Par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat
Samedi 23 août
Soulac sur Swing
La jolie et vintage station balnéaire est encore très peuplée et en cette troisième fin de matinée du festival et le front de mer est très fréquenté pour accueillir The Chicken Swings Quartet, nouvelle formation de la région mais avec des musiciens confirmés et bien connus. Nicolas Frossard au violon, Ludovic Guichard a la guitare solide, Alexandre Jian aujourd’hui à la guitare rythmique et Olivier Lorang avec une jolie contrebasse de voyage à la taille fine, nous propose des cordes à la française, ce swing aux accents manouche inventé par Django et Grappelli. « Artillerie lourde » pour commencer mais pourtant une musique toute en légèreté. Des arrangements de standards, des compositions originales et un set apéritif qui a ravi spécialistes et néophytes. Premier concert du quartet et une réussite qui en annonce d’autres.
Jazz et vin !
Soulac c’est le Médoc, le bleu celui de l’océan, un peu plus au sud c’est le vert , celui des pins, et plus près de la Gironde – le fleuve nommé rivière ici – c’est le Médoc rouge, celui du vin bien-sûr. Alors Philippe Catherine a eu la bonne idée de rapprocher jazz et vin pour une conférence. Un nom s’est vite imposé, celui d’Alex Dutilh spécialiste absolu du jazz mais aussi très bon vivant, amateur de la bonne chaire et des nectars qui vont avec. Prise de contact avec quelques vignerons et voilà une conférence dégustation qui se met en place. Trouver des ponts entre les deux, des analogies, des ressemblances tel était le défi. Pari tenu avec comme fil rouge le standard « Days of wine and roses » décliné en plusieurs versions et quatre vins associés avec gourmandise par le sommelier musical Alex Dutilh à quatre titres. Une curiosité !
Château Haut-Barrail / La rosée des dunes rosé avec un titre de la harpiste Brandee Younger
Château Castera / Anthoinette blanc avec Duke Ellington
Dief Vignerons / Clos Manou rouge avec Joe Henderson
Château l’Argilus du Roi rouge avec Charlie Haden et « Tres palabras »
Du verre à la flûte
Il ne nous a pas dit lors du concert du soir le vin qu’il aurait choisi pour le concert de l’explosive Ludivine Issambourg. Du champagne peut-être pour la flûte ? Un sextet plus que pétillant en effet où la flûte lutte sans complexe pour survivre dans cette formation funk. Une Ludivine possédée, plus qu’engagée dans sa gestuelle, brisant avec talent les codes de la flûte classique souvent guindée et statique. Volume sonore élevé quand tout le monde bagarre contrastant avec la finesse dans les passages lents. Alex Dutilh avec son expertise légendaire, nous dira avoir perçu lors de ce concert un résumé des musiques de New Orleans, les soufflants de la tradition mêlés au funk actuel qui domine là-bas, un joyeux foutoir précisera- t-il comme un compliment !
Ludivine Issambourg : flûtes / Yoann Schmidt : batterie / Swaeli Mbappé : basse / Nicolas Derand : claviers / Sylvain Fétis : sax ténor/ Vincent Aubert : trombone .
Dimanche 24 août
NOLA sur mer
Déjà le dernier jour à Soulac sur Mer, déjà des habitudes prises. Petit déjeuner pieds dans le sable en attendant le concert du « off » par exemple. Aujourd’hui NOLA District Brass Band. C’est facile, tout est dans leur nom. Une heure et demie des musiques de New Orleans qui donnent envie de danser, quelques couples, trop peu, se livrant à l’exercice. Pourtant on sent que les fourmis circulent dans beaucoup de jambes. C’est gai, bien fait et offre encore un volet différent de ce qu’est le jazz, le but avoué de ces quatre concerts offerts au public chaque matin du festival.
Alexandre Jian : aujourd’hui au sax ténor / Jérôme Denner : trompette / Fred Dupin : sousaphone / Mario Perreira : batterie / Philippe Ravez : claviers.
» Je ne suis pas celui que vous croyez »
La programmation du festival montre la diversité du jazz, loin de certaines idées reçues qui font dire à certains » Je n’aime pas le jazz ». C’est justement autour de la destruction de ces poncifs qu’Alex Dutilh a bâti sa seconde conférence : le jazz y révèle » Je ne suis pas celui que vous croyez » .
Une approche intéressante sur la façon de découvrir le jazz, de l’écouter dans sa diversité, ses courants. De NO à Paris, de Wynton Marsalis a Django en passant par Duke, Eddy Louiss, Miles, le jazz scandinave, Abdullah Ibrahim, que d’aspects intéressants et variés ou chacun peut trouver son bonheur. Passionnant comme toujours avec Alex.
Émotion à la Basilique
Chaque festival se termine par un concert en petite formation dans la Basilique Notre Dame de la Fin des Terres, un lieu chargé d’histoire sur le Chemin des Anglais vers Compostelle, quasi enseveli sous le sable à la fin du XIXe siècle.
C’est le duo Pierre-François Blanchard au piano et Thomas Savy (l’enfant du pays depuis sa jeunesse) aux clarinettes qui clos le festival avec le projet « Puzzled » . Dans les superbes lumières magnifiant la basilique, les deux musiciens nous ont transportés vers des hauteurs musicales vertigineuses, pleines de beauté et d’émotion. A partir des thèmes écrits par le pianiste, les deux musiciens en totale interaction se sont livrés à des improvisations magiques. Musique inclassable, du jazz ? Pas sûr. Du classique ? Pas vraiment,. Les deux à la fois ? Peut-être, peut-être pas… Les voilà qui se questionnent, se répondent, se taquinent, se surprennent, « s’unissonent« , voilà un parfum de Ragtime, une pincée de Gershwin, une senteur d’Orient, des touches de Ravel ou Debussy, de la musique pure, sensible, vraie. Public totalement subjugué, pianiste en larmes à la fin, clarinettiste épuisé, vidé. Un moment unique.
La présentation au public de la formidable équipe de bénévoles n’en sera que plus émouvante. Et bonne nouvelle, Philippe Catherine se met au travail pour l’édition 2026 de Soulac ‘n Jazz.
Le jazz aime Soulac, de plus en plus.