Sixun au Rocher : éternels

Par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat

Le Rocher de Palmer, vendredi 20 octobre 2023.

A l’automne 1984, lors d’un jam, une bande de copains musiciens décide de monter un groupe. 39 ans après, cinq sur les six du départ (à l’origine du nom Sixun) sont toujours là et leur public aussi :

Jean-Pierre Como (claviers), Louis Winsberg (guitare), Alain Debiossat (sax), Michel Alibo (basse) Paco Séry (batterie). Stéphane Edouard est maintenant aux percussions, poste qui, lui, a connu pas mal de changements au fil du temps.

Le temps a passé, les âges ont avancé mais le jazz fusion du groupe n’est pas devenu du jazz infusion, les succès d’années passées n’ont pas laissé place à des succédanés, l’énergie folle du groupe est toujours là, explosive !

Scène habillée de tissu Batik, voix africaines pour introduire le groupe, le ton est donné. La pulsation va être immédiate, la basse de Michel Alibo entraînant toute l’équipe. La frappe sèche et puissante du pourtant fluet Paco Séry, les percussions ahurissantes de Stéphane Edouard, les deux s’entendant à merveille, marquant le tempo, les temps, les polyrythmies. C’est fort, tellurique. Une version costaude de « Paesana » de l’album Palabre. Guitare et sax trouvent leur place devant cette fièvre rythmique, le clavier liant le tout.

Alain Debiossat s’adresse à nous, parlant de la pluie – mais pas du beau temps – du vent qui ont animé cette journée. Une sorte de bulletin météo, weather report en anglais ; ça ne vous rappelle rien ? Ne disait-on pas que Sixun était le Weather Report européen ?

Voilà, tiré du dernier album, « Minor Step » aux premières mesures de guitare rappelant Pat Metheny mais laissant vite la place au sax alto avec toujours cette folle rythmique. Jean-Pierre Como prend les choses en main pour apporter à ce titre la légèreté que tentent de lui voler les percussions. Magnifique.

Paco debout derrière sa batterie commence son show, chambre le public avec humour, les autres rebondissent, Michel Alibo et son grand rire en tête ; ils sont relax les gars, tant de métier, de complicité, même si la carrière du groupe a connu des blancs.

Corne de brume de bateau, bruits et conversation de marché africain, un clin d’oeil certain à « Black Market » pour « Very Sixun Trip » et un solo de Michel Alibo ; ça groove, ça ronfle grave, ça déboule sévère, ça charge, ça tonitrue, ça barde !!!

« Idole» et Louis Winsberg qui va dialoguer avec le sax soprano d’Alain Debiossat tirant de sa guitare à peu près les mêmes tonalités, insolite.

Puis tout le monde va se rejoindre derrière la batterie et les percussions, sauf Alain, pour un chorus rythmique démentiel ! Paco et Stéphane finissent en bagarre mais s’écoutant parfaitement, parfaitement synchros ; impressionnant, fabuleux !

Dans « Parakali » j’aime moins l’utilisation du vocoder pour les vocalises de Louis Winsberg mais c’était aussi une des signatures du groupe dans les années 90. Michel Alibo se fait chambrer par ses potes, Paco en tête, pour sa basse aux reflets rose Barbie, un dégradé de rouge raté par le luthier. Il va par contre nous en tirer un solo slappé monstrueux ; comment ça bastonne sur scène, quel plaisir de retrouver ces sons de jazz rock comme on disait avant, cette fusion au sens du métal qui coule sous les degrés de fièvre auquel on le soumet. Six individualités remarquables au service d’un collectif époustouflant.

Intermède de Paco qui nous parle de ses influences, Eddy Louis qui l’a sorti de l’anonymat, Nina Simone, Monsieur Zawinul (sic) et c’est reparti en trombe pour ce concert vivifiant et encore le mot est faible. Tout le monde debout à la demande de Stéphane Edoaurd, le franco-indien de PondiCergy, qui nous annonce sa composition « The Seven Keys » démarrée par des vocalises de raga et qui part vers des polyrythmies dans le bel esprit fusion de Sixun.

Rappel bien sûr et une salle rajeunie de 30 ans au moins, les souvenirs de concerts passés étant remontés comme cette première partie de Sixun en 1987 pour le concert de Wayne Shorter au Vigean (évoquée par Alain Debiossat ; merci Dom pour le billet souvenir) avec déjà comme ce soir à l’organisation « Musiques de nuit » et un certain Patrick Duval ; merci Patrick pour tout.

Merci Sixun de nous permettre d’être jeunes depuis plus longtemps que les autres !

 

Chronique du dernier album : https://lagazettebleuedactionjazz.fr/sixun/

Galerie des photos de Philippe Marzat :