Black Bass Quartet – Tremplin Action Jazz 2020. Avec Nicolas Girardi à la batterie, en remplacement d’Émile Rameau.

Nous vivons tous une période particulièrement difficile qui bouscule notre mode de vie d’une façon totalement imprévue. Les musiciens, comme tant d’autres métiers, sont particulièrement touchés économiquement. Comme ils ne peuvent plus exercer leur art autrement que par quelques interventions sur les réseaux sociaux, nous avons pensé qu’il serait intéressant de continuer à tisser du lien avec eux par ce petit questionnaire.

Nous sommes avec : Lucas Massalaz

Lucas Massalaz – Black Bass Quartet

Présentes-toi rapidement. De quoi, avec qui, quelle musique joues-tu ?

Je suis guitariste et je joue dans diverses formations mais principalement dans Black Bass Quartet depuis près d’un an.

Formation qui a d’ailleurs eu la chance de participer au Tremplin Action Jazz 2020 et de recevoir le grand prix du jury Action Jazz et FIP à égalité avec le groupe “A Polylogue from Sila”. Merci encore à vous tous.

Pierre Thiot – Black Bass Quartet

Théo Castillo – Black Bass Quartet

Émile Rameau – Black Bass Quartet

Comment occupes-tu tes journées en ce moment ?

Cela ne change pas grand chose personnellement par rapport à une une journée type. En revanche, cela me laisse le temps de m’investir pleinement dans plusieurs travaux qui me tiennent à cœur et que je n’ai pas le temps d’accomplir en temps normal.

Je passe mon DEM cette année au CRR de Bordeaux et en tant que grand insomniaque, j’ai du mal à concilier l’en dehors du conservatoire et ce que l’on me demande au sein de cet établissement. On pourrait croire que l’insomnie laisse plus de temps pour s’investir dans chacun de ces domaines, mais non ça ne marche pas comme ça malheureusement…

En revanche cela me permet de pouvoir travailler à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. Après tout, il faut bien y trouver son compte..

En profites tu-pour composer, travailler ton instrument, ta voix ?

Bien sûr ! Et c’est cela dont je parlais plus haut. J’ai le temps de travailler des choses que je ne me permets pas de travailler habituellement ou très peu, car elles n’entrent pas dans le cadre de mes études. Ça peut être approfondir certaines compositions, relever des arrangements ou bien retrouver du plaisir à jouer, écouter un certain type de musique que je ne joue plus depuis un moment.

Étant un grand fan de blues rock et de rock progressif, fusion et autres, je me plais à prendre du temps pour pouvoir changer mon rapport à la musique. C’est une sorte de bouffée d’oxygène “musicale”, parce que pour le reste évidemment ce n’est pas la même histoire, comme pour tous en ce moment.

Comment arrives-tu à jouer « avec » les autres ?

Et bien nous sommes en discussion sur Messenger avec les différentes formations. Nous nous envoyons des partitions afin de les travailler chacun de notre côté. Je n’ai malheureusement plus de téléphone, ni de carte son pour pouvoir faire des lives ou autres…

Pour l’instant en terme de jeu collectif, je suis au point mort, comme pas mal d’entre nous. Il y aurait bien mes colocataires (Mathieu Calzan et Arthur Delmonteil) mais ils sont rentrés chez eux il y a de cela une dizaine de jours.

Écoutes-tu la radio, des disques, du streaming ? Quoi par exemple ?

Je n’ai pas la radio et pas de support pour lire des disques.

Mais oui, j’écoute pas mal de choses sur Spotify, YouTube…

Je suis actuellement en train de me refaire l’intégrale de Frank Zappa, c’est long mais après tout j’ai le temps.

J’ai découvert également une formation qui s’appelle “New Century Jazz Quintet”. Je suis assez mitigé.

Outre le nom du groupe que je trouve assez mégalomane… J’apprécie les thèmes mais je trouve ça un peu aseptisé. Sans remettre en question le niveau des gars bien sûr, ça joue super.

Ce serait trop long de marquer tout ce que j’écoute en ce moment, mais je suis pas mal deux guitaristes du nom de Tom Quayle et Martin Miller qui ont une approche de l’improvisation et une identité intéressante.

Rien qui ne défraie la chronique, mais le legato de Quayle attire mon attention, étant un adepte de cette technique, cela m’intrigue et m’ouvre des pistes de travail. Je trouve également intéressant leur manière d’introduire un langage jazz dans ce type d’esthétique, dans l’esprit de ce qu’a pu faire Mike Stern à une époque ou encore Guthrie Govan plus récemment mais différemment, plus moderne. On sent l’héritage de la guitare électrique des vingt/trente dernières années, en dehors du jazz.

Cette situation change t-elle ta façon de voir les choses, la vie, ton métier ?

Évidemment la perte en terme de revenu est grande. Un groupe de solidarité c’est d’ailleurs ouvert sur Facebook pour tous les intermittents et ceux qui sont en voie de le devenir.

Il y a aussi le manque de jouer avec des gens, en cette période nous nous rendons particulièrement compte à quel point le rapport humain est important dans notre milieu. La frustration qui découle de l’impossibilité à entreprendre cet échange est dur à vivre..

Pour autant, le fait de se retrouver seul avec soi-même permet de raviver la flamme qui nous pousse à continuer notre travail tous les jours. C’est un avis très personnel mais avec le temps et les différents projets et études que nous suivons, on en perd parfois la magie et l’excitation que l’on avait au tout début.

Entretenir cette flamme peut être compliqué dans un milieu très compétitif comme le notre (tout comme dans  d’autres milieux). Et cette course vers l’objectif de pouvoir en vivre ainsi que la reconnaissance que l’on cherche tous de façon plus ou moins indirecte a tendance à entraver la passion qui nous habite tous.

On circonscrit nos idéaux dans un petit coin de notre tête pour laisser place à des besoins plus concrets, urgents. Et c’est un piège car ces idéaux devrait justement être un moteur et non une source de conflit intérieur.

Au final j’ai l’impression parfois que l’on va aux gigs comme l’on va au bureau. C’est dommage..

Mais les derniers événements dans leur malheur permettent de mettre tout ça en perspective. Encore une fois c’est un avis très personnel qui ne sera pas forcément partagé par tout le monde.

Un titre qui te passerait par la tête ? (On mettra un lien)

Arf, il y en aurait plein..

Mais pour faire de la pub à notre cher coordinateur du département Jazz/MAA au CRR de Bordeaux qui fait un boulot incroyable au quotidien au sein de cette structure, mais aussi dans son projet personnel.

Ce sera donc “Icare ou le drame de l’augmenté” de Julien Dubois sur l’album “Le JarDin”. Avec Simon Chivallon (claviers), Ouriel Ellert (basse) et Gaetan Diaz (batterie).

Et également “Library of Babel” de Alexis Valet non seulement parce que son album est super mais aussi parce que cette nouvelle de Jorge Luis Borges m’a énormément marqué quand j’étais adolescent.

Avec Adrien Sanchez, Simon Chivallon, Damien Varaillon, Stéphane Adsuar et en guest Magic Malik, Romain Pilon et Hermon Mehari.

Disponible sur les plateformes de streaming !

Et un grand merci à toute l’équipe d’Action Jazz pour son dévouement au quotidien bien entendu !

Photos Alain Pelletier

Carte AJ