Gonzalo Rubalcaba en solo à l’Auditorium de Bordeaux

Par Philippe Desmond

Auditorium de l’Opéra de Bordeaux, samedi 29 novembre 2025.

Dans le cadre du Festival l’Esprit du Piano au tour du pianiste cubain Gonzalo Rubalcaba de venir taquiner l’ébène et l’ivoire à l’Opéra de Bordeaux. https://espritdupiano.fr/

Cette année le festival a gâté les amateurs de jazz en recevant Monty Alexander, Luca Sestak et donc aujourd’hui Gonzalo Rubalcaba

Cuba a produit beaucoup des plus grands pianistes de jazz, formés la plupart du temps à la musique classique, imprégnés avant tout de leur culture. Gonzalo Rubalcaba en est un des plus grands ambassadeurs. Titulaire de trois Grammy Awards et de trois Latin Grammy Awards , le pianiste de 62 ans a des dizaines d’albums à son actif et des collaborations multiples. Citons celles avec Ron Carter, Chick Corea, Dave Holland, Al di Meola, Richard Galliano, Charlie Haden, Pierrick Pedron et même Katia Labèque, la pianiste classique.

Il est ce soir seul sur l’immense scène de l’Auditorium aux commandes du Steinway & Sons de concert, capot ouvert et totalement acoustique. Entrée discrète pour apparemment une improvisation très suave, sans partition ; la plupart du temps il « s’en aidera » pour s’en écarter très vite.

Gonzalo n’annoncera aucun titre, nous emmenant ainsi vers une sorte de blind test tout au long du concert. Il me semble entendre arriver « Night and Day », c’est bien cela, même si rapidement le Maître le métamorphose en tirant toutes les variations possibles, quelques courts accords dans son improvisation très lyrique nous rappelant de quoi il s’agit. Idem avec « In a Sentimental Mood », une version intimiste voire minimaliste, très lente. Gonzalo déstandardise les standards, il les customise, du camouflage à l’extravagance. Une main droite hyperactive ou légère, une main gauche rythmique sûre.

Des standards mais pas seulement, voilà un titre qu’on pourrait classer dans la musique contemporaine, complexe, exigeant, aux rebondissements surprenants. Voilà « Shape of my Heart » de Sting, émouvant au possible que Gonzalo, aux faux airs de Ray Charles devant son clavier, rend encore plus fragile. Le ton du concert depuis le début est assez austère, ceux qui sont venus, alléchés par l’origine cubaine du pianiste, ne trouveront pas la joie et la ferveur qu’ils pensaient ressentir.

Un titre va nous sortir de ce mood , « Take Five » dont les dix doigts de la main droite du pianiste et ses deux mains gauches vont extraire tous les sucs. Une version d’une originalité et d’une inventivité extrêmes.

Gonzalo ne s’est toujours pas adressé à nous, son seul langage semblant être la musique. Un titre de plus, il salue, il part. Une heure seulement est passée. Il va revenir bien sûr, le public prolonge son ovation. « Besame Mucho », un vrai baiser d’adieu que cette version tragique pour ce rappel, un autre titre encore. C’est fini. Mais non, la clameur le fait revenir et, enfin dirais-je, la chaleur cubaine nous parvient avec « El Manisero » ce traditionnel, cette chanson du vendeur de cacahuètes, signature de tant de musiciens des Caraïbes. Je l’attendais. Voilà cette fois on peut se lever. Mais non, Gonzalo, visiblement touché, revient ! Il improvise autour de « Stars and Stripes Forever » de John Philip Sousa que les Français connaissent grâce (ou plutôt à cause) d’une célèbre chanson paillarde. On en est si loin ici !

Nous avons vu ce soir un très grand pianiste mais il m’a manqué de la chaleur, une dimension humaine, un partage du musicien avec son public, quelques mots. C’était un concert de jazz pas de musique classique (elle n’était pas loin parfois) où parfois une certaine raideur, une certaine retenue sont présentes.

Saison jazz 2025/2026 à l’Opéra de Bx

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