par Philippe Desmond
Thélonious Café Jazz-Club, mercredi 16 mars 2022
Comme le montrent certaines habiles illustrations, le jazz est tel un arbre avec de multiples branches, l’une d’entre elles s’appelle Latin Jazz ou Jazz Latino. Souvent des formations assez étoffées, bourrées de percussions, gavées de cuivres scintillants et toujours un piano et une basse, grosse si possible. « In Situ trio» relève le défi mais à trois donc ! Piano, basse, batterie, des plus classiques sur le papier, des plus torrides sur scène. Sacré pari que de vouloir à trois sonner comme un gros combo et le résultat est surprenant.
Pour le premier concert du trio mené par le pianiste Franck Dijeau avec son vieux camarade (ils se connaissent depuis l’âge de 4 ans soit 54 ans) Bruno Sauvé à la batterie et un quadra à la basse, Olivier Lorang, ils ont enflammé le Thélonious.
La recette peut paraître simple, prenez quelques titres connus, arrosez les de sauce, la salsa bien sûr, rajoutez du piquant, remuez énergiquement et servez caliente ! Toujours simples à lire les recettes, encore faut-il passer avec succès à la pratique !
Premier concert donc, arrivé un peu de façon imprévue et ainsi peu de temps pour travailler d’autant que si nos deux complices de toujours sont bordelais le bassiste vit sur une île, certes pas déserte, celle d’Oléron. Miracle du jazz – et surtout travail et talent des musiciens – l’affaire tourne déjà bien rond !
Le but d’In Situ trio, donner du plaisir aux gens, apporter de la gaité, nobles causes surtout en ce moment ; ce soir le but est atteint. Début en douceur mais déjà bien coloré avec « Poinciana » , la cancion del arbol, la chanson de l’arbre, une vieux titre cubain associé souvent au grand Ahmad Jamal ; la musique commence déjà à onduler, ce n’est que le début.
Le jazz ce n’est pas la musique, c’est que l’on en fait, la preuve avec cet arrangement afro cubain de Franck d’un titre initialement aux parfums orientaux le légendaire « Caravan ». Et là ça barde ! Clavier survolté d’un Franck Dijeau aux vingt doigts, batterie incroyable d’énergie et de fantaisie avec des breaks, des grosses pêches, la cloche et un Bruno Sauvé incroyable – il a souffert chez lui pour retrouver le rythme de ces tempos de fous me dira-t-il – et une découverte, celle d’Olivier Lorang. Quel bassiste, sans fioriture une efficacité rythmique parfaite associée à une belle musicalité. Il faut préciser qu’il a vécu un temps sur une autre île, Cuba, jouant là-bas dans un groupe qui a obtenu un Amy Award aux USA. En France il joue régulièrement dans le trio de William Lecomte et avec d’autres formations.
Sollicitation du public, ne nous gênons plus on a le droit de danser maintenant, énergie sur scène, un pur plaisir proposé par ce « simple » trio. Ah ces boucles de piano salsa, ces polyrythmie de batterie et ces grondements de basse ! Mais comment arrivent-ils à trois, à donner l’illusion qu’ils sont beaucoup plus ?
Après le Duke au tour de Charlie Parker de venir faire un tour dans nos oreilles en mode Cha-cha-cha avec « My little suede shoes » déjà latino à l’origine mais ici dans une style encore plus fantaisie. C’est amusant le Cha-cha-cha.
Après la pause c’est Sonny Rollins qui viendra faire un tour avec « Saint-Thomas » une version pas très catholique mais pleine de joie. Un peu de douceur et de mélancolie, mais quand-même avec sensualité pour « Triste » de Jobim, une « Route 66 » bien défoncée, une compo originale « In Situ Blues » et en rappel une Batucada servie très frappée par Bruno Sauvé en partage avec le public.
Le trio In Situ est en train d’étoffer son répertoire – 13 titres déjà ce soir – et on espère le revoir très vite notamment dans les festivals pour y amener cette belle ambiance de fête.
In situ est dans la place !
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