Du Barbershop avec le GodArt Vocal Band

par Philippe Desmond

Thelonious Café Jazz Club, le 8 février 2023.

Connaissez-vous le style Barbershop ? Je ne parle pas de la façon pour vous messieurs de tailler votre barbe mais d’un style de musique. Une formation a cappella en harmonie serrée en général de quatre chanteurs qui voit ses origines aux XVIIe siècle en Angleterre dans les salons des barbiers où en attendant leur tour les hommes chantaient, puis exportée avec la migration vers l’Amérique. Au XIXe siècle les salons des barbiers deviennent ainsi de vrais lieux où des groupes se forment avec pour répertoire, du blues, des musiques traditionnelles, des chansons populaires et des chansons spirituelles. Ce genre un peu en marge du jazz mais avec parfois un pied dedans, notamment avec du swing, des reprises de standards, a évolué ensuite vers le « Doo Wop » où les voix imitent souvent les instruments. Dans les héritiers de ces styles un des groupes le plus célèbre est le Manhatan Transfer . En France dans les années 60 ce sont les Double Six qui ont obtenu un grand succès, les femmes n’étant pas interdites, bien au contraire, dans ce style musical.

Ce soir dans un Thelonious Café Jazz club bondé comme jamais, c’est le GodArt Vocal Band qui est venu ressusciter le style Barbershop. Voilà donc quatre chanteurs avec la tenue de rigueur, costume, chemise blanche et nœud papillon : Clément Godart (baryton), Clément Khayat (ténor 1), Jordi Garcia (ténor 2) et Finafa Kakanakou (basse).

Dans le Thélonious plus que complet, il règne un brouhaha invraisemblable, serveurs et serveuses ont du mal à se faufiler entre les tables et les personnes debout. Le bar est même devenu table d’hôtes pour caser tous les convives. Comment un groupe vocal va-t-il réussir à se faire entendre dans ce chaos ? C’est en plus leur premier concert , je viens de faire leur connaissance en coulisse et ils sont assez tendus, je le suis aussi pour eux dans ces circonstances.

Et le miracle va se produire, dès leur montée sur scène et les premières notes, l’attention du public – le respect aussi – est impressionnante, je n’ai jamais vu ça ici. Cela va durer tout le concert, un public capté, captivé.

Il faut dire que l’exercice est inhabituel, pas un seul instrument sur scène, sinon des cordes vocales pour un rendu remarquable. La qualité des harmonies derrière le chanteur leader, les contrechants, la rythmique de basse, tout est parfait. Un style qui exige précision et osmose. Franck Dijeau qui a travaillé avec eux (ainsi que Florence Godart qui a réalisé des transcriptions) m’explique que le travail va jusqu’à la synchronisation parfaite des respirations, sans qu’ils n’aient besoin de se regarder ; ça s’apprend par des exercices spécifiques.

Le répertoire puise dans des musiques traditionnelles, ou folkloriques (celles dont on ne connaît pas les auteurs) dans des « tubes » comme « Stand by me » ou « Amazing Grace » (une version totalement insolite, casse-gueule et parfaitement réussie), un standard comme « After you’re gone », un doo-wap de Billy Joel « The longest time », un « Swing low, sweet chariot » dans une version pleine d’humour à y perdre son Anglais… Le quatuor s’est détendu, plaisante avec le public qui participe parfois avec toujours autant d’attention. Un spectacle tout à fait séduisant.

Le rappel, fortement demandé, reprendra la chanson de marins « The wellerman », le Thelonious se transformant alors en taverne de loups de mers, bruyants et exhubérants. Magnifique.
https://www.facebook.com/godartvocalband

https://www.facebook.com/godartvocalband