Arcachon Jazz festival 2025 #2/3
Par Philippe Marzat, photos Hugues Malo
Vendredi 5 décembre 2025
Le petit Orléans…

Jazz et Nouvelle Orléans c’est presque un pléonasme.
À les entendre, on se représente bien dans l’une des rues aux maisons coloniales écrasées par la chaleur moite des eaux du bayou. Imaginez vous dans le brouhaha des musiques sortant des établissements, tous côte à côte, et au hasard, arrêtez-vous happé par le son grave du sousaphone de Camille Eissautier, soutenu par la batterie de Jean-Luc Guiraud. Entendez les discussions pertinentes des autres instruments qui viennent se mêler à la fête; le trombone de Nicolas Laroza et qui y met même de la voix sur certains morceaux, puis la trompette et le chant de Patrick Condé, écoutez la concordance de la clarinette de Mathieu Viry avec le support du banjo de Christophe Lepont. Cet ensemble, vous raconte les joies et les peines qui rythment la vie difficile et douloureuse des esclaves d’un autre siècle. Vivez les pas lents des cortèges d’aujourd’hui qui suivent un enterrement ou alors les facéties d’une débandade d’un mariage ou d’une fête. À chaque fois les morceaux, le temps s’égrainent inexorablement à la Nouvelle Orléans et nous entraînent sans que l’on s’en aperçoive jusqu’au dernier morceau puis à l’inévitable rappel bien mérité et apprécié par l’auditoire.
Le sextet « Le petit Orléans » nous aura séduit avec ce vieux jazz emprunt de béguines des Caraïbes, mémoire, du commerce triangulaire, pas si loin…
Ce soir ils nous auront joué avec un grand plaisir : Mississippi Mud, Serpent maigre, Climax ras, Fa martinidou, Sout’em and tillie, Sweet lovin’man, Once in the wild, Black tan Fantasy, River boat shuffle, The dada train, White ghost shivers, Snag it, Isles on Orléans, Moulin à café,Parfum des îles, bouncing around.
Harlem Gospel Choir

La lumière de la grande salle de l’Olympia d’Arcachon se baisse lentement tandis que sur la scène le clavier et la batterie entament déjà la soirée puis entrent un à un les 9 choristes tout vêtu de noir avec un châle orangé ou une veste à revers orange, sous un éclairage orangé lui aussi. Les voix prennent place à leur tour en entamant les chants gospel qui se succèdent dans la plus pure tradition des groupes vocaux des offices religieux.
Les rythmes soutenus par les musiciens et les voix puissantes envahissent l’espace. Il ne faudra pas attendre le troisième titre pour avoir les cris, brouhaha des 1000 spectateurs de l’Olympia d’Arcachon. Franchement, le public est présent au rendez-vous avec les artistes. Les applaudissements fusent de toutes les travées. Rajoutez un pasteur et vous êtes dans une église. Les mains claquent aux rythmes du déhanchement des choristes. Et peu importe vos convictions, vous ne pouvez pas rester insensible à cette musique entraînant, voire envoûtante. Les uns après les autres, les choristes deviennent solistes et reprennent des morceaux bien choisis dans le répertoire traditionnel des chants gospels. Le public ne s’y trompe pas en répondant aux refrains. Il émane de cette prestation vocale, bonheur et joie partagés. Un moment de détente en ces temps difficiles. Bien sûr que ce soir je n’oublie rien mais ce partage me fait faire une pause.
Tout au long du concert, ces puissantes voix se répandent dans l’immense salle ne couvrant jamais la batterie et le clavier, toujours là, en soutien constant. Pas un moment la musique ne s’arrête, pas plus que cessent les chants. La fête est totale. Et si par mégarde on se laissait aller, je ne serais pas étonné de voir apparaître sur scène Aretha Franklin, Marvin Gaye, Stevie Wonder ou les Supremes. On retrouve toute cette énergie, cette conviction dans ce qui est chanté. Puis, au milieu de cette puissance vocale un chant doux, calme comme ceux qui attendrissent nos âmes au moment où les fêtes de noël arrivent, on verrait presque tomber la neige sur la campagne blanche dans la nuit noire. Et, peut-être que demain matin, une fois rentré chez moi, au sortir de mes rêves, j’aurai comme un cadeau; le souvenir de cet extraordinaire concert gospel. Pour souligner ce moment où l’enfant songe les yeux écarquillés à ce qu’il a espéré, arrive une ballade avec juste une voix, le clavier et la batterie, tout en douceur. Reviennent tous les choristes pour de magnifiques chants religieux. Au fond de la scène, un grand rideau inondé de bleu laisse passer des projections de lumières vives comme celles de vitraux d’une église. De belles lumières qui doivent plaire aux photographes.
Les fêtes sont là, toutes proches, alors l’incontournable « Jingle Bells », chant traditionnel outre Atlantique est envoyé pour la plus grande joie du public. Et puis, bien sûr c’est « Merry Christmas » qui reprend le flambeau et les choristes demandent aux spectateurs d’allumer les smartphone et de remuer les bras aux rythmes de la chanson jusqu’à « A Happy New Year ». Le public est aux anges et reprend à capella avec juste de temps en temps le soutien de la batterie. Les choristes nous lancent un « Joyeux Noël et bonne année », en français dans le texte pour entamer aussitôt « Oh happy day » Les spectateurs tapent dans les mains. Le succès est garanti. Toute la salle se lève pour chanter à l’unisson.
C’est le final. Encore une fois, avec le gospel, c’est le succès au rendez-vous. Le public est définitivement conquis. Les artistes invitent même ceux qui le veulent à monter sur scène partager un moment avec eux. Allez, on peut le dire, cette communion, si ce n’est pas du gospel, je dirai que c’était diablement divin. Mais voilà, comme l’infini n’est pas éternel, tout a une fin.
Il nous faut rentrer chez nous. Mais quel concert. Et quel final !


