Rix Organic Trio au « Food-Trucks and Jazz » de Saint-Emilion

par François Laroulandie

Ce vendredi 16 mai 2025 avait lieu la première soirée « Food-Trucks and Jazz » au Cloître des Cordeliers de Saint-Emilion, inaugurant une série de rendez-vous hebdomadaires de l’été (programmation en fin d’article) proposés par Manu Milhou, bien connu dans la région des fidèles du jazz-club du Café de L’Orient à Libourne.

Nouvelle formule cette fois, tous les vendredis soirs de l’été jusqu’au 29 août, dans le cadre chargé d’histoire du cloître des Cordeliers édifié au XIV° siècle, avec chaque semaine un trio de musiciens aux répertoires renouvelés, emmenés par Manu aux baguettes et balais. Un programme en deux sets entrecoupés d’un temps pour les rencontres, prendre un verre et se restaurer des petits plats proposés par le food-truck installé dans le jardin terrasse.

Sur la scène installée au centre du cloître, le Rix Organic Trio :

Eric « Rix » Delsaux : guitare et chant

Pierre Fabre : orgue Hammond

Manu Milhou : batterie

Au programme ce soir un hommage aux jazz crooners de l’âge d’or du swing (Nat King Cole, Frank Sinatra…) et à leurs héritiers funk (George Benson, Marvin Gaye…) ; un répertoire qu’interprète avec passion Rix, que j’ai eu le plaisir de suivre depuis le jazz club de L’Orient et sur la scène de Créon en passant par St-Emilion dans les années du Festival. Trois standards pour entrer dans cette grande époque du jazz : ‟All of meˮ, l’un des titres les plus repris, par Louis Armstrong, Billie Holiday et bien d’autres ; ‟Sweet Lorraineˮ écrit en 1928 par Cliff Burwell et Mitchell Parish, popularisé entre autres par Frank Sinatra, et ‟I can’t give you anything but loveˮ, chanson aux multiples reprises composée par Jimmy McHugh en 1928 avec des paroles de Dorothy Fields. Trois titres pour nous transporter au cœur du swing, porté par la voix de crooner de Rix et son jeu de guitare précis, soutenu par le groove implacable de Pierre Fabre à l’orgue Hammond et le tempo assuré de Manu Milhou à la batterie. Nous aurons pu apprécier l’évidente complicité de ces trois acolytes lors d’une belle séquence instrumentale ponctuée de solos à l’énergie communicative, ou lors d’un dialogue improvisé guitare au jeu agile avec un orgue enveloppant, le jeu délicat des cymbales, des accélérations de tempo, le charme d’une voix à la tessiture impressionnante. Ces musiciens donnent le meilleur, malgré la distance qui les séparent des tables sagement installées sous les arcades. C’est que nous sommes dans une configuration dîner-jazz plus que concert.

Entrons dans le vif du sujet avec un bon vieux blues de B.B.King, ‟The Thrill is goneˮ pour un final en cordes solistes et chant tutoyant les cimes pour partir en douceur vers le ‟Roxanneˮ de Sting figurant dans l’album de Police Outlandos d’amour sorti en 1978 ( Rix au chant en apesanteur), en passant par un réjouissant ‟English man in New Yorkˮ ( solo de batterie qui nous ramène en douceur au thème). Séquence Sting encore avec la B.O. de L’arme Fatale 3, ‟It’s probably meˮ. Trois titres pour terminer ce premier set, avec ‟You do something to meˮ de Cole Porter, version chantée par Frank Sinatra ; un titre de la période funk de George Benson ‟This masqueradeˮ ; et pour clore en douceur le célèbre ‟I’ve got you under my skinˮ, encore une composition de Cole Porter de 1936 interprétée par Frank Sinatra en 1940.

Le temps de se restaurer, reprise du deuxième set, et là je sens que ça va déménager ; Rix brûle d’en découdre et nous envoyer du funk dans lequel il excelle. Marvin Gaye ‟What’s going onˮ et Paul Young ‟ Everytime you go awayˮ pour commencer à chauffer les fûts pour attaquer un ‟Fire in the bayouˮ, titre de 1975 de The Meters qui explose et réveille définitivement un public resserré et réceptif. Moment de respiration avec le charmeur “The power of love” du groupe new wave Frankie Goes to Hollywood avant de relancer la machine funk propre à enflammer la soirée avec “On Broadway” de George Benson ; une séquence très funk-disco années 80 aux rythmes syncopés, suivie de ‟Rythm is loveˮ de Keziah Jones qui ouvre sur une spéciale « …dédicace à ceux qui traînent en boite de nuit… », ‟Music and lightsˮ de Imagination, séquence pur disco années quatre-vingts qui rappelle des souvenirs à certains. Le courant passe, le groove implacable du trio produit ses effets euphorisants ; plus personne ne reste immobile, ça bat la mesure, ça swingue, ça danse aussi. Deux titres planétaires pour continuer le voyage : ‟Purple rainˮ de Prince sur lequel Rix nous offre un aperçu de ses capacités vocales extraordinaires, et ‟Give me the night” de George Benson, une version disco des plus communicatives. Cet soir l’enthousiasme est général, le public au diapason réclame un rappel, un titre de Prince en guise d’au revoir, ‟Kissˮ un peu écourté par les contingences du lieu, il est vingt-deux heures trente.

Au final, une belle soirée où chacun.e a pu trouver son bonheur ; une première partie apéro dans le jardin au calme ou dîner dans une ambiance jazz-club très agréable, et le deuxième set pour s’abandonner au plaisir d’un presque concert offert par un trio à l’énergie communicative. Le contrat est bien assuré avec plus de deux heures de jeu ; la voix envoûtante de Rix qui se joue des limites, passant avec autant d’aisance d’un titre de Sinatra aux envolées d’un morceau de Prince ; la belle énergie de ce trio complice entre guitare au jeu convaincant et la redoutable efficacité de Pierre Fabre à l’orgue dans une apparente décontraction, et toujours le bonheur de retrouver Manu Milhou, compagnon de route irremplaçable à la batterie et la bonne humeur. Petit bémol sur une scène très isolée du public qui eût été plongée dans l’obscurité la nuit tombée, si quelques ingénieux auditeurs n’avaient eu l’idée de détourner les spots d’éclairage des arcades du cloître vers les musiciens, nimbée alors d’un halo rose très psychédélique. Un point qui sera vraisemblablement corrigé lors des prochaines sessions. Rendez-vous chaque vendredi soir jusqu’au 30 août pour un bon moment de musique et de détente.