Par Dom Imonk, photos Alain Pelletier.
Avec l’aimable participation d’Anne Maurellet
Celles et ceux qui avaient eu la bonne idée d’assister à la première soirée du Festival Jazz360 (Cénac) en 2017, se souviendront longtemps de la tornade new jazz que fut le concert de RP3, c’est-à-dire le Rémi Panossian Trio. Et il y a fort à parier qu’une bonne partie d’entre eux a dû se retrouver ce soir au Jazz Club du Sortie 13, à Pessac ! Ils ont eu raison car ce trio, très actif et demandé un peu partout, même à l’international, n’a de cesse que de progresser vers un langage neuf et rassembleur, ouvert à tous, y compris à la très jeune génération. Il fait évoluer son jazz en lui innervant les fièvres actuelles d’un rock mutant, en le tatouant de groove et de pop, qui le montrent autant musclé que délicieusement charnel. L’heure n’est plus à rappeler les habituelles références au légendaire trio EST évoquées jadis, qui a certes ouvert des voies, car RP3 construit son chemin tout seul, comme un grand et devient lui aussi une référence. Ainsi, écouter « Brian le raton laveur » en ouverture de concert, tiré de « RP3 », déclenche un sérieux électro choc, salutaire pour qui ne connaîtrait pas ce trio. Alternance de speed, avec de jolies clairières où l’on souffle un peu, puis ça repart dans la répétition névrotique d’un accord qui débouche sur un embrun de ritournelle. Effet « chaud et froid » d’aujourd’hui, « aimez-moi » ou « détestez- moi », mais de grâce, ne restez pas indifférent ! Nulle crainte, ça, personne ne peut l’être ! Poésie d’aujourd’hui, rêverie pour demain, elle ne prendra pas une ride ! « Morning smile » et « Ultraviolet », du nouvel album, suivront, toujours dans l’alchimie du jongleur de balles d’émotion, que l’on regarde, au point de se laisser hypnotiser par elles. Rémi Panossian est certes un pianiste virtuose, mais, imaginatif en diable, il n’en laisse rien paraître (quoique ses baskets verts…), créant, avec ses associés Frédéric Petitprez (batterie, percussions et porteur d’un génial t-shirt « Art Blakey & The Jazz Messengers ») et Maxime Delporte (contrebasse), un irrésistible flow, vrai kaléidoscope aux images hirsutes d’un nouvel onirisme.
D’autres thèmes nous ont entraînés dans de beaux rêves, « Jeju-do », « Shikiori », « Into the wine » en traditionnel rappel, région oblige, et le mystérieux « Busseola fusca » que nous présente le leader comme un papillon qui résiste à Monsento ! Mystérieuse intro de basse. Trip impressionnant. Un peu du Lalo Schifrin de Bullit par endroits. Machinerie d’une précision incroyable ! Il y des breaks à couper le souffle, des changements de décors vertigineux, qui tombent au quart de poil, un miracle au creux de la nuit, la musique d’un film sorti du chapeau d’un trio rythmique époustouflant, basse hallucinante et batteur monté sur les ressorts d’un Ford Mustang, bref, nous sommes scotchés ! D’autres thèmes soulignent aussi la connivence créative, notamment percussive, entre ces trois magiciens de l’irrésistible, Rémi Panossian étouffant de temps à autre ses cordes, comme celle d’un piano préparé façon John Cage. Et puis l’on est aussi conquis par ces fameuses humeurs répétitives, un peu évoquées plus haut, qui pourraient rappeler tantôt Philipp Glass, tantôt Steve Reich. Enfin, comme une sorte de rituel paroxystique, le pianiste offre par moment ses bras croisés en sacrifice au piano, la main droite frappant ferme et décisive les touches de gauche, et la gauche gambadant allègrement sur celles de droite. Public aux anges, au point qu’on veut vous rapporter là les quelques mots livrés en live par une passionnée de jazz, qui a fort apprécié ce concert, et nous dit tout ! Anne Maurellet : « Ô temps, ne suspend pas ton vol ! Scansion frénétique. Remplir l’espace. Comme une course volontaire, une fuite furieuse en avant, mais la mélancolie mélodique ou la mélodie mélancolique – aux harmonies graciles – répare, adoucit avant que le coït n’exulte, superbement hystérique, prêt à remplir la page du jour! Rémi Panossian en trio raconte des histoires, de notre temps, il est une énergie pugnace…Cadence jamais cadenassée. Courir, courir, arracher les chaînes; voler peut-être… »
Rémi Panossian et ses amis ont foule d’émules ! Ils repartiront dans la nuit vers Toulouse, sa ville d’adoption, car le lendemain, il faut partir très tôt en Turquie, où d’autres amoureux de musiques les attendent aussi !
Par Dom Imonk, photos Alain Pelletier.
Avec l’aimable participation d’Anne Maurellet