Porgy and Bess Jazz Club à l’Opéra de Bordeaux
Par Philippe Desmond
Auditorium de l’Opéra de Bordeaux, vendredi 5 décembre 2025.
C’est la première fois qu’Action Jazz vous emmène à l’Opéra mais nous ne sommes pas hors sujet car Porgy and Bess, datant de 1935, fait partie de l’histoire du jazz ; un seul thème de George Gershwin suffirait à justifier cela, le légendaire « Summertime » devenu le standard de tous les standards. Et n’oublions pas les albums de Miles Davis avec Gil Evans, d’Ella Fitzgerald et Louis Armstrong, de Joe Henderson, de Keith Jarrett, d’Oscar Peterson, du Modern Jazz Quartet… Citons aussi les récentes adaptations de Paolo Fresu et Méderic Collignon. Une source d’inspiration pour les jazzmen, toujours prêts à interpréter à leur manière les œuvres établies.
Porgy and Bess est présenté ici dans sa version Jazz Club d’ailleurs, conçue spécifiquement pour l’Auditorium et pour le Chœur de l’Opéra National de Bordeaux par Emmanuelle Bastet. Plus de bidonville de Charleston en 1920, la ville de Caroline du Sud mais un club de jazz en 1950 où on chante, on rit, on swingue et on se désole aussi sur le sort de Bess, la belle entraîneuse que le bon Porgy tente de sauver des griffes d’un souteneur et d’un dealer. C’est une version raccourcie de l’oeuvre, ou plutôt resserrée qui nous est proposée. N’ayant jamais vu la version intégrale je ne peux pas me lancer dans une comparaison, des amis présents, qui eux l’avaient vue, ont trouvé cette adaptation excellente, du nectar en quelque sorte.
Le décor est très gai, un cabaret avec un bar et ses barmen – chose amusante, avant le début de la représentation, alors que le public se plaçait, le bar sur scène était déjà « ouvert », pas au public mais à certains acteurs – des tables et chaises disposées en rotonde, des banquettes, le piano trônant sur une estrade au milieu de l’espace scénique.
Musicalement il faut de suite saluer la prouesse de Martin Tembremande pianiste du chœur de l’Opéra de Bordeaux qui, à lui seul pratiquement, a assuré la « bande son » de la représentation. Dans quelques passages il a été secondé aux percussions (seau à glace, shaker, comptoir…) par un des barmen en uniforme de service, Alexis Duffaure, le dynamique directeur assistant du chœur de l’Opéra.
Le chœur quant-à lui n’était pas statique mais participait à la mise en scène, donnant vie aux clients du club, dansant, causant et bien sûr chantant ; toutes et tous un oeil discret vers Salvatore Caputo à la direction. Tout le monde est costumé années 50 voire début 60, des tenues de villes chatoyantes et élégantes pour les choristes, costumes pour les premiers rôles masculins, Porgy, le mendiant estropié, en ayant les attributs vestimentaires.
Un unique piano, quelques percussions, un chœur, tout cela m’interrogeait à priori sur l’effet rendu ; magnifique, « simple » et efficace.
« Summertime » est arrivé très vite, chanté par Maria, loin des versions d’Ella ou de tant de chanteuses – et chanteurs – de jazz et il m’a fallu quelques secondes pour m’adapter à la transition de chanteuse / cantatrice. C’était pourtant bien la façon originelle de chanter ce titre légendaire.
Autre titre universel, objet de tant de reprises, « It Ain’t Necessarily So » où dans l’Opéra le personnage du dealer, Sporting Life, se moque de la Bible : ce n’est pas nécessairement comme ça que ça c’est vraiment passé. Du genre gospel aussi avec notamment « Living for the Promise Land »qui démontre la puissance du chœur. Du Ragtime de temps en temps, mais surtout du Gershwin tout au long, un de ceux qui ont dressé un pont entre la musique classique et le jazz !
Je ne me livrerai pas à des commentaires sur les solistes étant béotien en la matière, le simple spectateur a tout bonnement apprécié, n’est-ce-pas le principal ! Venu pour rendre compte aux lecteurs d’Action Jazz de ce spectacle , j’en suis reparti ouvert à approfondir cette discipline qu’est l’Opéra… quand le jazz m’en laissera le temps !
Distribution :
Salvatore Caputo, direction / Emmanuelle Bastet et Tim Norham, adaptation scénique.
Joé Bertili (baryton basse), Porgy / Cyrielle Ndjiki Nya (soprano) Bess / Axelle Fanyo (soprano), Serena et Clara / Jean-Laurent Coëzy (baryton basse), Crown / Aviva Mannenti (soprano) , Maria / Clément Godart (baryton), Jake / Mitesh Khatri, Sporting life, Mingo.
Tim Norham, costumes / François Thouret, Simon Gautier, lumières
Choeur de l’Opéra de Bordeaux
Martin Tembremande, piano / Alexis Duffaure, percussions
Programmation jazz de l’Opéra de Bordeaux : Prog Jazz Opéra






