Par Dom Imonk
Parue le 01 janvier 2014 dans la Gazette Bleue n° 2
Il se dit que New-Orleans est une ville magnifique où, comme à New-York, le jazz ne dort jamais. Ses intimes l’appellent « Nola » et la musique y est multiple, du jazz le plus mainstream aux grooves les plus endiablés. Nola a vu naître bien des grands noms du jazz comme Louis Armstrong, Sydney Bechet, Mahalia Jackson, Dr John, Fats Domino, Alvin Batiste, Christian Scott, Davell Crawford, la famille Marsalis, Donald Harrison et Terence Blanchard etc…Et puis il y a les jeunes qui sortent des écoles de musique, comme le prestigieux NOCCA (New Orleans Center for Creative Arts). Ils font déjà le jazz d’aujourd’hui et bâtissent vaillamment les fondations de celui de demain. Il y a quelques années, Jazz In Marciac eut la très bonne idée d’inviter des jeunes musiciens du NOCCA à jouer au festival bis. Leur professeur et pianiste reconnu, Michael Pellera, les encadrait, et ce fut un succès total. Ils furent adoptés par le public, les bénévoles et le festival lui-même qui n’hésita pas à les réinviter l’année suivante, avec le même succès. La plupart de ces jeunes mènent carrière aujourd’hui, comme Cliff Hines, Etienne Jean Stoufflét, Oliver Bonie, Martin Masakowski, Andrew Glass, mais aussi Conun Pappas, Joe Dyson et Max Moran qui ont formé vers 2011 The Bridge Trio. Après le NOCCA, Joe Dyson et Max Moran ont également été diplômés du Berklee College of Music et Conun Pappas de la New School for Jazz and Contemporary Music. Ils n’oublient pas de rendre grâce à Alvin Batiste pour ses précieux enseignements et conseils et à Donald Harrison qui très tôt avait su détecter leur potentiel et n’hésita pas à les intégrer dans son groupe pour ses tournées.
The Bridge Trio est aussi le nom de leur premier disque. Conun Pappas est aux claviers, Joe Dyson à la batterie et Max Moran aux basses.
Ce disque riche et habité, est mu par la fraîcheur et l’énergie hirsute propres aux jeunes musiciens. Treize belles compositions dont cinq de Conun Pappas, trois de Joe Dyson et trois de Max Moran.
Le bal est ouvert par un ambitieux « 125 Th And Brodway » (C.Pappas) qui consacre avec panache leur passage à New York. Beau jazz moderne, sautillant et aéré, où chacun prend bien ses marques. S’ensuit une délicieuse balade, « A new round of rounds » (C.Pappas), où Conun fait montre d’une belle maîtrise du Fender Rhodes, beau solo de basse de Max et cette furieuse batterie de Joe qui pousse le tout. Voici le temps des invitations, avec une belle version de « Body and soul » et la voix très soul de Davell Crawford qui arrive à point nommé pour apporter la chaleur de son amitié au trio. Puis vient « Make some noise » (J.Dyson) qui, comme son nom ne l’indique pas, est plutôt un morceau en mid-tempo, un genre de balade, Conun y distille quelques très beaux accords, associés au discret jeu de Max, la batterie de Joe y est plutôt calme pour vraiment bien s’exploser à la fin. On continue avec « So you’re leaving » (M.Moran), balade nostalgique qui exprime bien la douleur de la rupture, Max a pris sa basse électrique et nous en offre quelques belles lignes. Donald Harrison, invité par ses petits protégés, arrive en suivant avec un somptueux « Burnin » sur lequel il s’envole, et le trio avec. Donald est toujours aussi grand, le trio s’adapte illico et offre en l’instant le meilleur de ce qu’il a dans les tripes. Retour au cool avec « If only you were here » (C.Pappas) où le Fender Rhodes de Conun fait de nouveau merveille, atmosphère nostalgique là aussi. Tout le monde s’affaire, drumming débordant d’un Joe en super forme. Le très énergique et groovy « Rapture » (J.Dyson) suit, Max a repris la basse électrique et Joe montre que c’est lui le boss là. Atmosphère à l’opposé avec un superbe « Heroes » (J.Dyson), sorte de fable universelle, à ce que nous disent les notes de la pochette, sur notre condition de mortels et ces héros qui fascinent bon nombre d’humains poussés à s’identifier à eux, pour devenir meilleurs. On continue avec une jolie balade « Tell me how » (M.Moran), gentiment menée par la basse électrique de Max, toute en groove délicat, soutenu pas de jolies phrases de Conun et le scintillement discret des cymbales de Joe. « Truth be told » (C.Pappas) montre encore une fois la qualité des balades de ce trio, de discrètes nappes de synthés viennent souligner la poésie qui flotte un peu partout. Avant dernier morceau déjà : « Untitled » (M.Moran), un beau et triste Fender Rhodes nous dit de belles phrases, bien soutenues par la basse électrique groovy de Max et la batterie de Joe qui s’est raffermie. « Now that i’m there » (C.Pappas) clos l’album de belle façon, un jazz qui démarre guilleret et groove avec puissance sur le final. Belle conclusion à un disque très attachant qu’on aimerait bien écouter en live et auquel une suite parait indispensable! Trop tard, nous y avons pris goût!
Par Dom Imonk
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