son délicat comme une peau de pêche, Yoann a une maîtrise absolue de ses instruments en tirant une musique recherchée et a la personnalité authentique. Une partie du public fascinée, une autre un peu désarçonnée, c’est une musique émotionnellement engagée.
Les titres de Yéti (au fait pourquoi cette référence ?) vont se succéder nous emportant ailleurs, la pause obligatoire ici pour déguster le dessert, nous ramenant à notre réalité.
Diversité de ce qu’on nomme le jazz, en voilà une nouvelle démonstration avec ce numéro de haute voltige musicale.