Par Dom Imonk

Parue le 01 mars 2014 dans la Gazette Bleue n° 3

GREGORY AGID

Depuis tout jeune, Gregory Agid a déjà pas mal voyagé puisque, né à San Antonio (Texas), sa famille déménagea ensuite à Honolulu, pour se fixer finalement à New-Orleans alors qu’il avait 12 ans. Il découvrit le piano à l’âge de 6 ans, mais c’est quelques années plus tard que, grâce à son oncle, il prit goût à la clarinette qui devint son instrument de prédilection. C’est à la faveur d’un Louis Amstrong Camp à New-Orleans qu’à 12 ans, il entra dans le monde du jazz, formé, encouragé et fasciné par ceux qui devinrent alors ses mentors : Alvin Batiste, Kidd Jordan et Clyde Kerr Jr.
Son éducation musicale se poursuivit au Nocca (New Orleans Center For Creative Arts), où il professe actuellement, ainsi qu’à l’Université de New-Orleans. D’autres mentors le guidèrent par la suite comme Michael Pellera du Nocca, Ellis Marsalis ou encore Eddie Daniels.
Il progresse très vite et forme, il y a un peu plus de trois ans, son groupe actuel, qui joue alors toutes les semaines à « La Maison » sur Frenchmen Street à Nola.
Puis c’est l’enregistrement de « Mystery Blues » et sa sortie l’an dernier qui marque la consécration de sa toute jeune carrière.
Un album « supervised by » Delfeayo Marsalis et qui pourtant sonne le plus souvent frais et pas que « old fashioned », s’inscrivant plutôt dans ce qu’il appelle le « modern mainstream of jazz ».
Autour de lui sont réunis Joshua Starkman (guitare), Max Moran (basse) (Bridge Trio, Donald Harrison) et Darrian Douglas (batterie) + le bouillant percussionniste Alexi Marti (sur « Bumps »).
Dès le morceau titre qui ouvre l’album, on est aguiché par le son clair et assez percutant de l’ensemble, la clarinette virevolte, volubile sans être trop bavarde, la guitare groove, la basse gronde et la batterie est bien en avant, et ça ça donne une petite touche « rock » (oui, j’ose !) à cette excellente entrée en matière, mais l’on ressentira cela tout au long de cet album, qui émoustille. Il s’agit bien de « jazz », mais dépoussiéré, on ne porte pas de cravate, on préfère les baskets. Gregory Agid signe ce morceau, ainsi que les ambitieux « Summer’s Song (part 1 et 2) qui s’envolent vers d’autres altitudes, surtout la « part 2 » et « Swag », plus classique, mais bien groovy, un vrai rendez-vous des chorus, d’abord le guitariste fort inspiré, suivi d’un épatant solo patronal et surtout d’une intervention bien boisée et très « pro » de Max Moran.
Darrian Douglas est l’auteur du suave « Lost Love », très calme et bluesy, preuve que même les batteurs les plus virulents ont le cœur tendre, tandis que Max Moran nous offre un très énergique « Two Hours », où tout le monde s’en donne à cœur joie, l’un des meilleurs titres de l’album.
Des morceaux « maison » c’est parfait, mais il y a aussi quatre reprises, et pas des moindres, traitées avec tout le respect qu’il leur est dû. L’occasion de tester là aussi la maturité musicale déjà acquise par ces quatre jeunes musiciens, et la facilité avec laquelle ils savent s’adapter aux standards, même les plus « old school » comme les délicieusement kitsch « Rose Room » ( H.Williams, A. Hickman) et Chelsea Bridge (B.Strayhorn), où guitare et clarinette disent de bien belles phrases couleur sépia. Le ton sera en revanche plus enjoué et festif sur les deux reprises d’Alvin Batiste : « Spy Boy » et « Bumps » qui clôt l’album. Au final, c’est un beau voyage dans « le mystère du présent, son histoire » que nous offre là Gregory Agid et son quartet, rendant ainsi son blues moins mystérieux.
Un petit mot sur cette belle équipée pour conclure. Le patron se sert de sa clarinette comme d’un instrument qui prolonge sa voix, exprimant bien les joies et les peines, quelque part entre un saxophone soprano et une trompette, il joue et écrit l’histoire de la clarinette du 21° siècle, sans trop regarder en arrière. Le jeu de guitare de Joshua Starkman est riche, mais sans ostentation, il s’exprime avec aisance, ce qui frappe aussi, c’est l’espace offert à chacun. Il est peut-être celui qui est le vrai garant de la « jazzité » dans cet album. Enfin la rythmique Max Moran/Darrian Douglas est un vrai bonheur, ils « drivent » l’album avec une ferme assurance et cette complicité qui les unit, Max Moran fier d’une déjà belle expérience, pondérant de sa fraîche maturité les assauts hirsutes et explosifs de son compère batteur. Ces garçons étaient vraiment nés pour se rencontrer !
Gregory Agid est sorti diplômé de l’UNO (University of New-Orleans) et a récemment reçu un prix de la Louis Armstrong Educational Foundation, comme le relatait Offbeat fin décembre dernier. Il a par ailleurs déjà tourné en Europe, alors messieurs les organisateurs, s’il vous plait, n’hésitez pas à programmer le Gregory Agid Quartet, vous ne le regretterez pas, et le public non plus !

Par Dom Imonk

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