Confiné avec… Boris Lamerand

Nous vivons tous une période particulièrement difficile qui bouscule notre mode de vie d’une façon totalement imprévue. Les musiciens, comme tant d’autres métiers, n’échappent pas à la règle et sont particulièrement touchés économiquement. Comme ils ne peuvent plus exercer leur art autrement que par quelques interventions sur les réseaux sociaux, nous avons pensé qu’il serait intéressant de continuer à tisser du lien avec eux par ce petit questionnaire.

Nous sommes avec : Boris Lamerand

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Présentes-toi rapidement. De quoi, avec qui, quelle musique joues-tu ?

Je suis violoniste, altiste et compositeur, membre du collectif Déluge, vous m’avez entendu aux côtés de Thomas Julienne dans Theorem of Joy et au sein de ma propre formation le quatuor Les Enfants d’Icare, qui sort son premier album ‘HUM-MA’ (Déluge) en plein confinement le 27 mars.

Comment occupes-tu tes journées en ce moment ?

Je suis père d’une petite fille âgée de trois ans et demi qui demande beaucoup d’attention, et je dois aussi lui faire l’école à la maison, donc je ne chôme pas.

En profites tu-pour composer, travailler ton instrument, ta voix ?

ça me fait mal au coeur, mais malheureusement je n’ai quasiment plus de temps pour pratiquer mon art, nous vivons à trois dans un deux pièces à Paris…tout tourne autour du quotidien, mais je suis néanmoins heureux de passer tout ce temps avec les deux femmes de ma vie. Et je rejoue du répertoire classique avec ma compagne qui est altiste classique et je jam sur pirouette cacahuète avec ma fille et ça c’est précieux. Parfois je descends jouer dans le parking la nuit ou pendant que ma fille dort, mais il y fait très froid et je ne tiens pas plus d’une heure avant que mes doigts se raidissent. Bref, c’est pas super évident ne serait-ce que d’entretenir une pratique artistique saine, alors de là à créer, composer… sans parler de l’angoisse qui est assez inhibitrice (on commence à avoir des proches, de la famille, touchés par le virus, ça se rapproche, et je m’inquiète pour les personnes âgées de notre entourage)

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Comment arrives-tu à jouer « avec » les autres ?

On a un projet avec les Enfants d’Icare de faire un morceau multitracks afin d’entretenir un semblant de relation avec notre public, car nous avons un album qui sort en plein pendant le confinement, mais tout est au ralenti. Les copains de Theorem of Joy préparent les pré prods du prochain album, mais je crois qu’ils vont pas trop pouvoir compter sur moi pour faire des enregistrements propres dans ma cuisine…

Écoutes-tu la radio, des disques, du streaming ? Quoi par exemple ?

Je suis ravi de refaire connaissance avec les CD de ma discothèque et d’éviter les écoutes en ligne. Je suis assez attaché à l’objet et l’aspect hégémonique d’internet, et la tournure que ça prend avec le confinement me fout la nausée. Ces derniers jours je me réécoute pas mal de répertoire classique/contemporain: le quatuor Ainsi la Nuit de Henri Dutilleux, les duos alto-basson de Philippe Hersant, les 18 quatuors de Darius Milhaud.

Cette situation change t-elle ta façon de voir les choses, la vie, ton métier ?

Je me recentre sur les fondamentaux: l’éducation de ma fille, ma relation avec ma compagne, contacter régulièrement ma famille, cuisiner… mieux dormir? (bof! work in progress…). Je regrette d’être contraint délaisser le violon et l’écriture, mais cela ne fait que 10 jours et on s’adapte progressivement à ce rythme au ralenti, je garde espoir de m’organiser mieux. Quant à l’aspect ‘métier’, je suis franchement inquiet pour l’après. Je suis intermittent, j’ai un sursis de quelques semaines encore car j’ai bien bossé ces derniers temps, mais si ça dure plus longtemps va falloir que j’augmente le rendement de ma culture de patates.

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Un titre qui te passerait par la tête ? 

Train carried my girl from town’ par le bluesman Kelly Joe Phelps sur l’album Shine eyed mister zen (que du bonheur!)