Festival Ida y Vuelta

Un aller retour musical entre la France et l’Espagne

Par François Laroulandie

Rocher de Palmer le vendredi 10 octobre  

Ce festival transfrontalier créé en 2008 est porté par les associations Kiéki Musiques et Aragòn Musical et soutenu par la Région Nouvelle Aquitaine et la Regiòn Aragòn en Espagne. Véritable passerelle destinée à favoriser les échanges interculturels, il a déjà permis à une vingtaine de groupes de franchir les frontières et contribue à tisser des liens entre ces deux univers et mettre en lumière leurs racines communes. Cette soirée est le voyage aller et La Vuelta, le retour, aura lieu le 28 octobre à Saragosse. Quatre formations se sont produites sur la scène du Salon de Musiques : Pilar Almale, le Nicolas Saez quartet, Isla Kume et le trio Kaouann, chacune disposant d’un set de trente minutes pour conquérir le public.

Pilar Almale

Pilar Almale, artiste pluridisciplinaire originaire d’Aragòn, joue de la viole de gambe, chante et compose. Amoureuse de musique ancienne, elle élargit son répertoire aux influences jazz, aux musiques traditionnelles judéo espagnoles ou aux accents latino américains, tissant des liens entre musique baroque, Renaissance, actuelle et compositions personnelles. Elle a sorti son premier album en 2017, Caja de Musica, en duo avec Eleba Escartìn ; en 2021 un recueil de chants séfarades Hixa mìa en quartet viole de gambe et chant, violon, guitare, percussion ; en 2024 un enregistrement solo, Golondrinas, et cette année 2025 l’album en quartet Zumo de manzana.

Ce soir c’est en solo avec ce magnifique instrument qu’est la viole de gambe que Pilar Almale a envoûté le public, alternant entre morceaux instrumentaux et chants séfarades en hébreu, thèmes latinos en espagnol, en passant par un titre chanté en déambulation parmi le public accompagnée d’un tambourin. Son jeu de cordes expressif, tantôt d’une extrême délicatesse, tantôt en exubérances virtuoses, à l’archet ou cordes pincées, son chant clair et profond sont porteurs d’émotions intenses, et le public fut sous le charme, une belle découverte.

Nicolas Saez quartet

Changement de plateau pour le Nicolas Saez quartet, avec Nicolas Saez, guitare ; Nicolas Frossard, violon ; Julien Cridelause, contrebasse ; Sabrina Romero, percussions.

Guitariste et compositeur franco espagnol, Nicolas Saez réussit le défi d’être fidèle aux racines flamencas de l’Andalousie tout en intégrant des influences jazz ou latines apportées par les musiciens qui l’accompagnent. Le résultat est une musique riche d’envolées lyriques ou de moments de sérénité ; il s’agit d’une véritable rencontre, un Encuentro, titre du spectacle dont il nous a offert un bel aperçu. Son jeu délicat dialogue avec le violon expressif de Nicolas Frossard, avec cette contrebasse très jazz et les percussions de Sabrina Romero qui apportent cette couleur andalouse. Un beau moment de musique où la poésie, la nostalgie, le lyrisme, l’élégance ont été au rendez-vous.

Isla Kume

Troisième formation : Isla Kume est un duo aragonais, Andrés Campos et Laura Sorribas, dont les apparitions sont décrites comme une « pure fusion sans frontières », une « rave de tambourins et de castagnettes », une « explosion d’émotions qui vous fera sauter, crier et vibrer avec la musique électronique la plus puissante ». C’est en effet tout cela à la fois, en y ajoutant la présence sur scène d’une véritable usine à gaz informatique avec laquelle ils se démènent, un violon une guitare un violoncelle des tambourins des castagnettes, et le chant passant du lyrique au hip hop. Le résultat est un maelström de son, une exubérante tornade qui emporte tout sur son passage, des références hispaniques au beat electro dans ce qui s’apparente à une célébration cathartique qui en appelle à la transe collective d’une rave partie flamenca. Impossible de rester indifférent face à ce spectacle total, on s’y abandonne ou on abandonne la partie, et ce soir, j’ai bien eu l’impression que presque tout le monde est resté jusqu’à la fin. Leur premier album, Más de mil motivos est sorti en février 2020.

 

Kaouann

Quatrième formation : le trio Kaouann, né de la rencontre entre le percussionniste Franck Leymerégie que nous avons connu avec Akoda, et l’accordéoniste Gaëtan Larrue, leader du GL Project, rejoints par la talentueuse Nolwenn Leizour à la contrebasse. Un tout jeune groupe qui a donné son premier concert il y a moins d’un an à la Grange de Ruzat dans l’Entre-deux-mers.

Dire de leur répertoire qu’il est un jazz teinté de biguines revisitées et de maloya conduit à passer sous silence ce qui fait leur force ; cette rencontre déjà complice offre une musique à la fois enjouée et nostalgique, enlevée par les trilles du piano à bretelles et scandé par l’inventivité de ce percussionniste incroyable, avec pour les relier la contrebasse dansante de Nolwenn Leizour. De superbes compositions, qui réservent à l’occasion quelque improvisation, et ce mini concert ne pouvait s’achever sans un rappel malgré l’heure tardive, l’incontournable standard valse swing ‟Indifférenceˮ.

Entre les prolongations pour rappel, les changements express de plateau (chapeau aux équipes techniques), il est près de minuit lorsque la soirée se termine, trois heures de musiques et de vraies découvertes.

Soutenez le jazz en Nouvelle Aquitaine !