Ninoska y Los Del Trenta y Tres

Calor !

par Philippe Desmond.

Le Thélonious Café Jazz club, samedi 24 février 2024.

En 1975, grâce à l’émission en fin d’après-midi de France-Inter « Bananas » animée par le passionné Patrice Blanc-Francard, les français (re)découvraient un courant musical qui existait déjà depuis les années 50 mais qui était plutôt cantonné aux communautés antillaises, caribéennes pour faire simple : la salsa ; et dans son sillage d’autres musiques latinos (ou latinas ?). Cette sauce musicale, salsa, à la fois genre et danse de couple, puise ses racines à Cuba dans les années 50 avec le Casino. Une section rythmique, piano, basse, percussions, (claves, congas, timbales, güiros…) , des cuivres (los metales), de la flûte, des chanteurs et chanteuses. Mais curieusement c’est à New York au début des années 70 que le courant salsa va exploser avec des musiciens venus de Puerto Rico, Cuba et des connexions avec les musiciens de jazz locaux. Patrice Blanc-Francard avait vite senti le coup et diffusé en France cette musique. Je me souviens entendre pour la première fois les noms et surtout les musiques d’Eddy Palmieri, Johnny Pacheco, Tito Puente, Willy Colon…

Depuis la salsa a pignon sur rue, on trouve de nombreuses écoles pour apprendre à la danser et son terme est devenu générique, on le met, si je puis dire, à toutes les sauces.

Et donc ce soir dans un Thelonious bondé (ça devient une habitude) nous est proposé le premier concert du groupe Ninoska y Los Del Trenta y Tres (Insta @salsa.losdel33 ). Malgré son prénom plutôt russe, Ninoska est d’origine chilienne et, tout comme ses comparses du groupe, vit depuis longtemps, toujours pour certains, en Gironde (trente-trois). Le groupe est influencé par les grands maîtres cités plus haut mais aussi par les plus récents, le panaméen Rubén Blades et l’argentin Charly Garcia dont ils reprennent des titres. Tout le reste du répertoire a été composé par l’argentin bordelais Gaston Pose, cofondateur de la formation et qui tient ce soir un poste fondamental pour ce style musical, la basse !

Ils sont neuf sur la petite scène : Ninoska Espinola au chant et à la guitare ainsi que Marcos Alvarez (chant et choeurs), Margaux Vannicatte (choeurs), Gaston Pose (compositions et basse électrique), Tonio Muñoz (clavier et choeurs), Jean-Marc Pierna (percussions), Frédérick Jarry (batterie), los metales Cyril Dubilé et Maxime Pache (trombones) ; le minimum pour ce genre de formation destinée à insuffler de l’énergie et de la fièvre tropicale.

Salsa, biguine de Martinique, une pointe de zouc, mambo, son, bachata, cumbia, rumba, pas un moment de creux, Ninoska embarque tout le monde de son chant puissant, tonique et enjoué, mis en relief par les contre chants de ses choristes. Gaston et les deux percussionnistes marquent le tempo et le colorent, la cloche sonne chaque temps, indispensable ce son répétitif pour faire monter la fièvre. Le métal des trombones est souvent porté au rouge, Maxime et Cyril sont à la forge, pas de répis. Le piano délivre cette rythmique caractéristique des caraïbes. Le boléro « Niña triste » vient un peu faire baisser la température, mais ça repart et enfin le public va se lever et danser. Même la reprise surprise de « A quoi ça sert l’amour » d’Edith Piaf (qu’elle chantait en duo avec son mari Théo Sarapo) va finir par être relevée à la sauce salsa, donnant l’occasion d’un beau passage de questions-réponses entre Ninoska et le clavier de Tonio.

Pourquoi en France vous attendez le dernier morceau pour danser ? demande Gaston. Finalement ça fera deux ou trois avec le rappel enchaîné.

Gaston a concocté un répertoire tout à fait à la hauteur de ses glorieux aînés, il y a mis sa patte, sa pâte aussi, mélodique et avec Ninoska ils ont eu l’ambition de monter cette formation importante, un joli pari. Il y a encore du travail me dira-t-il à la fin du concert mais alors qu’est ce que va être ? Une explosion ! Car la formation tourne déjà bien rond, il suffit de voir l’enthousiasme du public. Mais on le sait, les musiciens, les vrais, ne sont jamais entièrement satisfaits. On aura tout loisir de vérifier les progrès attendus les 9 mars, 6 avril et 4 mai dans ce même lieu.

Un album va bientôt être enregistré, on parle même d’un mastering à New York, berceau de la salsa moderne ! On vous tiendra au courant.