Une nuit au Minton’s Playhouse… à Capbreton

Par Philippe Desmond, photos Vincent Lajus

Salle du Ph’Art, Capbreton, vendredi 7 novembre 2025

Michel Parmentier piano – Reno Silva di Couto sax alto – Lucien Bonnefoy trompette – Louis Navarro contrebasse – Daniel Dumoulin batterie – Anne Serrano chant

L »association Jazz Partner’s dirigée par Bernard Labat ne se contente pas d’organiser le beau festival d’été (voir nos comptes-rendus) mais elle anime aussi la saison basse de la station balnéaire par des concerts réguliers.

Ce soir, nous explique Bernard Labat – en tenue d’époque – on vous transporte à Harlem au Minton’s Playhouse, un des creusets du be bop dans les années 40. Monk, Bird, Dizzy, Fats, Dexter, Art, tant d’autres, y ont joué, jammé et inventé un nouveau style de jazz.

Le Ph’Art, la salle de spectacle du casino, affiche complet, près de 280 personnes. Des personnes, malheureusement sans réservation, rebroussent chemin même.

La scène est aménagée en cabaret, à jardin des tables et des sièges pour les  » clients », à cour l’orchestre, au centre un espace libre, une piste de danse sans doute. A l’extrème gauche un portant de vestiaire garni de vêtements , drôle d’idée ? Et non, bonne idée, tout simplement une référence à Carla Bley qui a tenu le vestiaire du Village Vanguard, autre lieu mythique du jazz newyorkais.

C’est Daniel Dumoulin, ancien directeur de l’école de batterie Dante Agostini de Toulouse, désormais retraité dans le coin, qui, suite à plusieurs voyages à New York, a eu l’idée de ce spectacle, hommage au club newyorkais et en particulier à un batteur qui y a beaucoup joué Max Roach (1925-2007). Ce dernier au caractère bien trempé, grand maître du drumming polyrythmique, était d’une précision hors pair, ayant accompagné dans sa carrière tout le gratin de l’époque. Le concert de ce soir va ainsi faire référence à certaines des formations auxquelles il a participé. Grand militant pour les droits civiques des noirs aux USA, il a introduit une dimension politique à son art, y associant la grande Abbey Lincoln qui est devenue aussi son épouse. Pour faire le lien avec notre région, sachez qu’en 1985, pour un concert hommage à Nelson Mandela, il a joué avec Bernard Lubat ; le concert comprenait aussi Salif Keita, Eddy Louiss, Manu Dibango.

La scène se remplit, musiciens, « clients » et de suite Daniel « Roach » Dumoulin attaque de façon inhabituelle avec un long solo de batterie plein de finesse, sur un rythme à trois temps. C’est un clin d’oeil au titre « The Drum also Waltzes » de Max Roach. Ce dernier a joué en quintet avec Clifford Brown, voilà « Joy Spring » puis « Jordu » deux célèbres thèmes. Au piano, Michel Parmentier, le complice et ancien collègue de Daniel Dumoulin au département licence jazz de l’université de Toulouse dont il était le directeur. Les trois autres sont tout simplement leurs anciens élèves de la fac devenus professionnels avec des carrière européennes comme Reno Silva di Couto et Lucien Bonnefoy, Louis Navarro étant le contrebassiste attitré d’Amaury Faye, lui aussi ancien de la fac de Toulouse ! Un réseau !

Passage en trio pour jouer « Fleurette africaine » du trio, Duke, Mingus, Roach . Une séance d’enregistrement de 1962 où chacun avait eu du mal à maîtriser son propre ego me précisera Daniel Dumoulin ! « Minor Jive » une composition en anatole de Michel Parmentier qu’il présente avec humour.

Jusque-là les clients ont été assez sages, sirotant des boissons et échangeant discrètement des conversations. Une cliente se lève et se met à danser. Une libre improvisation sur une musique assez free de Max Roach, la narratrice Anne Serrano lisant un texte d’Oscar Brown qui apparait lu par Abbey Lincoln dans l’album « We insist » . Moment de danse suspendu grâce à Caroline Nicolas danseuse du corps de ballet de l’Opéra.

Place maintenant à Abbey Lincoln en l’occurrence Anne Serrano – en locale de l’étape – pour la version chantée de « Blue Monk » dont Abbey avait écrit les paroles. Un vrai moment d’histoire et d’histoires ce concert ! Et ça continue avec « Night in Tunisia » de Dizzy puis « Daahoud » que jouait Max avec Clifford.

Voilà un passage céleste, Lucien Bonnefoy joue du bugle dans le piano qui se met en résonnance, c’est très beau, une introduction à « Softly as a morning sunrise » chanté par Anne et dansé par les « clients » enfin levés, quatre couples d’un école de Lindy Hop bayonnaise. La danse redouble avec une version tonique du titre d’Abbey Lincoln « Music is the Magic » puis le rappel en présence sur scène des si indispensables bénévoles de l’association Jazz Partner’s.

Un spectacle complet qui ne demande qu’à voyager. « Un nuit au Minton’s Playhouse à … ? » Programmateurs n’hésitez pas à compléter l’affiche avec le nom d’autres villes, le spectacle peut s’adapter avec des danseurs locaux ou pas…

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