Eric Le Lann

« Scorpion ascendant Belon »

– Récit autobiographique –

Par Philippe Desmond

Eric Le Lann le trompettiste bien connu, peut-être un peu trop rare, vient d’écrire ce récit de vie, la sienne.

A travers son parcours de musicien et d’homme, c’est l’envers du décor du monde du jazz qu’il décrit qui est ici intéressant. Les galères du début, les jams non payées, les rencontres avec les autres musiciens, souvent intéressantes, parfois décevantes, les doutes permanents, les joies, les récompenses sans valeur, les amitiés, que de choses contrastées qu’il nous livre sans détour, faisant parfois descendre de leur piédestal certaines figures. Le belon breton peut ainsi se faire scorpion.

Il nous parle de ses admirations aussi, pour ses collègues trompettistes, Clifford Brown, Miles mais de loin et surtout Chet Baker dont il a été proche, pour Martial Solal qui tout jeune lui a fait confiance, pour René Urtreger avec qui je l’avais vu en 2016 au festival de Capbreton*.

On croise aussi Mike Stern, Herbie Hancock, Wayne Shorter, Nougaro en goguette, Eddie Gomez, Stéphane Grappelli, Dexter Gordon, d’autres musiciens tout aussi talentueux mais moins célèbres …

Il évoque bien sûr son enfance, ses dures années de pension, son accident à 17 ans qui finalement lui sera une rampe de lancement vers une certaine liberté. Quand il évoque, sans le ménager, le milieu de la musique, le succès qui remplace le talent «Le jazz sans risque c’est du bal musette», l’arnaque des plateformes de streaming, on sent une certain désenchantement et surtout un vrai recul sur sa propre vie.

Le livre fourmille d’anecdotes, comme cette confidence d’Al Foster, batteur de Miles pendant treize ans en n’aimant pas sa musique de l’époque, la rencontre avec Trintrin dont je ne vous révèlerai pas le nom, avec Archie Shepp, lui qui déteste le free jazz « c’est chacun dans son coin : pour moi ça ne peut pas marcher ».

Un bouquin passionnant que j’ai dévoré en deux heures sans le lâcher une minute

* Ce soir là, six prix Django Reinhardt avaient été réunis sur scène, un concert magnifique qui auparavant dans l’après-midi avait été précédé, en sa présence, de la présentation de la biographie, elle aussi sans complaisance, de René Urtreger « Le Roi René » par Agnès Desarthe : René Urtreger (piano, prix 1960), Henri Texier (contrebasse, 1977), Eric Le Lann (trompette, 1983), Louis Moutin (batterie 2005), Pierrick Pedron (sax alto, 2006) et Géraldine Laurent (sax alto, 2008)
https://www.ericlelann.com/