Roger Biwandu Bordeaux 5tet et invités :
deuxième mi-temps
par Philippe Desmond, photos Christine Sardaine, Dom Imonk et PhD
Le Rocher de Palmer, Cenon (33) samedi 21 octobre 2023.
Le 28 janvier dernier, le Salon de Musiques du Rocher de Palmer affichait complet pour le concert de Roger Biwandu et son Bordeaux Quintet à l’occasion de la sortie du quatrième album du batteur.
Tant de frustrés qui n’avaient pu être présents ce soir-là, mon cas, ou qui n’avaient pu avoir de place. Qu’à cela ne tienne, un autre concert allait être programmé par Patrick Duval le maître du lieu ! Biwandu est chez lui ici à Cenon, c’est le Roger de Palmer ; la salle de concert aurait paraît-il failli porter ce nom, le Rocher l’emportant finalement. Il a vécu toute sa jeunesse dans la rue Colette, pile en face, a joué au rugby sur les terrains tout proches – avant de traverser la côte des Quatre Pavillons vers le club de Lormont – a joué dans la fanfare locale et il a toujours sa salle de travail au château municipal tout proche.
Vous savez comment s’appelle le premier titre joué ce soir ? « Bienvenue à Cenon » de son album «Influences». Anecdotique ? Non, le reflet de cet homme fidèle à ses racines, les siennes ici et celles de ses aïeux au Congo, à sa famille et à ses amis de jeunesse, de rugby, de musique.
Ses musiciens ? Des amis aussi dans la vie, avec qui il joue depuis tant d’années. Au piano (un vrai, super !) Hervé Saint-Guirons que le boss surnomme « Le Révérend » , à la contrebasse « La Patronne », Nolwenn Leizour ou Martin-Leizour comme Roger la présente désormais, à la trompette Micka Chevalier, aux sax Jean-Christophe Jacques. Voilà pour le Bordeaux Quintet – plus parlant au-delà de nos territoires que le Cenon Quintet on s’en doute – mais des invités sont annoncés.
Voilà « Tanzilla » pour poursuivre. Deux titres de hard bop où Roger peut exprimer sa verve aux baguettes, un style bien à lui, énergique, éclatant, riche de sons de tambours, de ponctuations marquées ; il n’accompagne pas, il joue. A ses côtés Nolwenn a du travail sur ces tempos rapides mais son surnom évoqué plus haut est mérité, elle est toujours impériale et tout le monde se l’arrache. Hervé assouplit cette force de ses accords de piano et les deux soufflants peuvent se lâcher, en unisson ou en harmonie, dialoguer, bagarrer. Ils ne s’en privent pas, ils se connaissent par cœur et visiblement ils prennent du plaisir et nous en donnent.
Après ces deux compositions de Roger voilà « Footprints » de Wayne Shorter. L’arrangement lui a été transmis par Francis Fontès, le pianiste – entre-autres – bordelais. Francis est là d’ailleurs juste derrière moi. Il m’expliquera la genèse de cette transmission. Pour ses cinquante ans, sa famille et ses amis lui avaient offert un billet vers New York pour assister à la célébration des 70 ans d’Herbie Hancock ; le premier titre joué ce soir-là était donc « Footprints » avec cet arrangement et Francis l’a de suite retenu. Et un soir à l’époque du Tunnel à Bordeaux, que certains ont connu, il l’avait montré à Roger qui y avait ensuite pensé toute la nuit paraît-il. Une merveille que cette adaptation de ce titre légendaire du regretté Wayne, parfaitement joué ce soir bien-sûr. Le titre figure sur son dernier album « Straight Outta Palmer ».
« The Walk » du dernier album aussi, est une composition du batteur, inspirée de Monk et dédiée à sa compagne à la si belle démarche nous glisse-t-il. Au fait, Roger dialogue avec nous mais curieusement ce soir je le sens ému, il rigole mais fait moins le clown que le mois dernier au festival d’Anglet où nous avions eu la chance de voir le quintet ; aujourd’hui beaucoup d’amis dans la salle et certainement une émotion plus forte pour lui. Il a d’ailleurs été touché de faire à nouveau complet pour cette deuxième session ici, l’inquiétude d’une baisse de fréquentation de ses amis rugbymen s’étant vite estompée « grâce » aux usurpateurs Springboks !
Clin d’oeil au Congo de ses racines familiales avec « En direct du stade Tata Raphaël » le nouveau nom du fameux stade de Kinshasa, thêatre du combat légendaire Mohammed Ali contre George Foreman en 1974. Curieusement la musique y est d’inspiration caribéenne sur un rythme de calypso ; alors un invité est tout trouvé pour prendre le piano, son ami Mario Canonge. Et en effet on va être servi par l’alerte virtuosité ultramarine de ce très grand pianiste. Cadeau supplémentaire, le quintet s’est élargi de Loïc Demeersseman au sax ténor et de Régis Lahontâa à la trompette. Tout cela sonne d’enfer ou de paradis, comme il vous sied.
Place à un intermède en duo avec Super Mario ; voilà Roger revenu au temps de la Biche de Cenon, la fanfare locale, caisse claire arnachée à la taille pour une amusante joute sur « Kon Djab Digidji » (le phasme en créole, l’insecte) un titre du pianiste, pas du tout prévu au programme jusqu’à ce jour et que ce dernier dit avoir un peu oublié. Tu parles ! Roger en attrape même une crampe à la main !
Il est temps pour Roger de nous jouer son hymne (dont je me sers comme générique pour mon émission Jazz d’ici et d’Ailleurs sur O2 Radio (1) et dont il est le parrain) « From Palmer » ; fidèle on vous dit. Les cuivres vont bien bagarrer, un régal. « Rara Avis » de Micka Chevalier en mémoire d’un bateau marchand sur lequel il a navigué (musicien, marin, ébéniste il touche à plein de choses et très bien), sur lequel s’exprime bien le son chaleureux de sa trompette.
Le concert touche paraît-il à sa fin, le temps est vite passé avec ce très solide quintet/septet ; à son issue Jean-Christophe Jacques me dira « On n’est pas les meilleurs mais ensemble on s’amuse bien ». Eh les gars, vous avez conscience du niveau de votre formation ? Tiens, un témoignage. Le week-end précédent au festival Jazz et Garonne de Marmande nous avons eu l’occasion de déjeuner et discuter avec Jean-Michel Proust, musicien, journaliste presse et radio (TSF Jazz), ex directeur du label Blue Note France, directeur du festival Jazz au Phare sur l’île de Ré et tout récent Président de l’Académie du Jazz, autant dire un personnage important. Il nous disait qu’il avait été impressionné la veille au soir par le quintet et aussi le drumming de Roger. Il en a vu d’autres pourtant ! Il concluait en espérant que le groupe allait tourner bien au-delà de son périmètre actuel. Si c’est lui qui le dit !
La défaite du XV de France dimanche dernier a permis certainement la victoire du Bordeaux Quintet ce soir et voilà un titre se référant au ballon ovale « Essai après une attaque en 1ère main » (les initiés auront compris) ; les attaques vont en effet jaillir de partout le duel viril mais correct entre le sax ténor de JCJ et la batterie finissant par une échappée en solo du batteur venue d’un autre monde.
C’est fini. Mais non ! Personne ne veut les lâcher. Et après un « Human Nature » cher à Roger pour ses références musicales, c’est à neuf qu’ils se retrouvent sur la scène pour le bouquet final. Au septet se joint Mario et pour chanter, remplaçant Lisa la fille cadette du batteur c’est, surprise, Annick Tangorra qui vient prêter sa voix à «Sunny». Le public est debout, la présentation des musiciens se fait en musique chacun y allant de son chorus dans une belle unité transformant ce grand standard en une nouvelle œuvre ; splendide. « I love you » dit le refrain, ce que le public reprend en chœur avec sincérité. Oui les amis, on vous aime !
(1) Le jeudi de 17h à 18h sur O2 radio 91.3 et en direct ou en podcast sur http://www.o2radio.fr
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