Par Jean-Luc Dagut

Laurent Coulondre – Piano Solo

« A Trip in Marseille »

(Paradis Improvisé – 2022)

Laurent Coulondre n’est pas, contrairement à ce qu’on lit parfois dans la presse spécialisée, « l’étoile montante » du jazz français, mais bien l’une des étoiles les plus lumineuses qui brille déjà depuis près d’une dizaine d’années au firmament du jazz international.

Né en 1989 à Vauvert près de Nîmes, ce jeune pianiste (34 ans en 2023), mais aussi organiste, claviériste, arrangeur, compositeur, autant à l’aise en « jazz classique » que dans les styles latino ou funk, à l’orgue Hammond qu’au piano de concert, a déjà reçu tous les honneurs :

Prix de soliste et vainqueur du Tremplin Européen Didier Lockwood en 2010. Prix du Tremplin Jazz à Castello (Espagne) en 2011. Lauréat du Concours national de Jazz de la Défense en 2014. Elu « Révélation de l’année » aux Victoires du Jazz en 2016. Distingué « Musicien de l’année 2019 » par le journal Jazz Magazine. Prix du meilleur disque enregistré par un musicien français décerné par l’Académie du Jazz pour son album Michel on my mind en 2019 en hommage à Michel Petrucciani. A nouveau sacré aux Victoires du Jazz 2020…

Sa discographie est déjà bien fournie : Opus I et II (2011, 2013). Schizophrenia (2015). Gravity zero (2017). Madame Classique & Mister Jazz (2018). Michel on my mind (2019). Meva Festa (2022).

Il vient de nous livrer à la fin de l’année 2022 un nouveau CD en piano solo, enregistré le 15 juin 2021 sous le label « Paradis improvisé ».

Quatorze pianistes des plus talentueux se sont livrés à l’exercice à ce jour dans ce nouveau studio,

installé dans l’intimité d’un appartement cosy de Marseille, parmi lesquels Baptiste Trotignon, Pierre de Bethmann, Jean-Pierre Como, Leonardo Montana, Yessaï Karapétian, Bojan Z, Eric Legnini… C’était cette fois-ci au tour de Laurent Coulondre.

Le CD contient huit morceaux, dont cinq de sa composition, présentés déjà pour certains dans d’autres albums enregistrés en groupe.

L’attaque est forte avec « Chorinino ». Un thème qui tourne bien, sur un rythme latino endiablé, où Laurent déploie son impressionnante virtuosité. Un jeu de main gauche notamment très actif pour impulser le rythme, tisser richement les parties basse et medium, tenir le premier rôle à un moment, et courir avec la main droite à la fin. Assez époustouflant.

Le calme revient ensuite avec « Pequeno Camarao ». Une jolie balade où la musique coule délicatement. On aime la douceur continue du jeu, sans brutalité. Chaque note est posée comme une goutte d’eau… Les sonorités du piano Steinway, tout particulièrement dans ce morceau, sont étonnantes. Les résonances, l’accord parfait, l’ampleur des basses, les harmoniques dans les aigus, l’équilibre des notes, la percussion, l’amplitude des nuances, sont assez incroyables. Ce n’est pas la moindre des qualités d’un instrumentiste que de faire sonner son instrument. Le son guide alors le jeu. Laurent Coulondre est dans cette symbiose avec son piano.

« Laura » est un « quasi-tube » de l’artiste, joué notamment en trio avec André Ceccarelli et Jérémy Bruyère. Un beau thème où se profile dans ses débuts la couleur de Bill Evans. Suit une belle improvisation sur un rythme salsa. On se laisse porter par le tempo et la grille, en dansant un peu sur son fauteuil, et en rêvant à Cuba.

« Petite Louise » et « Michel on my mind » viennent en hommage à Michel Petrucciani. La précision et la délicatesse du jeu nous transposent dans l’univers du grand musicien français, disparu en 1999. L’interprétation qui suit de « Smoke gets in your eyes », de Jerome Kern, fait résonner toute la beauté de ce standard. Dans la version adaptée de « Spain » de Chick Coréa, qui clôt l’album, l’introduction très lente et mystérieuse nous emmène peu à peu à la résolution du thème.

« Jouer en solo est un vrai challenge, confiait Laurent Coulondre à l’occasion de cet enregistrement. Excitant, mais dangereux… ». Le tout a été enregistré rapidement. Un voyage à Marseille. Un jour. Un concert. Mais le résultat est bien réussi.

Hélène Dumez qui est à l’origine de cette initiative et l’instigatrice de ce « paradis improvisé », résume sur son site : « chacun écrit son chapitre, raconte son histoire, avec pour seule contrainte, une totale liberté. » Une belle initiative en tout cas pour promouvoir le piano solo, dont l’univers recèle tant de potentialités.

On conclura avec ce beau commentaire laissé sur un forum de You Tube par une admiratrice : « J’ai découvert Laurent Coulondre aux Victoires du Jazz en 2020. J’étais émerveillée. Le Jazz n’est pas mort…»