Par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat.
Guitare et Création 49, rue Saint-James, Bordeaux, le 23 juin 2020.
Le problème du transport des instruments en tournée ou en voyage est, selon leur nature, bien différent. Un trompettiste, un saxophoniste, encore mieux un harmoniciste n’ont guère de difficultés. Ca se complique avec les batteurs qui eux ont trouvé la solution, il ne prennent que leurs cymbales et leurs baguettes, le set de batterie les attendant sur place… en principe. Pareil pour les pianistes. Les contrebassistes font parfois la même chose mais ils sont tellement en osmose avec leur propre instrument qu’ils préfèrent souvent se le trimbaler avec toute les complications que cela implique en train ou pire en avion. Le contrebassiste de jazz Jay Leonhart en a même fait une chanson très amusante : https://youtu.be/QMDRQLapAf0
Les guitaristes non plus ne sont pas à l’abri, leur instrument n’ayant pas le gabarit d’un bagage à main. Alors, suite à plusieurs demandes, le luthier bordelais Hervé Bérardet, de l’atelier Guitare et Création (voir liens), a conçu une guitare électrique 1/4 de caisse, démontable et modulable qui se range dans un sac aux cotes des compagnies aériennes. Le résultat est particulièrement réussi. Quand on voit cette guitare pour la première fois en ignorant ses propriétés, on ne se doute pas qu’elle puisse être démembrée. Des guitaristes s’y sont fait prendre. Démembrée comme la dépouille du roi égyptien Osiris auquel les sœurs, en ré-assemblant les morceaux éparpillés dans le Nil, ont redonné la vie sous forme d’un dieu. D’où le nom de cette guitare.
Un corps central creux en érable ou en noyer avec les micros, bobinés localement, le chevalet, un manche démontable en érable canadien avec des mécaniques Hipshot, des parties latérales mobiles, en érable des Vosges ou en poirier, interchangeables. Ainsi on peut mêler les sonorités, plus blues avec le noyer ou le merisier, les couleurs, ayant fait penser à un guitariste aux parfums de vanille (érable), chocolat (noyer), caramel (poirier).
Ainsi une première qualité de ces instruments c’est leur beauté, leur élégance. Un filet sur les flancs et ces deux filets sur le tableau légèrement bombé, matérialisant élégamment les jointures des trois parties. Découpe florentine ou vénitienne au choix, ouïes traditionnelles ou en vol de faucon, finition sur mesure, les combinaisons sont multiples. On peut acheter des éléments latéraux supplémentaires pour varier les sonorités.
Vu la qualité de l’assemblage et des micros, le son est impeccable ce qui en fait sa deuxième qualité. Le toucher est aussi très agréable de douceur, grâce à l’utilisation d’huile dure écologique à la place du vernis au palper plastique. Naturel, c’est le maître mot de cet instrument, pas de bois exotiques, quasiment que des essences européennes, pas de vernis chimiques.
Mais c’est une fois démontée – ça prend une minute – que cette guitare dévoile sa principale caractéristique et sa troisième qualité, le faible encombrement de son sac à dos de rangement. Un guitariste qui passe ou voyage incognito ça pourra intéresser certains, d’autres regrettant d’y perdre leur aura auprès des midinettes… ou des midinets .
Il faut plus d’un mois de travail par guitare pour arriver à cette perfection. C’est aussi le fruit d’un travail de près d’un an qui n’a pas débouché sur un brevet, trop cher, mais sur une enveloppe Soleau déposée à l’INPI, qui garantit l’antériorité de l’invention et permettrait la poursuite de la production si jamais un brevet dans le même esprit était déposé par quelqu’un d’autre ou une firme. Il existe d’ailleurs déjà des guitares de voyage, démontable ou de taille réduite mais pas avec ce principe ni de cette qualité-là.
La guitare Osiris est un très bel objet, bien loin des productions industrielles d’Asie ou d’ailleurs, ce qui évidemment a un prix. Modèle de « base » , terme n’ayant pas trop de sens ici tant la qualité est parfaite, 4000 euros. Et déjà des guitaristes intéressés. Quand on aime…
Site web : http://www.guitare-et-creation.fr/
Article sur Guitare et Création dans la Gazette Bleue : https://blog.lagazettebleuedactionjazz.fr/gazette-bleue-n31-novembre-2018/ (page 20)