Le blues torride de Denny Ilett à l’Apollo
par Philippe Desmond
L’Apollo, Bordeaux le mercredi 12 novembre 2025
Nous revoilà à l’Apollo pour la carte blanche quasi mensuelle à Roger Biwandu, 30 ans que ça dure ! Ce soir Roger a invité un de ses amis l’anglais Denny Ilett, guitariste, chanteur, professeur, organisateur de festival, arrangeur, chef d’orchestre, en résumé un musicien important. Des collaborations nombreuses étoffent ce CV déjà bien garni. Denny était venu à Bordeaux il y a une dizaine d’années à l’invitation déjà de Roger Biwandu, c’est là que nous l’avions découvert.
Denny Ilett a donc plusieurs casquettes, il chante Sinatra, dirige et joue dans l’Electric Lady Big Band sur le répertoire de Jimi Hendrix mais ce soir c’est en trio qu’on va l’entendre et apprécier son jeu incroyable. Roger bien sûr est à la batterie et ce soir comme souvent il a fait léger : caisse claire, grosse caise, charley, une seule cymbale et basta ; quand on voit ce qu’il en fait ! Hervé Saint-Guirons complète le trio à l’orgue type Hammond avec sa cabine Leslie. Ça sent déjà le blues, même avant de commencer.
Et ça commence fort avec un blues baptisé « Apollo Blues » qui monte vite en régime et où les chorus de guitare, d’orgue et de batterie enflamment déjà ce premier round. Denny a dans les doigts le jeu de nombreux de ses collègues qu’il arrange à sa manière bien sûr, je ne lui ferai pas l’affront de les citer, c’est bien lui qui joue. Il va nous citer quelques uns de ses mentors, Kenny Burrell dont il joue un titre, T Bone Walker dont il va nous offrir une version sublime de « Stormy Monday » . Énergie dans la lenteur, montées enfiévrées, le tout avec un toucher d’une grande clarté, musicalité inspirée dominant la technicité, jamais dans la démonstration, voilà quelques caractéristiques de son jeu ; on est dans du très très haut niveau.
Il n’est pas seul pour cela, ce soir Hervé Saint-Guirons est chaud comme la braise il tire de son orgue des sons saturés, des orages harmoniques et enchaîne les impros avec réelle gourmandise ses pieds bien actif à moduler le son et à faire gronder les basses. Quel plaisir de le voir ainsi en liberté dans ce concert qui n’a pas fait l’objet d’une répétition nous dira-t-il ; du brut, du pur, du vrai.
Le boss on l’a vu est venu léger mais surtout pas en touriste. Pas de débauche de toms (aucun) pas de pads électros (pas son genre) le minimum de quincaillerie mais le maximum de talent, de créativité, des breaks, des éclats, un drumming métronomique non exempt de surprises et des solos impressionnants avec un tel matériel.
Le répertoire fait appel à certains standards. Justement voilà un thème que je connais mais que je n’arrive pas à identifier, tempo très très lent, bon sang c’est quoi ce blues ? « Cherokee » me souffle mon ami Ivan guitariste d’Action Jazz, bien sûr ! Ils en ont fait une version tellement différente.. C’est maintenant le « So danço Samba » de Jobim qui passe à la moulinette, je vous mets au défi de danser la samba sur un tel tempo ! Denny nous annonce « Love for Sale » qu’on considère à tort comme une aimable bluette mais qui fut interdite sur les ondes américaines pour son propos non conforme à l’ordre moral, la prostitution. Le trio y ajoute une incroyable fièvre, confirmant que les standards on peut en faire ce qu’on veut à partir de leur écriture initiale qui tient toujours le coup.
Un blues shuffle qui aurait mérité qu’on le danse et les premières notes du titre que j’attendais de la part de Denny Ilett. Il a en effet un projet sur Jimi Hendrix comme je l’ai déjà dit et ce morceau en est un des sommets, c’est « Red House » . J’ai usé les sillons de l’album de Jimi « In the West » sur lequel figure une version live stratosphérique de 13 minutes. Ça ne va pas durer aussi longtemps mais le plaisir va être très grand, ces variations d’intensité, ces éclats, ces apaisements, la voix de Denny parfaitement raccord avec l’atmosphère de ce titre. Apollo totalement subjugué, assistance conscient de sa chance d’être là. Les absents une fois de plus ont eu tort.
Merci l’Apollo, merci Roger pour ces rendez-vous indispensables. Le prochain? C’est la tradition ici, le spécial Michael Jackson mercredi 17 décembre à 19h30.
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