El Comité

« Carrousel »

5 étoiles

Label Caramba Records sortie le 24 Mai 2024

Chronique de Martine Omiécinski le 23 Mai 2024

Carlos Sarduy : Trompette

Irving Acao : Saxophone ténor et soprano

Rolando Luna : Piano, claviers

Harold Lopez-Nussa : Piano, claviers (2,3,4,5,6,8)

Gaston Joya : Contrebasse, basse électrique

Yaroldy Abreu : Percussions

Rodney Barreto : Batterie

Invités :

Ibrahim Maalouf : Trompette (2)

Pedrito Martinez : Chant (3)

El Comité est ce groupe « all stars » du jazz afro-cubain, des musiciens cubains vivant en partie en France et proposant une musique colorée et plurielle basée sur les fondamentaux de leur île, la musique classique et le jazz étudiés avec les anciens le tout profondément ancré dans la modernité après s’être frotté au rock, au funk, à la pop voire même au hip hop.

Présentons cet ensemble de stars :

Rolando Luna un des pianistes du mythique Buena Vista Social Club dont nos chroniques ont déjà parlé plusieurs fois lors de concerts à l’auditorium de Bordeaux ou à Jazz In Marciac. Sa palette musicale est très étendue, il joue toujours avec un mélange subtil de poésie et de fougue.

Harold Lopez-Nussa est un autre brillant pianiste issu d’une famille de musiciens, également de formation classique, il a accompagné Omara Portuondo dans ses tournées et fait quelques incursions dans le Hip-hop

Carlos Sarduy est un trompettiste à la sonorité et à l’énergie remarquables ayant reçu un Grammy Award lors de sa collaboration avec Chucho Valdès et le groupe Irakéré, on l’a aussi écouté avec Steve Colman et Richard Bona.

Irving Acao : Ce saxophoniste influencé par John Coltrane et Charlie Parker est un champion de l’improvisation, il a partagé la scène avec Roy Hargrove, Michel Camilo ou encore Mac Coy Tyner. Plus récemment Action Jazz en a fait écho à propos de sa prestation au Rocher de Palmer avec la jeune violoncelliste cubaine Ana Carla Maza. Professeur de musique à Cuba, il est venu en France à cause des périodes difficiles post covid et embargo à Cuba comme la plupart de ses compatriotes, il a déclaré « J’ai appris l’Afrique : nos racines, en France ».

Yaroldy Abreu Robles : Un percussionniste émérite ayant joué entre autres avec les formations de Latin Jazz : Maracas y Otra Vision, Irakéré, Afro-Cuban Messengers ainsi qu’avec Wynton Marsalis. Il a partagé la scène de l’auditorium de Bordeaux pour une performance sonore spectaculaire avec Rolando Luna.

Gaston Joya : Contrebassiste et bassiste dont le père était aussi contrebassiste a rejoint Chucho Valdès au sein du groupe Afro-Cuban Messengers, a joué avec Joe Lovano, le Buena Vista Social Club, Eliades Ochoa, Omara Portuondo et même Sting.

Rodney Barreto : Batteur talentueux également issu d’une prestigieuse famille de musiciens a aussi performé avec Chucho Valdès, une des figures tutélaires du jazz afro-cubain, a navigué du jazz au rock en passant par le hip hop et bien sur la salsa.

« Carrousel » est le deuxième album du groupe El Comité, le premier paru en 2018, davantage jazz, s’intitulait « Y que ! », clin d’oeil au So What de Miles Davis. « Carrousel »

offre une palette plus étendue avec notamment des reprises très arrangées de pop music, du jazz-rock et du « classique coloré » pourrait-on dire ! Toutes les expériences étant saisissables par ces brillants trublions. Ibrahim Maalouf fait une apparition sur le morceau « Carrousel », un échange amical puisque plusieurs des musiciens de El Comité ont participé aux concerts de Maalouf dont les 2 pianistes.

Seules 2 reprises bien « chahutées » figurent sur l’album, le reste étant des compositions des musiciens du groupe.

Mes morceaux préférés :

« Alusion » : Riche ouverture de l’album avec une entame free jazz suivie d’un chachacha, ces mouvements revenant en alternance, Rolando Luna d’abord agile et spontané sur son piano scande ensuite les notes de chacha, les soufflants ponctuent , la contrebasse de Gaston nous agrippe avec ses sons profonds, batterie et percussions rivalisent de rythme, Carlos Sarduy envoie ses vrilles « trompétueuses » qu’Irving Acao reprend au saxo. Nous sommes tout de suite dans le ton avec une belle énergie collective.

« Carrousel » titre éponyme de l’album nous entraîne sur une mélodie aux échos classique qui tourne comme un manège avec beaucoup de mouvements quasiment visuels, cinématographiques, Harold Lopez-Nussa alterne joyeusement piano et claviers, Ibrahim Maalouf vient y apporter sa patte avec des notes orientalisantes et parfois cubanisantes du plus bel effet, la rythmique amenée par Gaston Joya, Rodney Barreto et Yaroldy Abreu est foudroyante. Quel mélange osé et exaltant !

« Wanna Feelin » : Le morceau démarre sur un tempo jazz-rock, Gaston a troqué la contrebasse pour la basse, suit la trompette fulgurante de Carlos et le saxophone vibrionnant d’Irving puis on change de tempo pour passer à la rumba avec en invité le chanteur Pedrito Martinez (de l’ensemble Yerba Buena) qui chante en espagnol avec le groupe leur joie de jouer ensemble en improvisant une guaracha (genre musical du 18 ème siècle à Cuba avec choeur et paroles improvisées), le piano de Harold et la rythmique groovant à vous faire danser illico !

« Danse to hope » : Douce mélodie à l’entame portée par le piano suave d’Harold, la contrebasse toute en rondeur de Gaston s’en mêle, relayée par la trompette lyrique aux belles enluminures, le tout très poétique et en contraste terriblement groovy grâce aux percussions de Yaroldy et à la batterie sensible mais très présente de Rodney.

«Wonderwall » : Après une intro classique, le morceau bascule dans une tonalité rythmée et jazzy, on reconnait la mélodie du groupe Oasis, « Wonderwall qui date de 1995 : il s’agit d’une reprise à la sauce « El Comité », mélange audacieux de tempo afro-cubain, de jazz et de pop-rock

« Tina Jones » : Les soufflants, le piano de Rolando et la contrebasse nous embarquent dans une ambiance swingante ou là aussi se mêlent différents courants musicaux, les cuivres rivalisent de brio dont un beau solo d’Irving Acao au saxo, suivi d’un autre solo à la contrebasse non moins intéressant, tout cela sur une batterie itérative implacable.

« La Fama » : Reprise du duo « caliente » de l’artiste espagnole Rosalia et du canadien The Weeknd, le groupe joue avec des changements de tempo d’abord délicatement jazzy puis le refrain vient bousculer pour une bachata latina plus endiablée, le tout alternativement ! le piano groove, le saxo emporte la mélodie !

« Toca el Cielo » : Pour le feeling de la contrebasse cordes graves très tendues, l’agilité de Rodney, le jeu subtil de Rolando aux claviers dévalant les accords, les spirales du soprano d’Irving qui touchent le ciel.

« Jazz Plaza » : Démarrage en latin-jazz funky, la trompette de Carlos se lance dans de vives improvisations sur le piano fébrile, sautillant, jazzy et groovy à la fois, la rythmique et les percussions (mention spéciale pour Yaroldy) s’emballent et nous entrainent dans la folie de la « descarga » collective finale. Super !

Bref un album à écouter absolument pour la diversité des propositions et le mélange unique que nous proposent ces brillants musiciens. Leur énergie et le soleil de leur musique permet d’oublier ce printemps pluvieux !

El Comité sera à Jazz In Marciac le dimanche 28 juillet en première partie de Chucho Valdès !