par Philippe Alen
Écouter pour l’instant – Bergerac, Queyssac, Monfaucon, 11-13 octobre 2018.
Depuis 2007, l’association Manège assure en Périgord la présence des formes les plus aventureuses de l’improvisation. Ce festival des non-alignés dont c’était en octobre dernier la treizième édition invite des musiciens au temple protestant de Bergerac et dans le giron de petites églises de campagne, selon une formule originale. Trois sessions de trois jours étalées sur trois semaines.
Si l’on peut s’y déplacer plusieurs jours de suite et itinérer avec les artistes, s’offre alors la chance inespérée de saisir comment une proposition évolue, se métamorphose selon le lieu et le moment, bref, le sens même de ces musiques qu’il est exceptionnel d’atteindre autrement que par l’instantané d’un concert unique.
Les 11, 12 et 13 octobre, le duo d’Elise Caron / Jean-Brice Godet ouvrait le bal suivi de Sens Radiant (Daunik Lazro / Bejamin Duboc / Didier Lasserre), se déplaçant du temple protestant de Bergerac à l’église de Queyssac, à quelques kilomètres, dans un ravissant vallon ouvert, puis à celle de Monfaucon, petite commune perdue dans les bois à mi-chemin de Bergerac et de Montpon.
Chanteuse, flûtiste et comédienne, artiste tous terrains qui, depuis sa participation à l’ONJ version Denis Badault et qui n’a cessé de confronter sa pratique à tous les univers musicaux, de l’électro-acoustique à l’improvisation libre, Elise Caron (voix, flûte) a trouvé en Jean-Brice Godet (clarinettes) un partenaire avec qui traverser cet immense espace, du chant partagé au sketch improvisé en redistribuant les cartes de soir en soir.
En Sens radiant se sont trouvées trois fortes personnalités de l’improvisation pour une musique aussi libre qu’exigeante, traversant au pas du bouquetin, précis, concentré, attentif et aventureux les mirages sonores nés de l’instant comme en un jour surgit du plus aride des déserts un paysage lacustre.
Daunik Lazro (saxophones ténor et baryon) dont on connaît la position centrale dans le paysage du jazz libre et de l’improvisation depuis cinq décennies), écorcheur-écorché, Benjamin Duboc, contrebassiste, l’arbre avec ses oiseaux, le Bordelais Didier Lasserre, patient guetteur de rumeurs, tous trois ont creusé un chantier aux fouilles miraculeuses.
Trois soirées de chantier enchanté.
Le festival se poursuivait du 18 au 20/10 sur le même principe avec Thomas Bonvalet/Jean-Luc Guionnet, puis Claire Bergerault et Poinge (Toma et Virginie Gouband), puis du 25 au 27/10 avec Open eyes (Christian Pruvost, Toma Gouband, Nicolas Desmarchelier) et Ne me réveillez pas (Yukiko Nakamura, Soizic Lebrat). Mais il ne nous fut hélas pas possible d’y assister.
Philippe Alen
