Soulac’n Jazz 1/2
Par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat
C’est la 3ème édition du festival créé par Philippe Catherine et Elisabeth Kleinemas, deux passionnés de jazz qui ont inventé de toutes pièces cet événement. De façon totalement désintéressée – plutôt même avec une démarche de mécénat – ils ont eu l’idée d’animer la belle et typique station balnéaire médocaine.
Chaque année le festival s’étoffe, un jour de plus, un « off » de qualité, des conférences, et une offre musicale des enfants aux pensionnaires de l’EHPAD. Une organisation très professionnelle avec de nombreux bénévoles et à la direction de production rien moins que Roman Zaborsky, régisseur général du Bal Blomet à Paris.
Jeudi 21 août
« Grappelli my love » en front de mer
C’est à 11h30 sur le front de mer et dans le cadre du « off » (off certes mais off- iciel et entièrement offert au public) que démarre Soulac’n Jazz. Pas avec n’importe qui, avec le très beau projet Grappelli my Love porté par le violoniste David Abeijon et ses compagnons Eddie Dhaini a la guitare et Aurélien Gody à la contrebasse. Action Jazz a déjà parlé de ce trio et c’est un plaisir de les retrouver ici dans ce paysage infini surveillé par le phare de Cordouan. Cet hommage par ces musiciens girondins au grand violoniste français est d’une extrême qualité, reprenant la période où Grappelli jouait en trio vers la fin de sa carrière. Nombreux public, accroché par la virtuosité du violon porté par la rythmique. Quelle belle entrée en matière. L’après midi ce sont les pensionnaires de l’EHPAD Saint-Jacques-de-Compostelle ( Soulac est depuis toujours sur le trajet du pèlerinage, la Route des Anglais) qui ont eu la chance de se voir offrir ce concert, à l’ombre bienveillante du parc de l’établissement.
Depuis la veille l’exposition « Musicien, je suis ta main » est accrochée au syndicat d’initiative. Elle est l’œuvre de trois photographes d’Action Jazz, Solange Lemoine, qui a aussi écrit les textes, Alain Pelletier et Philippe Marzat présent sur place pour le festival. Mains des artistes en mouvement sur leurs instruments, une façon originale et élégante de leur rendre hommage.
Promenade dans le circuit des villas historiques (magnifique), baignade, passage chez le glacier réputé de la ville, un verre en front de mer et nous voilà prêts pour le concert du soir, celui du « In ».
Jeanne Michard Latin Quintet
La saxophoniste qui monte, Jeanne Michard est là avec son Latin Quintet. Marquée par un voyage à Cuba elle a composé un répertoire où se mêlent bop et latino. Saxophone lyrique, rythmique percussive adoucie par le piano pour un set jovial. Jeanne a beaucoup de belles choses à raconter avec son ténor quant à Clément Simon il nous montre la richesse de son registre notamment lors d’une impro sauvage aux accents faussement faux tirant sur un free mélodique très habile. Rythmique afro – cubaine haut de gamme avec en tête le rayonnant cubain Nelson Palacios. Concert complet récompensant une organisation au cordeau. Et ce n’est que le premier soir, il en reste trois, quel bonheur !
Ludivine Issambourg : flûtes / Clément Simon : piano / Fabricio Nicolas-Garcia : basse / Lucas Dauchez : batterie / Nelson Palacios: percussions.
Vendredi 22 août
J4zzary à la plage
Le soleil est toujours là, tempéré par le vent d’ouest et à l’approche de midi le front de mer va vite s’agiter aux premières notes du groupe J4zzary . Cette journée Action Jazz, partenaire du festival, l’attend particulièrement car Philippe Catherine a eu la très bonne idée – et l’élégance – de la consacrer aux jeunes talents révélés lors de nos Tremplins. Ce groupe dacquois a été lauréat en 2024 et a depuis pas mal tourné. Répertoire éclectique du jazz a la soul et des clins d’oeil au classique, des standards aux compositions originales, de l’énergie à la finesse, voilà une très agréable prestation qui parle à un large public. La preuve, il est nombreux et présent jusqu’au bout. Charles Caup au trombone, Jon Caliot à la trompette, Martin Labat-Labourdette au clavier, Enzo Laidi aux baguettes.
Des graines semées
Jeunes talents et peut-être futurs talents avec les graines semées dans l’après-midi auprès des enfants invités à un goûter musical animé par trois jeunes musiciens autour des musiques de Walt Disney bien sûr. Concert participatif, on chante, on tape sur des claves et on déguste les bons gâteaux au chocolat cuisinés par les bénévoles. Ah ces bénévoles si efficaces et agréables ici ! Avec Garance Guilhamon au chant et au piano, Julien Vigouroux à la batterie, Mathias Bérot à la guitare
Stablemates , Prix de la découverte au Tremplin Action Jazz 2025
Mais voilà que tout s’enchaîne il faut rejoindre la salle Notre-Dame pour le concert des Stablemates récents lauréats du Tremplin Action Jazz 2025. Il est 19h30, peut-être un horaire à revoir car la salle n’est pas complète, loin de là. Et comme d’habitude les absents vont avoir tort, l’enthousiasme des présents qu’ils vont peut-être croiser va leur donner des regrets. Ces quatre tout jeunes musiciens qui vont dès septembre continuer leurs études au pôle supérieur du Conservatoire de Paris, ont déjà un métier impressionnant. Leur musique est riche, vivante, leurs compositions sont abouties et les arrangements qu’ils proposent de certains standards ( et oui, il respectent aussi l’histoire du jazz ) sont très pertinents. Citons « Body and Soul » dans une version très personnelle et élégante. Si on ajoute une complicité visible, ponctuée par des sourires et des regards éloquents, on se dit que ce groupe est sur la bonne voie.
Clément Calles : guitare / Dylan Choisi : batterie / Vincente da Silva Martinie / Mathieu Cochard : piano
Nicolas Girardi trio, Prix de la Note Bleue au Tremplin Action Jazz 2025
Changement de public et de plateau pour le concert suivant et très gentille attention de l’organisation toujours au top pour ceux qui restent avec un délicieux petit en-cas pour patienter.
Deuxième groupe lauréat du Tremplin 2025, le trio du batteur Nico Girardi avec Flavien You a la basse électrique et Vincent Vilnet au piano. Qu’il est heureux ce dernier de jouer sur un beau piano, ce n’est pas si souvent. Ils présentent uniquement des compositions originales écrites par Nico. Et oui. On l’oublie ou certains l’ignorent, les batteurs sont des musiciens ! Rétablissons la vérité. Et croyez-moi, les compositions de Nico sont de qualité. Le trio revendique, et ça s’entend, quelques paternités, du côté de Tigran, Avishai Cohen… mais avec une touche personnelle, des mélodies claires, des titres amusants en rapport avec la propre histoire de Nicolas. C’est un jazz plein de vie à la rythmique tendue et agile avec des ostinatos enivrants. Un pianiste habité, un bassiste qui groove, un batteur remarquable qui se fondent dans un trio plein de cohésion et de partage. Très beau succès auprès d’un public qui découvre que le jazz bordelais est bien vivant.
Il reste encore deux jours de festival et de belles choses nous attendent. On devient de plus en plus gourmand.
» Le jazz aime Soulac » revendique le slogan du festival, nous on aime les deux.

Philippe Catherine