ONBA Dixieland Jazz Band de l’Opéra de Bordeaux
par Philippe Desmond
Espace Treulon, Bruges (33) le 9 octobre 2025.
Stéphane Kwiatek : clarinette basse / Laurent Mallet : cornet / Antoine Roccetti : trombone / Fred Dupin : sousaphone / Stéphane Borde : banjo / Bertrand Tessier : saxophone ténor / Sylvain Borredon ; batterie, washboard.
L’Orchestre National de Bordeaux Aquitaine dirigé actuellement par Joseph Swensen est une formation réputée en France et dans le monde entier (tournée récente en Chine notamment) il propose bien sûr un répertoire classique mais aussi contemporain. Tout comme l’Opéra de Bordeaux qui se diversifie dans de nombreux domaines, l’orchestre propose des variantes avec des groupes plus réduits dans différentes esthétiques musicales. Citons le Quatuor Prométhée, l’Ensemble Roussel, le Bordeaux Brass Sextet, l’Ensemble à vents de l’ONBA et donc pour ce qui nous intéresse aujourd’hui l’ONBA Dixieland Jazz Band.
L’orchestre, ce soir en septet, est composé de musiciens de l’ONBA mais aussi de musiciens de jazz, Fred Dupin, Stéphane Borde et Bertrand Tessier. De plus en plus, ces deux mondes longtemps éloignés, le classique et le jazz, se rejoignent à l’initiative de musiciens ouverts à des excursions hors de leurs chapelles, et c’est tant mieux.
La formation existe depuis deux ans et se produit à l’Auditorium et « hors les murs » de l’Opéra comme ici ce soir dans l’Espace Treulon de Bruges. Salle très bien garnie ce soir avec un public intergénérationnel pour venir écouter ce jazz que j’ose qualifier de canal historique, voire préhistorique. On estime en effet l’arrivée du jazz au milieu des années 1910, précédé par le blues, le spiritual, le ragtime, le cake walk, la biguine et autres musiques traditionnelles qui une fois mêlées en feront l’assise. C’est l’époque, en pleine ségrégation, des formations de musiciens blancs et du Dixieland, proche du style New Orleans, basé sur l’improvisation à trois voix, trompette, clarinette, trombone.
Ce soir c’est donc dans ce style que le concert va se dérouler avec un répertoire de blues, de charleston, de ragtime, un rythme de biguine… On entend des titres du tout début du XXè siècle, des morceaux célèbres, « Tiger Rag », « Muskrat Ramble », « High Society », « Alabama Jubilee », « Mapple Leaf Rag » de Scott Joplin, « Volverine Blues », « St James Infirmary »… Les arrangements sont superbes, mettant en valeur chacun et l’ensemble. On apprecié les chorus, le glissando du trombone, les jaillissements « hénissants » des vents, le sousa qui marque le tempo mais se met aussi en avant en soliste, la batterie qui sonne vintage en accord avec sa (très) grosse caisse d’époque, le washboard si caractéristique, le banjo seul instrument harmonique qui fait entendre sa voix pleine de fantaisie, nous voilà revenus cent ans en arrière avec des fourmis dans les jambes tant le rythme nous pénètre. Le clarinettiste Stéphane Kwiatek, libéré du carcan du grand orchestre, nous présente avec bonhomie chaque titre, brisant ainsi l’impression presque solennelle imprimée par le bel ordonnancement des musiciens sur la scène.
C’est un véritable voyage dans le temps et dans l’histoire du jazz. Comment penser que les pionniers d’alors allaient ouvrir la voie à autant de courants, comme l’illustre le fameux arbre du jazz donnant toutes ses branches à partir des racines que nous entendons ce soir ?