Paris Gadjo Club avec Jazz for Ever

Par Philippe Desmond

Hôtel Mercure Mérignac, vendredi 21 novembre 2025.

Aurélie Tropez : clarinette / Hélène Argo : chant / Christophe Davot : guitare solo, mandoline, chant / Jean-Yves Dubanton : guitare rythmique et solo, voix / Eric Fournier : guitare rythmique et solo/ Laurent Vanhée : contrebasse.
https://www.parisgadjoclub.com/

Formation à géométrie variable, le Paris Gadjo Club se présente ce soir en quintet dans le cadre des concerts réguliers de l’association bordelaise Jazz for Ever drivée par le passionné Jean-Marc Tailleur. N’hésitez pas à la soutenir – elle est d’intérêt général – ou d’aller assister à ses concerts, il en va de la survie de ce type d’organisation entièrement gérée par des bénévoles qu’on ne peut que féliciter. Site Web

L’orchestre propose une relecture de titres brésiliens en jazz manouche. Pas de cuivre, de piano, de batterie seulement des cordes, beaucoup de cordes, trois guitares, une contrebasse, des cordes vocales aussi, et un bois, la clarinette, instrument lui aussi fétiche des Voyageurs venus de l’Est. Les musiciens réunis ont des horizons différents et des références plus que solides : https://www.parisgadjoclub.com/club

Il y a quelques années Christophe Davot a eu l’idée de passer la musique brésilienne à la moulinette manouche, c’est lui qui nous l’annonce ainsi . C’est ainsi que le Paris Gadjo Club est né. Ils en sont à leur troisième album. Rappelons que le mot Gadjo désigne pour les Gitans les personnes qui n’appartiennent pas à leur communauté. Cela ne les empêche pas de jouer à leur manière et souvent de se mêler les uns aux autres.

Le jazz manouche, plus précisément swing manouche, a lui été « inventé » par Django Reinhardt et Stéphane Grappelli dans les années 30 et il reste toujours un genre très prisé. La musique brésilienne a elle aussi une belle histoire, du Choro, style instrumental né en même temps que le ragtime à la Bossa Nova des années 60, en passant par la traditionnelle Samba, elle s’est propagée dans le monde entier influençant particulièrement le jazz. Par contre le cocktail du jour reste assez inédit. Comment allier les rythmes complexes de Samba, les mélodies délicates de Bossa avec la verve manouche portée par la pompe des guitares rythmiques ? C’est que nous sommes venus découvrir ce soir.

La musique brésilienne se caractérise aussi par ses belles mélodies. Pour commencer voilà « Asanhado », un Choro composé par Jacob de Bandolim (Jacob la Mandoline) puis « Benzinho ». Ne connaissant pas les titres, la métamorphose en manouche ne saute pas aux oreilles si ce n’est le jeu obligatoire des deux « pompistes », cet accompagnement harmonique et rythmique marqué par ici deux guitaristes, la contrebasse pouvant ainsi sortir de son rôle purement rythmique. Joao Gilberto avait repris un vieil air américain « I’m looking over a four leaf clover » devenu avec lui « Trevo de quatro folhas » (trèfle à 4 feuilles) , en voilà la version gitanisée chantée par le crooner Christophe Davot. Il ne fait donc pas que jouer très bien de la guitare, dialoguant en permanence avec la clarinette d’Aurélie Tropez dans un autre registre que son swing américain habituel, il chante aussi. Mais il n’est pas le seul, voilà que s’avance Hélène Argo pour interpréter un troublant boléro (référence à Django) « Migalhas de amor », toujours de Jacob de Bandolim. The cherry on the cake nous glisse malicieusement Christophe Davot en parlant de cette chanteuse alto à la voix suave, parfaitement adaptée à cette musique. Hélène Argo, qui a rejoint le groupe plus récemment, n’est pourtant pas brésilienne mais normando-martiniquaise !

Mais le Brésil évoqué sans Antonio Carlos Jobim est une chose impossible. Celui dont l’aéroport de Rio porte le nom (Imaginez les sambas composées par Charles de Gaulle plaisante Christophe !) a laissé tant de mélodies de Samba et de Bossa Nova. Voilà « Triste » et sa mélodie nonchalante habituelle, métamorphosée ici mais avec élégance. Et c’est avec ce titre et les autres de Tom Jobim qui vont suivre (« Falando de amor », « Samba de uma nota ») qu’on comprend mieux la démarche de Christophe Davot. On redécouvre sous un autre jour ces musiques universelles et on mesure son culot d’avoir osé y toucher. Partisans du manouche, amoureux des musiques brésiliennes, les camps se mélangent… ou pas. Personnellement je trouve que ça marche bien, il suffit d’oublier les versions originales.

Voilà « Tico, tico » et bien sûr l’hymne « Brazil » (« Aquarela do Brasil » plus précisément) que jouait Django (tiens tiens déjà), les deux voix de Christophe et Hélène se mêlant avec grâce.

En rappel, comme une conclusion « Fin de Soño », (fin de rêve) avec une très beau passage où Christophe Davot siffle à l’unisson de son jeu de guitare.

Où étions-nous ce soir, sur une plage de Rio, autour d’un feu de camp, on ne sait plus, les deux à la fois peut-être.

Prochaine date en janvier (à préciser) avec le pianiste chanteur Pablo Campos

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