Adi’Jazz au Festival Jazz Pourpre en Périgord
Week-end Jazz à Lembras, samedi 17 mai 2025.
Texte et photos François Laroulandie.
François Petit : saxophone ténor, baryton, chœurs / Mathieu Legras : guitare / Jean-Pierre Curdi : trombone, chant lead / Clément Lima : guitare basse.
Rendez-vous à la salle des fêtes à 17 heures 30 pour le concert du quartet Adi’Jazz, dont le programme de ce festival qui fête cette année ses vingt-et-un ans indique qu’il joue « un jazz traditionnel entraînant, décliné en gascon ». Une originalité qui a suscité ma curiosité, et je n’ai pas été déçu…
Adi’Jazz _le nom est inpiré de Adishàtz, « adieu » en langue gasconne _ c’est la réunion de quatre instrumentistes virtuoses à l’énergie communicative. Formé à Tarbes dans les Hautes-Pyrénées, le groupe propose un répertoire d’arrangements de standards New Orleans et swing et met en musique les textes originaux de Jean-Pierre Curdi et Jean-Claude Ulian chantés en gascon, reliant jazz, poésie et humour. Ils ne se privent pas d’improvisations et de jeux de scène jubilatoires qui enthousiasment l’assistance. Partage, joie de vivre, verbe haut, humour et bonne humeur sont au programme de leur méthode « pour vivre en bonne santé ».
A la question du sens : « Perqué ? Pourquoi tout ça, écrire le jazz ?… Pour VIVRE ! ». Choisir de s’exprimer en gascon, langue occitane vectrice d’un ensemble de représentations et donc d’une culture, ce n’est pas seulement une originalité ; c’est renouer des liens avec le monde qui nous entoure. Il n’est qu’à entendre les réactions des quelques locuteurs gascons présents pour comprendre le pouvoir de communication de cette langue porteuse d’un imaginaire foisonnant. Adi’Jazz n’est pas seul à emprunter ces chemins ; ainsi Bernard Lubat et son Jazzcogne, André Minvielle, ou encore Yannick Jaulin et son Projet Saint-Rock, alliant rock lyrique et chant en langue vendéenne.
Leur plaisir de jouer ensemble est évident dès le premier titre “Estar un omi” (Etre un homme) adapté sur l’air de ‟I Wan’na be like youˮ de Robert et Richard Sherman. Ça swingue et respire la joie d’être ensemble ; François Petit le saxophone descend de scène et prend du plaisir à jouer parmi le public, suscitant l’enthousiasme général ; le guitariste Mathieu Legras fait corps avec son instrument, Clément Lima assure une rythmique sans faille à la guitare basse, et Jean-Pierre Curdi alternant le chant en gascon et le trombone avec brio. A eux quatre ils assurent le spectacle avec une belle présence. Les titres s’enchaînent sur un rythme soutenu où nous prenons plaisir à reconnaître les arrangements originaux de grands standards jazz ; ainsi ‟Christopher Colombusˮ de Chu Berry sur les paroles de “Trauca-sègaˮ ; ‟Avalonˮ sur ‟Petit Jeanˮ ; ‟Bei mir bist du sheinˮ pour ‟Au casauˮ ; ‟Do you know what it means New Orleansˮ sur ‟L’amor s’en va” ; ‟Shim Shamˮ sur les paroles de ‟N’ei pas ço qu’esˮ.
Ambiance surchauffée à l’attaque d’un ‟MacDo blues” convoquant la voix de Louis Armstrong sur un tempo blues de ‟St james infirmaryˮ ; en suivant, ‟Perquéˮ, sur un air de swing binaire, une composition Adi’jazz / Jean pierre Curdi.
‟Lo complanh”, (la complainte) c’est le blues du Maire, sur l’air de ‟Sentimental Journeyˮ chanté par Jean-Pierre Curdi alternant voix et solo sensible de trombone, un texte plein d’humour pour les maires des petits villages sollicités de toutes parts, responsables jusqu’au temps qu’il fait.
‟L’america” sur ‟Dream a little dream of meˮ de Gus Kahn, chanson pour les tous les gascons émigrants du XIX° siècle poursuivant l’espoir d’une vie meilleure et rencontrant surtout la sueur.
‟Dens los uèlhs”, ‟Dans les yeuxˮ, « …quand je t’ai vue pour la première fois, je me suis mis à trembler… » ; sur un air de parade New Orleans joyeuse et délirante adapté du ‟Sing, sing, singˮ de Louis Prima.
Dernier titre : ‟Gasconhaˮ, « …on a tous quelque chose de gascon… » chanté sur le thème incontournable de ‟Caravanˮ de Duke Ellington pour terminer ce concert dans une ambiance surchauffée. Rappel par un public survolté et des musiciens à l’unisson ; la salle entière se lève, on applaudit, on danse dans les travées, on en redemande, et ça se termine autour de la console. Belle ambiance ! Ces quatre là ont enflammé la salle des fêtes cet après-midi là ; leur plaisir de jouer s’exprime totalement sur la scène, tout en décontraction et virtuosité, un pur moment de bonheur qui donne envie de prendre date pour l’année prochaine à Bergerac.