ARFI – LA NUIT DES MORTS-VIVANTS

Chez : ARFI

par : Alain Fleche

Loïc Bedel : jeu, objets

Olivier Bost : guitares, synthétiseurs et traitements analogiques, objets sonores, trombone

Christophe Gauvert : contrebasse,traitements analogiques, objets sonores

Damien Grange : voix, objets sonores, instruments et traitements analogiques

Pauline Laurendeau : voix, objets sonores, claviers

Willy Le Corre : voix, objets sonores, percussions

Marie Nachury : voix, claviers, traitements analogiques, objets sonores

Un ciné-concert sans image

Re-création de la bande-son d’un film culte, réécriture collective d’après le script original, pour être jouée en direct sans bande enregistrée, mais avec instruments, bruitages, voix et dialogues.

Focus sur certaines scènes clé de l’histoire d’où se dégagent l’imaginaire, l’inventivité, la force et la poésie qui habitent l’ensemble.

L’auditeur est témoin de la recherche sonore, invité à découvrir la cabine de doublage, de bruitage et d’enregistrement des voix, sons et musique ; à lui de retrouver, ou de créer les images qu’évoquent ce montage de dialogues, bruits d’objets ou d’ambiance, voix off, et musiques inspirées et inspiratrices.

Pourquoi ce choix de film ?

Hommage d’un genre cinématographique : le film de Zombies (fantômes, .extra-terrestres…) Le thème résonne aujourd’hui dans toute son actualité : vision d’un monde manipulé par le catastrophisme, où chaque inconnu est un danger potentiel (racisme), où l’humanité est convié à se barricader d’urgence (individualisme), où les discours officiels et médiatiques sont assénés sans aucun lien scientifique ni raisonnement concret…

Lors de la sortie du film, les États-Unis sont déchirés par la guerre au Vietnam, les manifestations estudiantines, les luttes de revendication d’égalité raciale (1968 : assassinat de Martin Luther King), et c’est une période encore marqués par le maccarthysme : la peur du Rouge !

Outre l’acte de mémoire de cette époque, c’est toute l’horreur de l’actualité présente mise en évidence par ce regard critique sur le monde moderne que dénonce cette œuvre.

Manipulation par la peur, chiffres et obligations fantaisistes, brutalités sécuritaires que nous continuons à supporter…

L’histoire se mord la queue

Le zombie fait peur, c’est l’ennemi à abattre, l’intrus. C’est le symbole de tous les rejetés de la société mondialiste, les inadaptés, les marginaux… les complotistes (ceux qui comprennent les situations avant les autres, désignation inventée justement vers 1968). À défaut de ne pouvoir s’en débarrasser, il faut s’en protéger pour ne pas être atteint dans son petit confort, se barricader… avec la télé allumée !

On retrouve là tout le scénario et situation d’origine par un travail de recomposition qui appelle l’auditeur à un effort de construction-imagination-réflexion pour se fabriquer les images correspondantes, cela rappelle les émissions radiophoniques dramatiques ou policières qui animaient les soirées de notre enfance, avec toutes les émotions que ces diffusions suscitaient.

Le résultat est parfait, on s’y croit, on y est ! Bruits et voix (dialogues, cris, sons divers) sont justes et crédibles.

Et la musique ? Souvent utilisée pour renforcer l’ambiance d’une situation, elle a aussi sa propre vie. Une chansonnette par ici, un walking basse par là qui va embarquer le conteur se mettant à chanter son texte (translation du drame en comédie… acide), d’autres instruments s’ajoutent, suivent le swing évoqué, induisent un changement de plan. Dialogues des acteurs cités à chaque répliques, bande son à suspens et bruits adaptés finissent par créer aussi une musique bizarre, certes, mais cohérente et distincte, étonnant !

Bêtise de ceux qui se sentent en danger, fragilité des attaquants, musique qui bat les cartes, tout concorde à mettre en question le bien fondé des actes décrits… et notre propre perception des situations. Les méchants ne sont peut-être pas ceux désignés comme tels, peut-être des sujets d’expériences chimique, biologique, projetées par de vrais méchants…

Une histoire de boucs émissaires qui va permettre de ressouder une société vacillante rêvant de guerres et de victoires… quel qu’en soit le prix !

Une réflexion sur sujet chaud bouillant. On n’en sort pas indemne !

On ne s’attend pas à avoir envi de re-écouter le disque, mais comme un bon film dont on découvre des détails à chaque visionnage, chaque nouvelle écoute apporte à la compréhension globale et à la justesse des moindres détails. Et puis on perçoit enfin l’humour qui affleure sur certaines scènes, pas spécialement drôles en elles-mêmes mais avec une dérision sous-jacente dans la réalisation par ces bidouilleurs de talent, dont la musique n’est pas étrangère, non plus.

Cet essai aurait pu être anecdotique, voire chiant, ben non, c’est passionnant.

Pari risqué, pari gagné ! Bravo l’Arfi !

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