Jazz en Mars à Tarnos 2/2
Par Philippe Desmond, photos Vincent LajusVendredi 14 mars
Bacos Hot 7 Cruisers
C’est le « D Day » du festival, celui des 20 ans, on attend avec impatience le venue de Monty Alexander qui a baptisé ainsi son dernier album. Mais ici il y a deux concerts par soir, le grand luxe et c’est le Bacos Hot 7 Cruisers qui ouvre la session. Ils sont arrivés assez tôt pour assister aux balances de Monty, impatients eux aussi de le revoir.
Ce groupe est né en croisière jazz où deux formations étaient présentes. L’organisateur a eu l’idée de les réunir pour un soir de gala sur le paquebot et ce one shot dure depuis six ans ! Un album a même été enregistré. Autour du leader Patrick « Bacos » Bacqueville au chant et au trombone, on trouve Nicolas Peslier (guitare), Esaï Cid (sax alto et clarinette), Malo Mazurié (trompette), César Pastre (piano), Laurent Vanhée (contrebasse) et Stéphane Roger (batterie). De sacrés musiciens donc. Ce big band élémentaire, un seul instrument par section de vents, retrace en musique les années 40 et 50 avec efficacité et fantaisie. Duke, Dizzy, Fats Waller, Juan Tizol, Barney Bigard, Jack Teegarden, Charlie Christian au programme, de quoi ravir un auditoire friand de ce jazz classique et intemporel. La chanteuse Pauline Atlan viendra aussi se joindre au septet pour un titre. La bonne humeur du groupe, Bacos en tête avec ses « choubidou » et son Grommelot Scat, cette façon si drôle de chanter, dédramatise le jazz pour ceux qui a priori n’en seraient pas friands. S’amuser avec le jazz oui mais à une seule condition, que la musique soit parfaite et avec cette formation c’est largement le cas ! Un très bon moment.
Monty Alexander trio
Du septet on passe au trio, du côté jardin le piano passe à cour, la batterie collée au tabouret ; la contrebasse viendra se nicher dans un coin entre les deux. C’est la configuration habituelle de Monty Alexander, une proximité nécessaire à l’interplay que l’inspiration permanente du pianiste exige. Les deux musiciens doivent réagir instantanément, pas de set list, les doigts et le cœur de Monty commandent. A la batterie on retrouve Jason Brown et à la contrebasse on découvre Luke Sellick. Si le public va se régaler il en est de même pour ces deux-là qui prennent un plaisir visible à accompagner le maître. Monty Alexander va de suite partir en roue libre, libre comme sa musique, les doigts légers, capables en trois notes de trouver le swing. Un clin d’œil à l’auditoire avec deux trois mesures de la Marseillaise – elle est belle cette musique sous ses doigts – et les voilà partis dans une osmose permanente, Jason et Luke le regard fixé sur Monty prêts à réagir à ses changements de thèmes, à ses signes. Peu de notes finalement mais toutes utiles avec du sens et cette sensibilité qui transporte le swing. C’est Monty qui pilote mais il laisse de la place à ses admirables acolytes. Voilà « C Jam blues » – Monty vénère Duke – voilà du calypso, le reggae arrivera au rappel avec « No Woman no Cry » de Marley qui succèdera au légendaire « Smile » de Chaplin. Smile, le sourire qui se lit sur tous les visages, public et musiciens, un moment suspendu. Entendre et voir jouer Monty Alexander est un privilège, la magie sort de ses doigts lui qui ne lit pas la musique…
Quel cadeau nous a fait Jazz en Mars ! Cadeau supplémentaire, à la fin des balances Monty Alexander avait bien voulu nous accorder une interview en voici le lien : Interview de Monty Alexander
Samedi 15 mars
Rolando Luna en piano solo
Le piano est toujours les cordes pleines de souvenirs de la veille ; elles ne savent pas qu’elles vont être gâtées encore ce soir, mais dans un autre style. C’est Rolando Luna le pianiste cubain qui va les faire vibrer de sa musique sans frontière, sans chapelle. École cubaine du piano fortement influencée par l’école russe. Passage obligé par la culture classique avant de latiniser le propos. Et ça donne des pianistes virtuoses, éclectiques qui comme Rolando peuvent vous jouer un concerto ou un standard de jazz. On passe du « Clair de Lune » de Debussy délicatement jazzifié aux Bee Gees et « How deep is your love », après la plus belle Marseillaise que j’ai jamais entendue. Ce pianiste phénoménal est en plus habité, le corps et le visage engagés, il propose sa propre version de « My One and Only Love », ses compositions aux variations multiples comme « Coloreando Mariposas ». Ses doigts volent sur le clavier sans esbroufe la musicalité faisant oublier la technique. Il va en avoir des choses à raconter le piano à ses collègues de l’entrepôt Dussau Musique ! Une première partie qui valait un concert à elle seule.
Judith Owen septet
Du solo on passe au septet, de Cuba on passe à New Orleans, c’est juste en face . Voilà la chanteuse galloise Judith Owen et ses Gentlemen Callers dont le noyau est de NOLA. Kevin Louis (tr), Ricardo Pascal (sax), David Torkanovsky (p), Dave Blenkhorn (g), Lex Warshawsky (cb), Jamison Ross (batt). Jazz des années 40, 50 , beaucoup de swing, un show à l’américaine avec une forte présence scènique d’une Judith brillante et parfois brûlante comme pour ce « Big Long Slidin’ Thing » de Dinah Washington, comme pour ce « Fever » plein de sensualité pour ne pas dire plus. Du swing, du blues et une version engagée de « I Put a Spell on You » au son de la guitare bien électrisée de Dave Blenkhorn, du jazz avec « Moanin’ « , une version de » How Insensitive » de Jobim flirtant avec Chopin, un gros tacle à Trump en passant, une reprise soul du « Trouble in Mind » d’Aretha Franklin pour finir en légèreté avec Blossom Dairy et « Everything I’got » voilà un concert enthousiaste qui a ravi le public. Une chanteuse que la plupart découvraient des musiciens particulièrement bons, décidément cette édition anniversaire de Jazz en Mars a été d’une folle qualité !
Bravo Arnaud Labastie pour la programmation, merci à la mairie et ses services d’aider ainsi ce festival , et merci aux techniciens c’était parfait. Mais il faudra arriver à trouver une solution pour la jauge, les 300 places sont vendues alors que les affiches du festival ne sont pas encore collées !