Yannick Rieu quartet invite Stéphane Belmondo

par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat.

Rocher de Palmer, Cenon le 30 octobre 2022

Yannick Rieu et Stéphane Belmondo n’auraient pas joué ensemble depuis 22 ans. A cette époque Yannick avait mis fin à son séjour parisien débuté en 1992 pour retourner au Québec. Je pense que ce n’est pas la vérité tant leur entente lors de ce concert a été fabuleuse. Ils nous ont offert des moments d’émotion incroyables, j’en ai eu la chair de poule plusieurs fois. Des unissons, des questions réponses, des dialogues, des duels, tout nous a été proposé par ces deux compères qui ont très vite retrouvé leur complicité.

Ce concert bouclait pour le quartet québécois, une résidence d’une semaine au Rocher de Palmer. Stéphane ne les a rejoints que vendredi matin pour travailler avec eux. Et déjà l’ambiance de travail était à la bonne humeur.

Le groupe travaillait à nouveau le répertoire du dernier album « Qui qu’en grogne » une expression médiévale aussi utilisée par les corsaires signifiant « Qu’il vienne celui que ça dérange » ; on dirait maintenant « Kesta toi, t’es pas content, viens me le dire en face ! ». Donc on est venu même si ça ne nous a pas dérangés, bien au contraire ! Un concert éblouissant !

« Embrahmsez-moi » (pas sûr de l’orthographe de ce jeu de mots) ouvre le concert, une ballade autour d’une belle mélodie toute simple – les plus dures à composer – où de suite sax ténor et bugle trouvent un terrain d’entente, très suave. « Qui qu’en grogne » va lui se développer sur un autre style, comme aux grandes heures du be-bop ; sax et trompette cette fois s’emballent avant de laisser le trio en découdre, piano de Daniel Thouin en tête, porté par la rythmique tonique d’Alex Le Blanc à la contrebasse et Louis-Vincent Hamel à la batterie ; ces musiciens-là sont redoutables ! Mais on n’a encore rien vu ou entendu. Avec « Racine » on part dans le sublime, un morceau joué avec une densité inouie. Yannick Rieu nous confirme qu’il est un des grands saxophonistes actuels, son ténor hurle de musique avec à ses côtés un piano brûlant de swing, le tout sur un bombardement rythmique permanent. La trompette vient sonner la fin du combat, en écho à la contrebasse et la batterie redevenues apaisées. Mais rien n’est jamais acquis, la trompette s’enflamme à son tour, ce morceau est fabuleux, un coup de poing ! Le nostalgique «Time is, Life was » et son sax velouté rejoint par les sussurements du bugle, nous ramène à de la douceur, même si elle est un peu mélancolique ; l’accord des deux soufflants est tout simplement magique. Heureusement que Yannick et Stéphane ne jouent jamais ensemble sinon qu’est ce que ce serait ! Trop certainement. Le reste du concert restera au sommet devant un public, venu nombreux, totalement impliqué et subjugué.

En rappel et parce qu’il est parfois bon d’abuser des bonnes choses, nous dégusterons à nouveau « Embrahmsez-moi» avec sa petite mélodie gravée dans nos têtes pour la nuit ou plus.

Yannick Rieu encensé dans son pays, remarquable compositeur et saxophoniste, sachant s’entourer de musiciens excellents mérite d’être plus connu en France. Lui, ses musiciens, sa productrice Haiying Song sont en plus des gens plus que charmants. Qu’avec ou sans Stéphane Belmondo qui lui a une belle et méritée notoriété, nous puissions les revoir bientôt en concerts ou en festivals en France.

Chronique de l’album par Dom Imonk : https://lagazettebleuedactionjazz.fr/?s=rieu