Stéphane Kerecki – Liberation Songs

(A Charlie Haden’s ‘Liberation music Orchestra’ songbook )

Par : Alain Fleche

Chez : Self Two Music

Enzo GARNIEL : Piano

Federico CASAGRANDE : Guitare

Fabrice MOREAU : Batterie

Thomas SAVY : Clarinettes

Stephane KERECKI : Contrebasse

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Airelle BESSON : Trompettiste

Émile PARISIEN : Sax Soprano

Nous connaissons, de Stéphane Kerecki, le son rond, ample et généreux, le jeu souple et direct, les compositions fignolées et chantantes, nombres de qualités commune au ‘maître’ à qui l’on rend hommage ici ; voici qu’il pioche maintenant (enregistré en 2025) dans le cœur du répertoire le plus intime du contrebassiste américain : un hymne aux révolutionnaires utopistes espagnoles, des brigades internationales et autres combattant épris d’amour universel et de liberté venus prêter main forte aux mouvement anti-franquiste , thème du 1er opus légendaire du LMO, suivi d’autres albums qui paraissaient « Lorsque la situation socio-politique l’exigeait »(selon l’initiateur du projet). On ne doute pas que si Charlie Haden avait bénéficié de plus de temps, il aurait trouvé à matière à continuer son message révolutionnaire sous cette appellation…

C’est Stéphane Kerecki qui s’y colle pour poursuivre l’appel à la rébellion, chargé de revendications légitimes motivées d’un évident refus de résignation, avec sa fine sensibilité au service de la musique populaire, expression décharnée d’acte de résistance à toute injustice nécessitant une liaison solidaire de tous les peuples debout contre la bourrasque mortifère qui tend à les museler.

Ce disque n’est pas une visite au musée, il ravive le besoin d’éveil lucide et de discernement dans un contexte où peu de balises restent stables, mais sont plutôt piétinées, gommées, éradiquées, pertes créant des tensions entre groupes d’humains perdus, en discorde, jusqu’à la guerre fratricide où se mêlent les oppressions de tous poils, la course aveugle d’ un progrès délétère, les menaces de milles plaies provoquées face aux valeurs humanistes, entraînant un élan irrépressible de révolte pour retrouver enfin l’harmonie et la sagesse, l’amour et la liberté qui se devrait d’être le droit inaliénable de tous.

Ceci est une nouvelle balise, fiable comme un anarchiste prêt à se battre, portée au vu et aux oreilles de qui veut ouvrir son cœur et son âme à tous ses frères humains.

C’est la musique renouvelée d’un manifeste qui date d’un demi-siècle, lui-même reflet de sons anciens, primitifs, éternellement actuels, sans age ni frontière. Musique engagée, sincère, chargée d’émotions, de messages implicites, d’images explicites, de vérité lumineuse et de force surnaturelle.

C’est l’expression d’hommes qui mettent leur art et leur talent au service du Vrai, du Beau, du Juste !

Musique politique ? Comment l’art ne pourrait-il être politique ? La vie même… Tout acte, même quotidien, participe à la vie du pays, et concerne le monde entier. Tout fait sens, reste à chacun de faire son choix… et de l’assumer !

À l’image de son prédécesseur, le contrebassiste français lance une déclaration d’amour au jazz et utilise son pouvoir fédérateur pour réunir les combats épars, dépassant le simple plaisir esthétique pour livrer un brûlot, exigeant une transformation totale du mode de fonctionnement général envers tout ce qui vit sur la terre.

Le ‘Liberation Songs’, à l’instar du LMO, est construit en collectif, où l’individu se fond dans le groupe pour créer quelque chose de plus grand que lui. Le rapprochement s’arrête là. Stéphane a choisi la formule du quintet augmenté plutôt que de monter un ‘big band’. Un ensemble dont il n’est besoin de détailler les acteurs, croisés bien souvent sur nos colonnes, sauf peut-être le pianiste pourtant prolifique : Enzo Carniel. Explorateur sonore, mi-acoustique mi-électronique, il passe par le contemporain et se stabilise dans la musique improvisée. On l’entend dans l’ONJ avec Steve Lehman, près de Christophe Panzani, enregistre sous son nom 4 disques, il enseigne au conservatoire de Montreuil et au pôle sud Paris. Jeu sobre mais percutant, virtuose sans démonstration superflue, accompagnateur vigilant et improvisateur accompli, on ne devrait pas tarder à parler davantage de lui bientôt…

Le son de l’ensemble est ancré dans la culture latine et plutôt que de proposer des versions exacerbées et délirantes (nous ne sommes plus en ‘70, et les fulgurances ‘free’ ne sont plus indispensables dans une expression de lutte revendiquée), il extrait la moelle des compositions revendicatrices qu’il remodèle pour en saisir la force intemporelle d’intention, fussent-elles traditionnelles, ou signé Charlie Haden, Ornette Coleman, Bill Frisell…

C’est bien une œuvre militante d’aujourd’hui, un hommage aux luttes passées et surtout une invitation à construire, ensemble, un avenir plus libre et plus juste. ‘We shall overcome’ !

https://www.facebook.com/stephanekerecki

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