Baptiste Herbin trio « Django » au Parc Mauresque d’Arcachon

Par Philippe Desmond, texte et photos

Parc Mauresque, Arcachon vendredi 19 juillet 2025

Baptiste Herbin : sax alto, sax soprano, arrangements, compositions / Sylvain Romano : contrebasse / Donald Kontomanou : batterie.

Entre juin et juillet et depuis 16 éditions, se déroulent les Escapades Musicales autour du Bassin d’Arcachon. Festival principalement voué à la musique classique, le jazz y trouve sa place chaque année lors d’un concert de qualité.

C’est ainsi que ce soir on retrouve le trio de Baptiste Herbin venu présenter son projet autour de Django Reinhardt. Django on connaît et sous toutes les coutures penseront certains, et bien qu’ils se détrompent, la musique qu’en a fait Baptiste ouvre de nouvelles perspectives à ce créateur et interprète légendaire disparu en 1953 mais toujours aussi présent dans l’univers du jazz. Faire du Django sans guitare est une gageure et quand celle-ci se voit remplacée par un sax alto ou soprano, on peut en effet se poser des questions. Le concert va y répondre et sans équivoque, ça marche ! Le public – a priori amateur de classique – est venu en nombre pour apparemment découvrir le saxophoniste à entendre les commentaires. Nous sommes tout de même quelques-uns à connaître l’artiste et aussi le personnage… Belle soirée d’été, cadre idyllique ne manque plus que la musique.

Elle arrive fort à propos pour ce crépuscule naissant avec « Nigt and Day » de Cole Porter mais classique du répertoire de Django. Réécriture, adaptation d’après une version tardive du Maître et aussitôt l’assurance que cela fonctionne. Baptiste ne va donc pas jouer comme Django ou à la Django, il va laisser son lyrisme pénétrer la musique du guitariste, en façonner d’autres facettes avec la liberté et l’inspiration qui le caractérisent, tout en en respectant l’essence ; une prouesse. Le trio est en osmose, la finesse et la créativité de Donald*, le son rond et clair de Sylvain, la cohésion est parfaite. « Troublant Boléro » au soprano tout en douceur pour ensuite laisser s’envoler des notes d’ailleurs, « Indifférence » où, nous confiera Baptiste en riant, il joue de l’accordéon avec son saxophone, une autre valse en référence aux Romanès, « Django » l’hommage de John Lewis du MJQ, un blues aux sonorités classiques, le hard bop déchaîné de « Nuits de Saint-Germain des Prés », la tendresse de « Anouman » le trio est au sommet avec Baptiste en premier de cordée ; il est époussoufflant. Il a même fait des compos mêlant le manouche avec le choro de son second pays, le Brésil. Il y a caché en citation « Minor Swing » et… »La Lambada » plus précisément le thème qu’a volé le tube, la chanson bolivienne « Llorando se fu » du groupe Los Kjarkas. Car en plus quand Baptiste est sur scène on apprend plein de choses, il a des talents d’animateurs certains avec naturel et humour.

Des cirrus tapissent le ciel, le moment de jouer « Nuages » très vite cachés par la « Montagne Sainte-Geneviève ». Une dernière valse, celle de Wasso et un « Tea for Two » servi clandestinement par une intro de batterie originale, passant ensuite du cha-cha-cha au be-bop. Magistral.

Tout l’album a été joué mais un rappel s’impose et Baptiste rassurera tous ceux qui le connaissent en offrant son morceau de bravoure favori à deux sax. Il est un de nos plus grands saxophonistes, il sait tout faire avec une capacité d’improvisation manifeste et une grande musicalité ; l’exubérance dont certains peuvent l’accuser est loin d’être sa signature, elle est un des nombreux aspects de son talent immense. Et surtout il aime et sait partager son plaisir avec le public, ça compte aussi et souvent ça manque.

* Donald Kontomanou remplaçait pour l’occasion André Ceccarelli présent sur l’album et actuellement blessé au pied ; il jouait pour la première fois dans ce trio nous a-t-il appris après le concert ; incroyable.
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