Abysskiss
‟Big Dipperˮ
Par François Laroulandie
Abysskiss : après un EP éponyme en 2022, nous accueillons leur premier album ‟Big Dipperˮ, sorti le 23/05/2025 sur le label Saä / Inouïe Distribution.
Camille Maussion : saxophones ténor et soprano, voix, compositions.
Pierre Tereygeol : guitare baryton, voix, compositions.
Victor Auffray : euphonium, flugabone, voix.
Illya Amar : vibraphone, marimba, glockenspiel, tambour chamanique.
Pour Camille Maussion qui découvre le jazz à l’âge de quinze ans, le saxophone, ténor et soprano, est le prolongement de sa voix et de son corps en mouvement. Compositrice, créatrice d’objets artistiques sonores, l’improvisation est au cœur de sa pratique musicale façonnée par un imaginaire fécond et une recherche de sens. Björk, Stravinski, Sonny Rollins, John Zorn, Wayne Shorter font partie de son univers d’influences. Directrice artistique de la Compagnie Saä fondée en 2019, elle est également connue depuis 2013 pour sa participation dans le Nefertiti Quartet, lauréat de Jazz Migrations # 5 et de l’Euroradio Jazz Compétition 2019, ayant quatre albums à son actif. De sa rencontre avec le guitariste Pierre Tereygeol est né le projet d’un « orchestre de poche rétrofuturiste » : Abysskiss, avec la sortie du single éponyme en 2022, et en 2025 de l’album Big Dipper.
Pierre Tereygeol, prix de guitare classique et jazz au CRD d’Evry Val d’Essonne, participe à plusieurs projets de musiques actuelles, Hybrid Workshop et son sextet « Mobile » explorant l’écriture contemporaine et l’improvisation. Guitariste, mais aussi chanteur et compositeur, il participe aux côtés de Leïla Martial au projet Baa-Box, apportant sa touche singulière et sensible. Abordant également le répertoire folk américain et jazz au sein du Silent Storm Quartet ou avec Guillaume Latil en ouverture du Respire Jazz Festival 2025, il jette des ponts entre styles musicaux, apportant à chaque fois une touche de poésie et d’improvisations inspirées.
Abysskiss, _ baiser des profondeurs _ est le fruit de la complicité créatrice entre Camille Maussion et Pierre Tereygeol, rejoints par deux instrumentistes improvisateurs : Illya Amar au vibraphone et Victor Auffray à l’euphonium et voix. Un assemblage atypique qui signe un parti pris instrumental radical, des compositions très écrites qui laissent pourtant des espaces d’improvisations, une alchimie rare de sonorités sophistiquées, de voix hypnotiques, pour un disque qui ouvre sur des imaginaires cinématographiques, que l’on aura envie d’écouter et réécouter. « Notre objectif est de donner à l’auditeur l’envie de réécouter le disque en lui-même, de voyager avec le disque comme avec un film… ».
Des sonorités liquides qui nous renvoient aux univers originels comme aux utopies des cités sous les mers ; aux mondes engloutis peuplés d’étoiles et survolés de bathyscaphes à la Jules Verne représentés sur la superbe jaquette dessinée par Julien Vaugelade.
Onze plages musicales, des compositions de Pierre ou de Camille arrangées ensemble, qui constituent un petit bijou sonore particulièrement inventif et abouti.
“Big Dipper”, le premier titre est une entrée en apesanteur. Plongée en douceur portée par la voix de Pierre Tereygeol, accompagnée par une guitare en symbiose harmonique et un vibraphone en gouttes de pluie. Se laisser porter jusqu’au final sur le souffle de l’euphonium empreint de mystère allant crescendo par un chorus de saxophone annonciateur de l’étrange à venir.
Etrangetés sonores percussives annoncées sur “Youtsi”, un voyage dans les limbes emporté par le chant yodel de Victor Auffray, un solo de vibraphone, un foisonnement sonore aux ambiances de forêts primaires qui nous emporte loin.
“Nuage Calculette” (portrait de Camille), bande son cinématographique introduite sur les coussins d’air de l’euphonium de Victor Auffray.
Titre phare dans cet album, “Banana Hills” révèle le chant de l’au-delà de Pierre Tereygeol, une voix et un jeu de guitare baryton et de percussions qui rappellent l’univers sonore du groupe Gong dans les années soixante-dix. Facéties instrumentales et sax à l’unisson sans limite.
“Singe à plumes” au tempo lent, voyage intersidéral accompagné par la guitare augmentée d’un archet qui en prolonge les notes, une invitation aux rêves emportés par le saxophone soprano de Camille Maussion, tissant une ligne mélodique de la sérénité qui se prolonge sur le titre suivant “Big Thread” aux voix en douceur évocatrice.
“Phantom Thread”, titre aux variations harmoniques du chant primordial de Pierre Tereygeol _ « beware the crowd… », conseils à l’enfant qu’il était _ soutenu par la guitare mélodique ; sérénité.
“Yodel Ferraille” (portrait de Victor), quatre-vingt-sept secondes d’un univers électro aux basses telluriques issues des profondeurs en contrepoint de voix instrumentales.
“Ayahuasskiss” (autoportrait en quatre couleurs) joue avec un imaginaire planant _baiser de l’ayahuasca (?)_ peuplé de visions sonores rythmées par euphoniun, sax, trombone, voix en variations virtuoses jubilatoires.
“Carroussel Minitel” (portrait Illya), petit bijou sonore plongeant dans nos souvenirs de boîtes à musique.
“Infinite Waves”, dernier titre, en forme d’ouverture vers les espaces d’un voyage sans fin, signifiés par les chœurs vocaux en apesanteur, œuvre du travail de production de Pierre Tereygeol.